Les perspectives s'obscurcissent pour l'immobilier résidentiel

C’est une conjoncture en demi-teinte qu’annonce le groupe bancaire BPCE pour l’immobilier neuf et ancien en 2022 et 2023. L’analyse d’Alain Tourdjman, directeur des Etudes et Prospective du Groupe BPCE.
Pas d’éclaircies à l’horizon 2022 pour l’immobilier résidentiel, selon la dernière enquête de prospective du groupe bancaire BPCE. En effet, selon l’analyse d’Alain Tourdjman, directeur des Etudes et Prospective, « dans un contexte de poursuite de la hausse des prix, l’activité résidentielle recule en volume depuis la fin 2021, avec une baisse sensible des transactions. La conjoncture pourrait se dégrader plus encore en 2023. Les effets conjugués de la hausse des taux, de la réglementation énergétique et d’anticipations négatives des ménages pourraient conduire à une chute plus accentuée des volumes puis à un recul des prix ». Une baisse des prix salutaire ?
Un ralentissement limité de la conjoncture immobilière
Les transactions immobilières restent à un très haut niveau, mais BPCE observe un ralentissement en cours depuis un semestre. Parmi les possibles raisons : la hausse des prix immobiliers reste vive au premier trimestre 2022 à 7,3 % sur un an, alimentant un nouveau record des crédits nouveaux à l’habitat aux ménages en hausse de 9 % par rapport à 2021, sur la période janvier à mai. Toutefois, en volume, le marché se replie sensiblement. Les transactions dans l’ancien demeurent certes à un niveau très élevé, 1,17 million en cumul annuel à fin mars, mais sont orientées à la baisse depuis un semestre.
- Stagnation des mises en chantier dans le logement neuf
Dans le logement neuf, les mises en chantier stagnent autour de 390 000 opérations sous l’effet de fragilités structurelles : rareté et cherté du foncier, accumulation des normes, réticence croissante des élus à délivrer des permis… et de difficultés conjoncturelles : pénuries et ruptures d’approvisionnement de matériaux, hausses de coûts, problèmes de main d’œuvre… rapporte BPCE. Le vif rebond des autorisations délivrées semble davantage devoir s’interpréter comme un effet d’aubaine pour faire passer des projets avant la mise en œuvre de la RE 2020 que comme le signe annonciateur d’une reprise de l’activité, analyse Alain Tourdjman.
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Projets immobiliers des ménages : une image toujours positive, un contexte qui devient dissuasif
Pourtant, l’aspiration des ménages à acheter un logement, tout comme l’image de l’immobilier comme support d’investissement n’ont pas été entamées par la crise, voire bénéficient de la vision traditionnelle de la pierre comme un actif réel protégeant de la perte de valeur de la monnaie. Cette image toujours positive de l’immobilier est confortée par des anticipations de prix immobiliers qui restent très favorables : 63 % des Français s’attendent à une hausse des prix à 12 mois contre 9 % seulement qui prévoient une baisse et, à un horizon de 5-10 ans, ils sont deux tiers à anticiper une hausse, contre 15 % une baisse, rapporte BPCE.
D’ores et déjà, toujours selon les chiffres du Groupe BPCE, seuls 21 % des Français jugent le moment favorable pour acheter, un seuil très inférieur au plus bas atteint lors de la crise sanitaire et en retrait constant depuis un an. Par ailleurs, la part des ménages ayant un projet d’achat en résidence principale, secondaire ou bien locatif stagne depuis novembre 2021 à 18 % de la population alors que mai-juin est traditionnellement un pic saisonnier. En particulier, les catégories représentatives des primo-accédants, les jeunes et les revenus modestes, expriment quant à elles un net recul des projets en lien avec leur vulnérabilité plus marquée au choc inflationniste, détaille Alain Tourdjman.
