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Quelle est la vraie place des matériaux bas-carbone dans la construction ?

Le recours aux matériaux biosourcés dans la construction va s'intensifier avec la RE 2020. Exemple avec les projets immobiliers de Paris 2024. © Village Olympique Paris 2024 / Saint-Ouen / Eiffage Immobilier & Nexity

Tags : écohabitat, immobilier neuf, construction écologique, matériau bas carbone, matériau géosourcé, matériau biosourcé


Bois, chanvre, terre crue… les matériaux biosourcés et géosourcés sont favorisés par la nouvelle réglementation environnementale, RE 2020 ; mais qu’en est-il vraiment de leur place actuelle dans la construction. Guide pratique sur les matériaux biosourcés.



Comment se développe l’utilisation des matériaux biosourcés et géosourcés dans la construction en Ile-de-France ? Voilà la question étudiée par L'Institut Paris Région dans une note alors que s'ouvre la deuxième biennale d'architecture et de paysage à Versailles, Terre et Villes. L’occasion de faire le point sur ce qu’est un matériau biosourcé et géosourcé dans la construction.

 

Définition et atouts des éco matériaux dans la construction

 

Face à l’objectif de neutralité carbone fixé à 2050, tous les secteurs et notamment le BTP sont mobilisés et cela passe par exemple par l’intégration des matériaux biosourcés et de certains matériaux géosourcés comme la terre crue et la pierre dans le domaine de la construction. Aujourd’hui, alors que de nombreux professionnels s’engagent dans la valorisation de ces filières, L’Institut Paris Région s’est interrogé pour savoir quelles étaient vraiment la place et l’utilisation des matériaux bas-carbone en Ile-de-France.

 

Pourquoi utiliser le biosourcé dans l'architecture ?

En effet, les matériaux bas-carbone représentent un levier majeur face aux enjeux environnementaux, et notamment depuis l’entrée en vigueur de la RE 2020, nouvelle Réglementation Environnementale, imposée par les pouvoirs publics qui ont favorisé le recours à ces matériaux. « Géosourcés, biosourcés, associés à ceux issus du réemploi, ou combinés entre eux ou à d’autres plus conventionnels, les matériaux bas-carbone constituent du coup une réponse aux exigences de rénovation thermique ou lorsque construire neuf s’avère indispensable », rappellent les trois auteurs : l’architecte Lisa Gaucher et les deux chargés d’études et de projets Marie Carles et Thomas Hemmerdinger. 

Alors que leur usage limite les impacts du béton, qu’en est-il vraiment du développement de ces filières sur le territoire notamment francilien et de leur utilisation ? Au départ expérimentales et confidentielles, les constructions mixant divers matériaux bas-carbone se multiplient et doivent faciliter la transition énergétique, tout en améliorant la qualité de l'air.

 

Qu’est-ce qu’un matériau biosourcé ? 

 

Grâce à leur cycle de vie favorable pour l'environnement grâce au stockage du carbone permis, les matériaux biosourcés sont issus de ressources renouvelables d’origine végétale, et parfois animale, comme le bois, le chanvre, la ouate de cellulose, le coton, la laine de mouton, le lin, la paille ou encore le miscanthus. Ces ressources sont souvent destinées à des usages multiples, dont la construction, mais ce dernier usage reste dans certains cas à un stade expérimental ou peu développé.

 

Qu’est-ce qu’un matériau géosourcé ?

 

Les matériaux géosourcés sont issus des ressources du sous-sol, d’origine minérale. Dans la construction, lorsqu’ils sont soumis à peu, voire à aucune transformation, comme la terre crue ou la pierre, ils ont l’avantage d’émettre moins de gaz à effet de serre que les matériaux plus conventionnels, comme le béton ou le plâtre : issu du gypse, pour lequel la région Ile-de-France détient deux tiers du gisement national, dont les ressources sont géosourcées mais ont nécessité une transformation.

