Frank Maire, Alcys Réalisations : « Nous devons annuler les contraintes autour du crédit immobilier pour relancer les ventes »
Rencontre avec Frank Maire, dirigeant d'Alcys Réalisations, entreprise de promotion immobilière en Alsace et vice-président du Pôle Habitat de la FFB dans le Grand Est. Dans cet entretien, il analyse les enjeux majeurs du secteur immobilier neuf et propose des perspectives stratégiques pour surmonter les obstacles.
- Quel est votre ressenti sur le marché du neuf dans votre région, et comment cela se déroule-t-il spécifiquement chez Alcys Réalisations ?
« Alors, chez Alcys Réalisations, nous faisons face aux mêmes défis que nos confrères, car le marché du neuf connaît actuellement une quasi-stagnation. Sur le marché de l'immobilier neuf dans la métropole strasbourgeoise, par exemple, représentant 50 % du marché du Grand Est, la vente de logements neufs aux particuliers est en chute drastique, divisée par trois. Nous passerons de 2300-2400 logements par an en temps normal à, au mieux, 800 logements vendus cette année. Les conséquences économiques et sociales d'une telle chute sont considérables. Nous avons alerté les pouvoirs publics locaux et le gouvernement depuis environ 18 mois sur cette situation prévisible, qui est désormais confirmée. Si l'on devait compter uniquement sur les ventes aux particuliers, Alcys enregistrerait une baisse d'environ 70 % de son activité. »
- Comment réagissez-vous, chez Alcys, à cette situation ?
« Nous réagissons grâce à l'initiative proactive du président de l'Action Logement, Bruno Arcadipane, qui a lancé un plan d'acquisition de 30 000 logements. Nous avons exprimé notre gratitude et salué cette réactivité lors de rencontres à Paris. Action Logement adopte une approche équilibrée et honnête dans ses relations, ce qui se traduit par des ventes en bloc à des conditions plus avantageuses. Bien que les ventes soient en bloc, la relation demeure équilibrée, car Action Logement, tout en achetant à des prix plus bas, reconnaît nos contraintes et la réalité des coûts de construction. Ainsi, avec des partenaires honnêtes, nous parvenons à des accords gagnant-gagnant. »
- Et les ventes aux particuliers dans tout cela ?
« Les ventes aux particuliers sont pratiquement inexistantes aujourd'hui en raison de l'insolvabilité des ménages. Nous sommes confrontés à un problème majeur de solvabilité des particuliers. »
- Qu'attendez-vous de l’exécutif pour relancer le marché, et ne pensez-vous pas que la confiance des ménages joue un rôle important ?
« La confiance envers la pierre a toujours été présente chez les Français et cela reste inchangé malgré la situation actuelle. Toutefois, les ménages sont désabusés face à leur banquier car les banques, contraintes par la hausse abrupte des taux d'intérêt et le retard pris par les salaires, sont incapables d'accorder des prêts. Ce sont surtout les règles édictées par le Haut Conseil pour la Stabilité Financière qui ont accentuées la situation. Il faut annuler ces contraintes pour relancer le marché car en France, il est inexact d'affirmer qu'il existe un surendettement lié au logement. Cette problématique concerne principalement les prêts à la consommation, non les crédits immobiliers. Le taux de défaut est estimé à moins de 2 % dans le logement. D'autant plus que depuis la guerre, l'accès à la propriété a toujours été soutenu en France en raison de la pénurie de logements. De nombreuses mesures ont été recommandées pour renforcer la solvabilité, notamment celles du CNR Logement. Malheureusement, les travaux acharnés de nombreuses personnes, pendant trois mois, sollicitées par le Président de la République lui-même, ont été négligés, mis à la poubelle. Il suffit de reprendre ces propositions. »
- Voyez-vous une issue positive à cette situation ? Comment Alcys Réalisations anticipe-t-elle l'avenir ?
« Actuellement, nous gérons les urgences et établissons une stratégie à court terme. Pour ce qui est de l'activité de vente aux particuliers, cela ne représente plus que 15 % de notre activité. Nous avons donc adapté notre modèle économique depuis douze mois déjà en nous tournant vers les ventes en bloc, avec le soutien d'Action Logement notamment. Cela nous offre une visibilité sur notre activité jusqu'à fin 2025. Au-delà de cette période, l'avenir reste incertain pour nous et l'ensemble du secteur. Après, c'est le noir total et pour tout le monde. »
- Le fait d'être en avance sur le plan environnemental aide-t-il Alcys à vendre en bloc à Action Logement ou à des particuliers ?
- Y a-t-il une opération que vous souhaitez mettre en avant parmi celles que vous commercialisez actuellement ?
« Nous lançons les opérations que nous avons vendues en bloc, mais toutes les autres sont actuellement en suspens. Nous avons mis certains terrains en attente, en espérant qu'ils retrouveront de l'intérêt dans 24 à 36 mois. Nous devons revoir notre business model pour faire face à cette situation difficile, et cela a des conséquences sur l'emploi dans le secteur du bâtiment. Quand Olivier Salleron, président de la FFB, évoque 150 000 emplois supprimés dans notre écosystème du bâtiment en direct, 300 000 très potentiels à l'horizon 2025-2026, je pense qu'il est tout à fait réaliste. Ce n'est pas qu'un chiffre pour faire pression sur le gouvernement. C'est une vraie réalité. Malgré ces défis, une opération qui nous tient à cœur est celle que nous allons lancer à Strasbourg sur la ZAC de Deux-Rives, les Terrasses Vauban. Un projet de 107 appartements neufs, avec 15 logements sociaux, proposant une belle architecture en terrasse, qui a le soutien de l'équipe municipale. Cette opération, remportée en 2019, il y a bientôt cinq ans, symbolise notre motivation en dépit des défis actuels du secteur. »