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Philippe Depasse, Sogeprom : « L'État a toujours su trouver les clés fiscales pour attirer les investisseurs »

Philippe Depasse, DG Délégué aux Régions de Sogeprom, analyse les perspectives du marché immobilier neuf en marge du Congrès National de la FPI.

Tags : Immobilier neuf, Sogeprom, Projectim


Directeur Général Délégué aux Régions de Sogeprom, filiale de promotion immobilière de Société Générale, qui continue également à assurer la Direction Générale de Sogeprom-Projectim à Lille, Philippe Depasse revient sur l’état du marché immobilier neuf, en marge du Congrès National de la FPI qui se tenait fin juin à Marcq-en-Baroeul, dans les Hauts-de-France.



- Comment se porte Sogeprom dans ce contexte de crise du logement neuf ? 

 

« Ce n'est pas trop mal, finalement. Comparé à d'autres entreprises, nous nous en sortons plutôt bien. En voyant les difficultés des autres, nous nous consolons. L'entreprise a toujours été très attentive à ses collaborateurs et très diversifiée dans ses activités. Nous faisons à la fois du résidentiel et du tertiaire, et nous offrons une large gamme de services, incluant la VEFA (Vente en l'État Futur d'Achèvement), le CPI (Contrat de Promotion Immobilière) et l'AMO (Assistance à Maîtrise d'Ouvrage). Cette diversification nous permet de mieux résister à la crise actuelle, que nous espérons temporaire. »

 

- Cette crise sera-t-elle vraiment temporaire ? Ou faut-il s’habituer à un niveau d’activité moindre, loin des années record ?

 

« Nous espérons qu'elle ne durera pas, mais il est peu probable que nous retrouvions les conditions des années précédentes, comme celles de 2017-2018, avec des marges élevées, des volumes importants et un accès facile aux financements. Les promoteurs immobiliers auront toujours un rôle capital dans la transformation urbaine, mais les projets seront plus difficiles à monter en raison de la complexité croissante de la société et des réglementations. La société devient de plus en plus complexe, et il est illusoire de penser que les réglementations pourront être simplifiées dans un tel contexte. Les réglementations sont le reflet de cette complexité sociétale, ce qui rend les projets immobiliers plus difficiles à réaliser et les financements plus compliqués à obtenir.

Nous sortons d'une période anormale où l'argent était prêté à des taux très bas, presque nuls, ce qui a créé une accélération temporaire. Maintenant, il faut s'adapter à une nouvelle réalité économique. Il serait intéressant de réintroduire des dispositifs fiscaux pour inciter les Français à investir dans l'immobilier. Toutefois, il est important de reconnaître que l'âge d'or des promoteurs immobiliers, ces trente dernières années, est révolu. Nous aurons toujours besoin de promoteurs, mais les conditions et les défis ont changé. »

 

- Besoin des promoteurs parce qu'ils construisent du logement neuf conforme aux dernières normes, même si elles sont très élevées, n'est-ce pas ?

 

« Absolument, les promoteurs jouent un rôle capital en construisant du logement neuf performant et durable mais surtout en transformant la ville en permanence. La société évolue constamment dans ses modes de vie, ses loisirs, son commerce... Par conséquent, l'immobilier, qui abrite ces activités humaines, doit aussi se transformer. Les logements de demain seront plus performants, mieux adaptés aux attentes des gens, par exemple en matière de câblage informatique et de recharge électrique pour les véhicules. Ils seront également plus économes en énergie. Pour réaliser toutes ces transformations, les promoteurs sont indispensables. »

 

- Dans la région des Hauts-de-France où nous sommes pour ce congrès, vous commercialisez et avez mis en chantier l'opération Attraction à Marcq-en-Barœul. Est-ce le symbole de ces nouveaux logements et nouveaux projets nécessaires pour transformer les villes ?

