Immobilier neuf : comment innover pour relancer le secteur en crise ?
Entre densification urbaine, innovations technologiques, transformations réglementaires et problèmes économiques, l’immobilier neuf en France doit s’adapter à un contexte en pleine mutation. Face à la crise actuelle, acteurs et experts explorent des solutions pour réinventer l’habitat de demain.
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Confronté à une crise historique, des niveaux de construction revenus à ceux de la fin des années 50, le secteur de l'immobilier neuf traverse une période charnière. Lors de la récente Convention Nationale du Pôle Habitat de la Fédération Française du Bâtiment, FFB, plusieurs experts et acteurs de la construction se sont réunis pour débattre des enjeux et opportunités de l'habitat neuf en France. Les discussions ont mis en lumière la nécessité de nouvelles approches centrées sur la qualité de vie, la densification urbaine et la transformation de l'espace foncier.
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L'humain au centre du débat
Grâce à plusieurs retours d'expérience, le retour à une conception du logement qui place l'humain au centre a été mis en lumière. Dans plusieurs pays nordiques comme la Finlande, l'approche urbaine privilégie la qualité de vie en excluant la voiture du coeur des villes et en la laissant en périphérie, créant des espaces de vie plus agréables et sécurisés pour les piétons. En France, « on fait même entrer la voiture dans la maison », regrette Jean-Nicolas Antoniotti, Président de Demeures Corses. Dans l'hexagone, cette idée se heurte aussi souvent aux contraintes du Plan Local d'Urbanisme, PLU, qui impose des règles de stationnement strictes. Pourtant, comme le soulignait le constructeur corse, les villages corses historiques, qui n'ont pas été dessinés par des architectes, sans documents d'urbanisme, proposent une harmonie remarquable tout en étant dépourvus de voitures.
Les obligations de prévoir des places de parking par logement sont considérées comme obsolètes et inadaptées à la réalité actuelle. Une révision de ces règles permettrait une meilleure densification urbaine et favoriserait des habitats plus humains, d'autant plus avec les nouvelles règles imposant un doublement de la taille des locaux à vélos dans chaque programme neuf.
Densification et transformation de l'espace foncier
Un autre point essentiel des discussions a porté sur la nécessité de densifier l'espace urbain existant. En France, 31,7 % du territoire n'est pas urbanisé, mais le potentiel foncier reste largement sous-exploité. David Miet, urbaniste et président fondateur de Villes Vivantes, a noté l'importance de comprendre la géographie pour réussir le Zéro Artificialisation Nette, ZAN. Passer de la construction de nouveaux logements à la transformation de l'existant est une piste prometteuse. Environ 20 millions de parcelles de foncier sont déjà payés et pourraient être densifiés, selon les calculs de l'urbaniste.
La surélévation ou extension verticale, a également été évoquée comme une solution intéressante. Elle permet d'optimiser les espaces sans altérer le cadre de vie, comme les jardins. Même si elle présente des contraintes techniques, notamment au niveau des fondations et de la charpente ; son coût, estimé à 2 500 euros par mètre carré, en fait une option abordable mais qui doit encore être vulgarisée pour être accessible à plus de propriétaires. Une surélévation qui pourrait s'opérer plus facilement grâce à la construction hors site.
Le modèle du hors-site comme élément de réponse
La construction hors site, qui consiste à assembler des modules préfabriqués en usine avant de les installer sur site, a également été mise en avant lors de la convention. Xavier Jaffray, expert en construction hors site en 3D, a souligné les nombreux avantages de cette méthode : maîtrise du temps, de la qualité et des coûts.
Aux Pays-Bas, 90 % des maisons sont construites en hors site, permettant de produire des logements beaucoup plus rapidement, tout en assurant une qualité supérieure, selon lui. En France, l'exemple du chantier d'Artis à Doussard, en Haute-Savoie, où le gros oeuvre de 35 logements a été construit en 6 mois avec une empreinte carbone réduite de 45 % grâce à des modules préfabriqués en briques, illustre parfaitement l'efficacité de cette approche.