Encore faut-il que leur transport reste dans une logique régionale pour qu’ils soient bas-carbone. Grâce à leur faible empreinte carbone, la terre crue et la pierre peuvent être utilisées comme matières premières pour des produits destinés à la construction ou directement comme matériaux de construction. On les retrouve un peu partout dans le bâtiment : dans la structure, le remplissage, le parement, en enduit, dans la fabrication du mobilier ou l’isolation.

 

Le bois, superstar dans la liste des matériaux biosourcés

 

Le bois, matériau biosourcé par excellence, connaît un développement en plein essor. La croissance du bois en Ile-de-France est tirée par la construction neuve de logements collectifs et d’immeubles tertiaires, ainsi que par la rénovation thermique et la réhabilitation de bâtiments. La surface de plancher des projets de construction bois livrés en 2021, hors projets de rénovation, représente 7 % de la surface de plancher totale livrée en 2021 en Ile-de-France. Le bois est particulièrement adapté sur des terrains complexes, notamment en cas de surélévation. Il est de plus en plus utilisé par les professionnels de la construction et il est ainsi un des matériaux phares de la réalisation des différents îlots du village des athlètes de Paris 2024.

 

Chanvre, lin, céréales à paille… dans l’écoconstruction

 

Quels isolants biosourcés ? Le chanvre ?

L'écoquartier Woodi à Melun a permis de monter toute une filière autour de la construction et des matériaux biosourcés en chanvre. © Ecoquartier Woodi / Melun / Crédit Agricole Immobilie
Autre matériau biosourcé : le chanvre. Cette plante est utilisable dans la construction sous différentes formes : les fibres extérieures sont valorisables en laine de chanvre pour isoler ; la chènevotte, issue de l’intérieur de la tige, permet de fabriquer des enduits, du béton de chanvre et des mélanges à base de terre, utilisés comme remplissage, isolant ou mortier. Dans le bâtiment, le chanvre est apprécié comme régulant hygrométrique, et comme isolant thermique et acoustique. Bénéfique pour le sol et la biodiversité, le chanvre ne nécessite aucun traitement pour sa culture et participe à réduire les gaz à effet de serre. Il est un des matériaux biosourcés utilisés dans l’écoquartier Woodi de Melun, porté par Crédit Agricole Immobilier.

 

Construire en paille

La paille : d’orge, de blé, du triticale… est aujourd’hui valorisable sous différentes formes et nécessite peu, voire aucune transformation : bottes de paille, torchis, mélange terre-paille, panneaux de paille compressée… Capable de supporter les charges d’une charpente, elle peut être utilisée comme élément structurel, mais aussi en remplissage d’ossature ou de caissons préfabriqués, en support d’enduit et en isolant. Le marché de la paille, ressource abondante sur le territoire francilien, tend à se développer fortement, et les constructions en paille se multiplient, notamment pour ses vertus isolantes mais elles restent toutefois limitées aujourd’hui.

 

Quel potentiel pour le lin dans la construction ?

Enfin, le lin a lui du potentiel qu’il devra confirmer dans le futur, selon L’Institut Paris Région. Si cette plante à fibres est essentiellement utilisée pour le textile, les anas du lin, soit la partie intérieure de la tige, peuvent être utilisés pour fabriquer des panneaux composites pour l’ameublement. L’usage du lin dans la construction est potentiellement comparable au chanvre : laine isolante, béton, enduits… mais « cette ressource potentielle devra répondre aux enjeux de certifications techniques du bâtiment », précisent les trois auteurs.

 

Quel avenir pour le miscanthus dans le bâtiment ? 

Cette plante pérenne à rhizomes présente plusieurs valorisations potentielles, au-delà de la valorisation énergétique, de la litière et du paillage horticole, prédominants. Mélangé avec de la chaux ou du ciment, le miscanthus peut être utilisé pour faire des bétons allégés ou des enduits ; seul, transformé, pour faire des blocs d’isolation ; ou seul, non transformé, en couverture de toit. Les expérimentations n’ont, pour l’heure, pas été certifiées pour un usage dans le bâtiment, informe L’Institut Paris Région.