 

Selon Philippe Depasse, un projet tel qu'Attraction à Marcq-en-Barœul qui a pris plus de 5 ans à être lancé serait trop complexe à monter aujourd'hui. © Attraction / Marcq-en-Barœul / Sogeprom-Projection & Nhood
« Le projet Attraction à Marcq-en-Barœul, qui comprend 30 000 m² de surface de plancher, dont 20 000 m² de tertiaire et 10 000 m² de logements neufs serait actuellement extrêmement difficile à lancer. Un tel projet très structurant qui a mis plus de cinq ans à se monter entre le concours, l’obtention du permis de construire, les recours, serait trop complexe notamment en raison des rendements élevés attendus par les investisseurs, que nous ne pouvons pas garantir. Les coûts fonciers et de construction sont trop élevés par rapport aux rendements escomptés. Cela rend la situation compliquée.

 

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Cependant, je ne perds pas espoir de réaliser d'autres projets structurants dans l’agglomération lilloise comme ailleurs dans l’hexagone. À Lille, par exemple, Metropolitan Square, gagné par Vinci Immobilier et BNP Paribas Immobilier, reste un projet important avec beaucoup de terrains bien situés pour du tertiaire, malgré les problématiques que rencontrent ce secteur. 
Concernant le résidentiel, la fin du dispositif Pinel est un vrai sujet. Ce dispositif attirait des investissements dans le logement, et sans lui, nous dépendrons principalement des propriétaires occupants et des bailleurs, notamment pour le logement locatif intermédiaire (LLI). Cela signifie que le volume de projets va diminuer, car nous perdrons les investisseurs individuels, en plus des investisseurs en tertiaire. En conséquence, nous faisons face à une situation complexe à Lille et ailleurs en régions. »

 

- Vous évoquez la fin du dispositif Pinel. Il existe encore aujourd'hui, mais il ne trouve pas preneur. Il était déjà en déclin depuis plusieurs mois, voire années, et ne figure plus dans aucun programme politique. Comment pourrions-nous attirer à nouveau ces investisseurs particuliers ? Quelle pourrait être la clé ?

 

« L'État a toujours su trouver les clés fiscales pour attirer les particuliers vers l'investissement, que ce soit dans le logement comme en Outre-mer avec le dispositif Girardin, par exemple. Il s'agit d'abord d'identifier les besoins en logement, en quelle quantité, et de définir les modalités appropriées. Il est important de rappeler que sur les 36 milliards d’euros que l'État consacre à la politique de logement, le Pinel ne représente que 2 milliards. Avec ce dispositif, l'État récupère immédiatement la TVA et la restitue partiellement sur la durée de défiscalisation, donc il n'a jamais vraiment perdu d'argent avec le Pinel. La résistance actuelle contre cette loi semble être une phobie contre les niches fiscales, car il est tendance de dire que cela coûte cher et de vouloir les éliminer. 
Je reconnais bien sûr que la loi Pinel est en fin de vie, et avec la hausse des taux d'intérêt, l'attrait pour l'investisseur particulier diminue. Toutefois, il suffirait de modifier légèrement les règles pour redonner de l'intérêt à ce dispositif. Tout est possible dès lors qu'il y a une volonté politique. »

 

- L'immobilier, c'est aussi une question de confiance pour les investisseurs, en plus des règles contraignantes du HCSF, Haut Conseil de Stabilité Financière qui peuvent bloquer leurs projets. Les ménages veulent-ils toujours investir dans l'immobilier neuf ?

 

« Oui, tout à fait car beaucoup de personnes considèrent l'immobilier comme une composante tangible et précieuse de leur patrimoine. Cela leur permet de diversifier leur portefeuille et d'acquérir à crédit, ce qui n'est pas possible avec des actions en bourse par exemple. La nature physique de l'immobilier est importante pour les investisseurs, et cela ajoute à la diversité de leur patrimoine. C'est pourquoi je pense que l'investissement immobilier restera toujours une option durable et attractive.
En ce qui concerne le dispositif Pinel, un rapport de la Cour des comptes, bien que non officiellement publié, montre qu'il n'était pas si mauvais. Il semblerait que ce rapport dérange, car il n'a pas encore été diffusé, bien que nous en ayons vu une version préliminaire. Ce rapport démontre que le dispositif Pinel était loin d'être une mauvaise idée. Donc, à suivre ! »