Guillaume Trignat, Trignat Résidences : « On sent enfin un frémissement, mais l'équilibre reste fragile »
Face à une crise qui perdure, Guillaume Trignat, responsable des programmes chez Gilles Trignat Résidences, évoque pourtant un timide regain d’activité pour ce promoteur isérois, malgré la disparition des investisseurs ; mais grâce à la résilience des primo-accédants dans le neuf local.
- Vous êtes implantés localement, principalement en Isère. Comment se porte le marché chez vous ? Quels sont vos ressentis de terrain ?
« Oui, nous sommes très implantés en Isère, et on peut dire que l’année n’est pas si mauvaise. Pour la première fois depuis deux ans et demi, voire trois ans, on sent un début de reprise. Pas du tout du côté des investisseurs, qu’on a complètement perdus, mais plutôt du côté des primo-accédants, notamment grâce aux prêts à taux zéro. Les seniors aussi, toujours là, se réintéressent au logement et relancent leurs projets. Ils revendent pour acheter plus un bien adapté et jouent donc aussi un rôle important. En revanche, on a un vrai creux du côté des investisseurs, et même chez certaines catégories socio-professionnelles plus élevées, probablement par peur d’un contexte économique instable, voire anxiogène. Il y a eu des fermetures d'entreprises dans notre région, ça freine les projets. »
- Certains grands promoteurs affirment qu’à Grenoble-Centre, même en donnant le terrain, les opérations ne sortiraient pas. Vous comprenez ce constat ?
« Complètement. Grenoble-Centre, ce n’est clairement pas une zone où on a envie d’aller prospecter. C’est une ville compliquée, avec une gouvernance elle-même compliquée. Quand un promoteur dit qu’il n’y a plus de marché à Grenoble, je pense que c’est une réalité. Et les élus semblent en être satisfaits : moins de construction, objectif atteint. Résultat, on se replie sur les marchés périphériques. Et avec l’explosion des coûts de construction, certains terrains autrefois viables ne le sont plus. On n’arrive plus à offrir une valeur suffisante aux propriétaires en diffus pour que le projet tienne économiquement. »
- Malgré ce contexte, vous continuez à lancer des opérations. Comment faites-vous ?
« Nous n’avons jamais arrêté de développer, même dans les périodes dures, car on croyait en la reprise. Et aujourd’hui, sur les nouvelles opérations basées sur des équilibres plus réalistes — en termes de coût travaux, prix de sortie, positionnement — ça fonctionne. Les anciens projets pré-Covid sont plus difficiles, mais les nouveaux, eux, rencontrent leur public. On a eu de très bons lancements récemment comme ave
- On parle beaucoup du LLI, logement locatif intermédiaire, en attendant un éventuel statut du bailleur privé. Est-ce un axe que vous explorez pour relancer les ventes auprès des investisseurs ?
« Honnêtement, nous avons commencé à structurer des choses autour du LLI, mais c’est un produit encore difficile à comprendre pour les investisseurs. Monter une SCI à l’IS, faire appel à un comptable… ça rebute. Là où le dispositif Pinel était simple à expliquer et rapide à comprendre, le dispositif LLI demande un vrai effort pédagogique. On reste à l’écoute si la demande arrive, on est prêt. Mais nous attendons surtout le statut de bailleur privé, qui, on l’espère, sera plus lisible et plus proche de ce que proposait le Pinel. Ce que les gens aimaient avec le Pinel, ce n’était pas seulement la défiscalisation, c’était la simplicité. Et souvent, les investisseurs achetaient avec une logique patrimoniale, pour y vivre plus tard, transmettre… Ce n’était pas du spéculatif, c’était du concret et rassurant, proche de chez eux. »
- Nous parlions de Grenoble, quelle est la dynamique actuellement en Isère en matière de délivrance de permis, d’accueil des projets par les collectivités locales ?
« Cela dépend beaucoup des maires. Certains sont bâtisseurs, ils croient au logement, et ne mettent pas de frein. Mais ils sont minoritaires. Beaucoup ont été élus en opposition à leurs prédécesseurs et donc adoptent une posture anti-grue. Certains nous demandent explicitement de ne pas déposer de permis avant les élections municipales ou de ne pas installer de grue avant avril 2026. On comprend l’enjeu politique. Ce qui me préoccupe davantage, c’est l’image du promoteur dans l’opinion. On est trop souvent perçus comme des destructeurs, des mercantiles. C’est complètement faux. Nous avons un rôle social : une fois qu’on a mangé et bu, il faut bien se loger. Nous, on veut construire des logemen
- Face au contexte de crise, continuez-vous à innover ? Comment répondez-vous aux nouvelles exigences ?
« L’innovation est imposée par les normes environnementales successives (RE2020, RE2025, RE2028…). On travaille bien sûr sur la réduction de l’empreinte carbone, sur l’enveloppe thermique. C’est une avancée, et on s’adapte. On réfléchit aussi aux usages, à la pré-végétalisation, aux potagers, à l’appropriation du lieu par les habitants. Mais le vrai problème, c’est le coût. On nous pousse à construire des logements de type « Porsche », « Ferrari » ou « Lamborghini », alors que beaucoup de gens n’ont les moyens que pour une Dacia qui pourtant roule très bien. Nous aimerions pouvoir construire du bon logement abordable pour tous, pas seulement pour les très riches ou ceux avec un prêt à taux zéro ou d’autres aides. »
- Pour finir, y a-t-il un programme en particulier emblématique de votre savoir-faire en commercialisation actuellement ?
« Oui, deux en fait. D’abord Les Azurés, à Montbonnot-Saint-Martin. Un petit collectif avec des maisons individuelles, dans un cadre magnifique. Une opération à taille humaine, bien intégrée localement. Et puis Le Quatuor, à Saint-Martin-d’Hères, sur une ancienne friche industrielle. Nous y faisons émerger quatre petits bâtiments en pleine terre. C’est très symbolique en marge du ZAN, Zéro Artificialisation Nette, nous ne faisons pas que bétonner, nous recréons aussi de la nature. Ce sont deux exemples qui illustrent notre savoir-faire et notre engagement, même dans cette période compliquée. Et on continue à y croire. J’espère vraiment que ce n’est pas un mirage, mais le début d’une sortie de crise durable. »