Un marché immobilier subissant une double mutation
Toujours d’après le directeur des études et prospective du Groupe BPCE, le basculement à la hausse des taux d’intérêt et la transition énergétique entraînent la mutation du marché immobilier et cela, au-delà de ce contexte conjoncturel. Selon lui, le marché résidentiel est également impacté par ces deux facteurs de transformation durable du marché :
- La hausse durable des taux d’intérêt et ses conséquences
Le premier facteur de transformation durable du marché est bien sûr l’orientation à la hausse des taux d’intérêt après 40 ans de baisse presque continue. En simulant, de façon normative et plutôt conservatrice, les taux de crédit sur la base d’une hausse de l’OAT vers 2,5 % fin 2022, ceux-ci retrouveraient leur niveau de 2014 dès l’an prochain, calcule Alain Tourdjman. Une hausse des taux qui pèse sur la solvabilité des ménages accentuant l’éviction des primo-accédants : « déjà fragilisés par la hausse des prix dans l’individuel, par l’application des règles du HCSF et par le mécanisme du taux de l’usure », ajoute BPCE.
De quoi obliger de nombreux ménages à reconsidérer l’équilibre économique de leur projet. « Compte tenu du rôle majeur qu’ont joué les conditions de crédit (taux, durée et quotité d’emprunt) dans le nouvel équilibre qui s’est construit entre prix et solvabilité depuis le début des années 2000, ce basculement à la hausse des taux d’intérêt doit être interprété comme un arrêt brutal du principal moteur qui assurait la montée des prix immobiliers en France », écrit Alain Tourdjman.
- Les effets de la réglementation énergétique
Le second facteur de transformation durable du marché est, toujours selon BPCE, la poursuite de la mise en œuvre de la réglementation énergétique en France avec un dispositif qui passe de l’information et de l’incitation à la contrainte et à la pénalisation. Les mesures prises à l’encontre des 4,8 millions de logements classés en F et G, particulièrement dans le locatif, mais aussi la mise en œuvre à l’automne de l’audit énergétique, pourraient également avoir un impact marqué sur les prix. En évaluant le coût des travaux nécessaires pour que le bien classé F ou G retrouve l’intégralité de ses usages potentiels (propriétaire-occupant ou locataire), l’audit énergétique établira une base objective de négociation du prix entre acheteur et vendeur. En établissant une contrainte forte sur le locatif, par ailleurs difficile à respecter faute d’une offre suffisante, la réglementation devrait conduire à une accélération des mises sur le marché de biens F et G. Dans un contexte de recul des transactions et donc de sélectivité croissante du marché, il est probable que l’écart de valeur entre les biens classés F et G et ceux appartenant aux autres catégories de DPE devienne plus significatif, notamment dans le collectif qui semblait jusque-là échapper aux écarts de « valeur verte » que l’on pouvait observer dans l’individuel.
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Quelles perspectives pour le marché résidentiel pour 2023 ?
En conclusion, BPCE estime que l’ensemble de ces facteurs devrait conduire à une contraction marquée des opérations des ménages avec une baisse des transactions dans l’ancien de 5 % en 2022 et de 9 % en 2023 mais aussi avec un repli de la construction neuve en 2023 avec la mise en œuvre difficile des contraintes de la RE 2020 en lien avec les ruptures d’approvisionnements, les hausses de coûts et les difficultés croissantes à obtenir des permis dans les zones urbaines.
« Les prix, traditionnellement plus inertes que les volumes devraient ralentir en 2022 : + 4 %, continuant à bénéficier de l’élan de 2021 et du rattrapage qui s’opère sur les villes moyennes et l’individuel en province après une décennie 2010 de stagnation pour ces types de biens », souligne Alain Tourdjman, qui juge que, en revanche, l’effet conjugué de la hausse des taux d’intérêt, de la baisse du pouvoir d’achat des ménages et de l’application de la réglementation énergétique devrait conduire à une baisse des prix moyens en 2023 de l’ordre de 3 %.