Info en + : D’autres matériaux biosourcés pourraient apparaître dans le paysage de la construction. Le bambou, par exemple, présente des qualités techniques intéressantes, et des projets de cultures commencent à se développer en France.

 

Les matériaux géosourcés dans la construction

 

Construire en terre crue

Déjà il faut savoir que la terre crue ne remplace pas le béton ! Dommage car avec de grands projets d’aménagement tels que le Grand Paris Express, la terre issue des chantiers d’excavation représente un gisement valorisable pour la construction, pourvu qu’elle présente les caractéristiques techniques adéquates pour une utilisation comme matériau, conformément aux normes du bâtiment. Elle peut aussi être récupérée sur site pour une valorisation directement dans le futur projet. Il existe différents types de terres à construire mêlant limons, sables et argiles, mais sans matières organiques. 

 

Les avantages de la terre crue

Mise en œuvre de manière responsable et adaptée, elle s’avère encore plus intéressante mélangée à d’autres matériaux : paille, chanvre, fibres de cellulose… qui renforcent ses propriétés. Utilisée sous forme d’enduits, pour le remplissage (torchis), pour la réalisation de murs porteurs (pisé et bauge) ou dans la préfabrication de petits éléments (briques), issue du circuit court, la terre crue offre comme premier bénéfice de limiter l’impact du transport des matériaux.

Le groupe Gambetta va réaliser deux projets immobiliers résidentielles en terre crue, l'un à Bagneux et l'autre à Grenoble. © Ecoquartier Flaubert / Grenoble / Groupe Gambetta
Elle est également réutilisable. Enfin, la terre crue est un matériau présentant un intérêt acoustique et surtout thermique avec ses vertus hygrothermique. En absorbant l’humidité de l’air, elle offre une meilleure régulation de la chaleur et limite la formation de condensation. Parée de nombreuses vertus, c’est un matériau sain, sans adjuvant chimique. 

 

Les projets immobiliers en terre crue

Projet emblématique en terre crue, porté par la ville de Sevran, Grand Paris Aménagement, et le promoteur Quartus : La Fabrique Cycle Terre, à Sevran. Le projet Cycle Terre est né de la volonté de valoriser les terres de déblais des chantiers d’Ile-de-France en matériaux pour la construction, dans un double objectif d’économie circulaire et de construction bas-carbone. En activité depuis octobre 2021, l’entreprise Cycle Terre constitue la première fabrique urbaine de production de matériaux en terre crue issus de la réutilisation des déblais en Europe.

Pour ce qui est des projets résidentiels, on peut citer deux chantiers du groupe Gambetta qui, après un immeuble résidentiel de 42 logements neufs dans l’écoquartier Victor-Hugo à Bagneux en région parisienne, a été choisi pour réaliser un second programme neuf en terre crue comme matériau principal à Grenoble. 50 logements en terre crue seront donc construits dans l’écoquartier grenoblois de la ZAC Flaubert. 

Grand Prix Régional des Pyramides d’Argent 2019 de la région lyonnaise, le programme neuf Ydeal du promoteur immobilier Ogic à Lyon Confluence comporte notamment une partie en matériaux biosourcés. Dans l’idée de construire durable, « L’Orangerie », un immeuble de bureaux de 1 000 m², au sein de l’îlot Ydeal, a ainsi été entièrement conçu à partir de matériaux biosourcés : de la pierre, une ossature en bois et des murs de façade rythmés par de grandes arches en pisé, technique ancestrale largement présente dans la région lyonnaise et qui permet de soutenir la filière terre. La terre utilisée provient d’un chantier de terrassement situé à seulement 30 km de l’opération. Les blocs de terre crue, eux, sont fabriqués et posés directement sur le chantier, rendant le bilan carbone de cette construction excellent.

 

Le retour de la construction en pierre ?