Cette méthode pourrait être particulièrement bénéfique dans les villes où le coût de la construction est élevé et les contraintes urbanistiques fortes. Par exemple, un projet de logement étudiant en construction modulaire à Paris a permis de réduire de moitié le délai de réalisation, tout en garantissant des logements identiques en termes de confort et de qualité.
Un consortium autour du promoteur Icade travaille aussi à proposer des résidences gérées où chaque chambre étudiante sera réalisée sur le même modèle pour gagner en efficacité. Une innovation qui sera officiellement présentée cet automne au salon Batimat.
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Une crise du logement neuf qui perdure
Malgré ces innovations et pistes de réflexion, la situation du logement en France reste préoccupante. La baisse des ventes de logements neufs et l'augmentation des défaillances d'entreprises dans le secteur traduisent une crise profonde. La maison individuelle a encore perdu un tiers de ses ventes en un an, passant sous le seuil des 50 000 maisons neuves vendues chaque année, quand la moyenne de long terme est proche des 130 000 maisons annuelles. Tendance identique dans le collectif neuf avec seulement 55 000 appartements neufs vendus aux particuliers sur un an, soit un recul de 37 % par rapport aux presque 90 000 logements neufs vendus chaque année en moyenne de long terme.
Depuis deux ans, le marché du neuf dans son ensemble a enregistré une réduction drastique de ses ventes, à l'image du groupe Vivialys, leader de la construction en Alsace, qui a vu son chiffre d'affaires chuter de 35 %. Dans le groupe tourangeau Villadim, les ventes de maisons individuelles ont diminué de 50 % en deux ans, entraînant une réduction des effectifs de 25 %.
La situation est d'autant plus critique que le Plan Local d'Urbanisme de certaines villes, comme Bordeaux, freine l'efficacité foncière en imposant des tailles de parcelles minimales qui ne permettent pas de densifier, de faire baisser la taille des parcelles à bâtir, de réduire le prix de sortie des maisons, rappelait David Miet. Tout est lié.
Olivier Salleron, président de la FFB, a alerté sur l'urgence de la situation : « Le temps nous est compté avec le PLF, Projet de Loi de Finances 2025. Il est capital de réagir rapidement pour éviter que la situation ne se dégrade davantage. » Il a ainsi plaidé pour une prorogation de la loi Pinel en 2025, indispensable pour relancer l'investissement locatif et pour un retour à un PTZ universel, un Prêt à Taux Zéro partout pour la maison comme le collectif pour soutenir l'accession à la propriété.
Quant aux experts et parlementaires de tous bords présents, plusieurs autres idées ont émergé comme la suppression des droits de donation sur les PEL et CEL non utilisés qui pourrait faciliter l'accès à la propriété pour les jeunes ménages ou le vote d'une loi sur la densité minimale qui encouragerait la densification urbaine, optimisant l'utilisation des terrains. Enfin, l'inversion de la fiscalité sur les plus-values immobilières afin de libérer le foncier, a, une nouvelle fois, été réclamée. « Il faut du sucre en intraveineuse et vite pour sauver le logement neuf », voilà le leitmotiv des professionnels présents.
Le secteur de l'immobilier neuf est ainsi à la croisée des chemins. Si des innovations comme la construction hors site ou la densification urbaine sont de bonnes pistes, la conjoncture économique et les réglementations en vigueur, comme le futur seuil 2025 de la RE 2020, freinent encore la reprise. Pour éviter une crise durable, une réforme en profondeur des politiques foncières et une meilleure concertation entre urbanistes, promoteurs et législateurs sont nécessaires. Comme le rappelait Grégory Monod lors de la clôture de la convention, « le logement, c'est maintenant ». Une phrase qui résonne comme un appel à l'action pour sauver un secteur vital pour l'économie française.