L’utilisation de la pierre dans la construction est aujourd’hui anecdotique, rapporte l’Institut Paris Région, malgré quelques réalisations emblématiques d’architecture contemporaine, notamment pour du logement. Utilisée pour la structure ou en parement, la pierre présente des intérêts pour la régulation thermique et le confort d’été, si elle est mise en œuvre sans isolant. 

 

Comment utiliser les matériaux biosourcés dans la construction ?

 

En conclusion, la note de L’Institut Paris Région estime qu’il va falloir combiner les ressources de matériaux biosourcés et géosourcés, qu’il faudra utiliser avec discernement. En effet, si leur utilisation permet par exemple de retrouver des techniques ancestrales, attention aux conséquences de leur surconsommation.

 

Les avantages des produits biosourcés

 

L’utilisation de matériaux biosourcés est effectivement l’opportunité de retrouver des savoir-faire et des techniques oubliés, et de mettre en valeur l’artisanat. L’emploi de ce type de matériaux est souvent associé à des systèmes low-tech : mur Trombe, systèmes de ventilation naturelle…, ce qui améliore considérablement les performances thermiques du bâtiment, apportant confort d’été et d’hiver pour les usagers, mais aussi à des systèmes préfabriqués (murs et cloisons avec isolation, planchers…), permettant de réduire la durée et les désagréments des chantiers (bruit, poussières…), ainsi que les déchets. À l’échelle de la ville, les matériaux biosourcés et géosourcés peuvent aussi participer à réduire les effets d’îlots de chaleur urbains, et favoriser le bien-être des citadins. 

Reste qu’il faut rester prudent face à leur possible surconsommation. En effet, après le label écologique « Bâtiment biosourcé » créé en 2012, c’est surtout l’entrée en application de la RE 2020, Réglementation Environnementale, depuis le 1er janvier 2022 qui va soutenir la promotion de l’utilisation du mix matériaux grâce aux matériaux biosourcés et géosourcés dans des bâtiments bas-carbone.

 

Matériaux biosourcés, label et RE 2020

 

Leur usage fait cependant ressortir certains points de vigilance, comme leur transport ou leur exploitation, n’oublient pas de préciser les trois auteurs de l’étude de L’Institut Paris Région. « Un développement de très grande ampleur de l’utilisation de ces matériaux pourrait aussi créer une tension au niveau de l’exploitation des forêts et des terres agricoles, avec une concurrence entre cultures à destination de l’alimentation et cultures pour la construction, et ce, d’autant plus que d’autres usages sont aussi en développement (textile, chimie…). L’essor de la « bioéconomie », qui va de la production à la transformation et à la valorisation de la biomasse, est une voie d’avenir pour réduire notre dépendance aux ressources fossiles, mais elle pose aussi d’autres défis à long terme. La production des matériaux biosourcés doit préserver la régénération de la ressource et limiter les impacts agronomiques. Les matériaux géosourcés, comme la pierre et la terre crue, constituent, quant à eux, des ressources limitées », conclut l’étude.

Face au réchauffement climatique, en association avec les industriels, le secteur du bâtiment a tout intérêt à s'intéresser à la nature des matériaux utilisés tout au long de leur cycle de vie de leurs opérations immobilières neuves. Avoir recours à des matériaux géosourcés ou biosourcés, c'est faire des économies d'énergie pour la planète.

Les matériaux bio et géosourcés en Ile-de-France

  A noter, qu’en marge de la note intitulée La place des matériaux biosourcés et géosourcés dans la construction en Ile-de-France, publiée par L’Institut Paris Région, une cartographie interactive pour connaître et valoriser les constructions en bois et en matériaux biosourcés en Ile-de-France a été créée en partenariat avec Fibois Ile-de-France. Elle illustre la diversité des constructions et les territoires particulièrement actifs, en géolocalisant les constructions et en livrant des informations techniques sur celles-ci, ainsi que des informations géographiques relatives au tissu urbain et aux projets d’aménagement. Cartoviz Bois