Interviews Edition du

Nicolas Bonnet, Imotis/Artis : « La maison groupée en VEFA permet de nous relancer »

Nicolas Bonnet, directeur fénéral d’Imotis et Artis, évoque les signaux de reprise et les défis du marché immobilier neuf en Haute-Savoie.

Tags : Immobilier neuf Haute-Savoie, immobilier neuf Annecy, immobilier neuf Genevois français, Imotis, Artis


Directeur général des marques Imotis et Artis, promoteur constructeur en Haute-Savoie, Nicolas Bonnet détaille les signaux, les freins et les paris engagés pour l’avenir de l’entreprise.



- Chez Imotis et Artis, comment se porte l’activité en ce moment ?
Nicolas Bonnet : « Globalement, on respire un peu mieux. Depuis le début de l’année 2025, les ventes reprennent une trajectoire ascendante. Sur la maison individuelle, le rebond est net : on est sortis du point bas national, avec plus de 30 % de ventes brutes en plus par rapport à l’an dernier. On est encore loin d’avoir comblé les trois années de décroissance, mais la dynamique est enfin positive.
Nous avons aussi lancé de nouvelles opérations de maisons groupées en VEFA, adaptées aux besoins de densité et plus soutenables économiquement. Mis bout à bout, ces signaux nous permettent d’aborder l’avenir avec davantage de sérénité. Et 2026 devrait marquer une vraie croissance en volume sur la maison.
Côté collectif, sous la marque Imotis, nous bénéficions encore d’un effet d’inertie : les bons niveaux de ventes des trois ou quatre dernières années alimentent aujourd'hui une belle production et beaucoup de livraisons échelonnées entre 2024 et 2026. La vraie question porte désormais sur la capacité à renouveler suffisamment de fonciers et à obtenir de nouveaux permis. En année électorale, c’est particulièrement complexe. L’autre point d’interrogation, ce sont les clients : la promotion collective peine à redémarrer faute de dispositifs de soutien à l’investissement locatif et dans un climat économique et politique très incertain. »

 

- Quel a été l’impact de la fin des dispositifs de défiscalisation chez vous ? Votre secteur d’activité en territoire de montagne ou à proximité de Genève, permettent-ils encore d’attirer une clientèle d’investisseurs patrimoniaux ?

« L’investisseur existe toujours, mais il n’est plus ce qu’il était. Il est devenu largement minoritaire alors qu’il représentait la majorité des acheteurs il y a encore quelques années. Aujourd’hui, la demande provient surtout de ménages qui veulent accéder à la propriété.
En Haute-Savoie, nous sommes malgré tout aidés par les frontaliers, qui ne peuvent plus se loger en Suisse. En revanche, la clientèle primo-accédante en collectif a pratiquement disparu : entre les conditions d’emprunt et les prix qui ont flambé en quelques années, l’équation est devenue impossible.

« L’investisseur patrimonial existe encore… mais il est devenu ultra minoritaire »


Quant au PTZ, il ne suffit pas ici : les niveaux de prix sont trop élevés. Résultat : nous ne servons plus qu’une clientèle très spécifique : frontaliers ou ménages déjà dotés d’un apport important. Certains d’entre eux investissent, parce que le marché locatif est extrêmement tendu et les loyers très hauts, mais nous perdons les ménages « classiques » qui progressaient dans leur parcours résidentiel. C’est frustrant : on a l’impression de ne plus pouvoir exercer pleinement notre métier. »

- Vous développez de plus en plus de maisons groupées en VEFA. Où et pourquoi ?

Maisons groupées : optimiser l’espace, maîtriser les coûts et offrir des logements individuels attractifs en zone périurbaine comme près d'Annecy. © Le Clos Robert / Rumilly / Imotis
« Plusieurs PLU incitent à densifier l’habitat individuel : sur des parcelles de 300 à 400 m², la VEFA est plus pertinente qu’un permis d’aménagement classique. Cela permet de jumeler, de tripler, d’optimiser les aménagements et de sortir des maisons compactes, économiquement maîtrisées et qualitatives.

« La VEFA en maison : une réponse utile aux limites du collectif »


C’est aussi une alternative aux projets collectifs refusés pour des questions de hauteur ou de densité. Nous intervenons sur de petites emprises : 3 000 ou 4 000 m², où nous réalisons dix maisons là où un lotissement n’en aurait produit que trois ou quatre. Ce n’est plus de l’individuel pur, ce n’est plus du collectif : c’est de l’entre-deux parfaitement adapté aux attentes locales.
Nous développons ce type d’opérations autour d’Annecy avec Le Clos Robert à Rumilly, d'Annemasse, de Thonon… Le produit est sécurisé grâce aux garanties de la VEFA, lisible, accessible. Mais les obstacles restent les mêmes : l’obtention des permis, qui devient extrêmement lente et les difficultés d’accès au crédit pour les familles. Les taux sont stabilisés : tant mieux ; mais c’est aussi le reflet d’un ralentissement économique. Et dès qu’un indicateur s’améliore, un autre vient raviver l’anxiété générale. Cette ambiance finit par peser sur les décisions d’achat. » Lire aussi - Acheter une maison en VEFA à un promoteur

 

- Les élections municipales qui approchent : faut-il accélérer ou attendre ? Quelle est votre stratégie foncière ?
« Comme toujours, nous avançons. Les promoteurs et constructeurs sont des gens courageux : on continue à prospecter, à étudier de belles opérations.

« Les élections municipales ? Le vrai sujet, ce sont les PLU et PLUi déjà en place »


Les élections municipales, en réalité, ne changent presque rien. Le vrai verrou, ce sont les PLU et PLUi, devenus extrêmement restrictifs. Et un document d’urbanisme ne bouge pas après une élection : les nouvelles équipes l’assument et il faut six ans pour en modifier un. Autrement dit, ce sont les équipes d’après qui récoltent les effets souvent négatifs du PLU précédent. Nous sommes inquiets pour Annecy par exemple.
D’autant que dans le débat municipal, un grand absent persiste : la création de logements permanents. Tout le monde dit qu’il en faut. Très peu agissent. Les statistiques sont éloquentes : depuis trois ans, c’est un coup d’arrêt massif et aucun élu ne semble s’interroger jusqu’ici sur la manière d’inverser la tendance. »


- Quelles sont les opérations emblématiques du moment ?

« Les Trois Lacs, à Sallanches se termine. Un chantier qui avance très bien, alors que le permis avait été refusé quatre fois ! Aujourd’hui, l’opération est vendue à 95 % avant même la fin du gros œuvre. Preuve que, quand le produit est bien conçu et au bon prix, les clients sont au rendez-vous.

Comme avec Villa Orchez à Thyez, dans la vallée de l'Arve, le lancement des travaux a permis de rassurer de futurs acheteurs. © Villa Orchez / Thyez / Imotis
Nous lançons aussi un programme collectif à Thyez, Villa Orchez, dans la vallée de l’Arve. Une commune dynamique, un vrai bassin d’emploi.

« Sallanches, Thyez : des signaux qui montrent que les clients répondent quand le produit est juste »


On a acheté le terrain et lancé les travaux alors que la pré-commercialisation était faible. Et comme souvent, dès que la grue se dresse, les habitants du quartier viennent se renseigner. Ils veulent sortir d’une location hors de prix pour devenir propriétaires. Il ne manque souvent qu’un petit déclencheur.
Notre frustration, aujourd’hui, c’est de voir des opérations qui stagnent trop longtemps : elles vieillissent avant même de démarrer, et in fine ne rendent service à personne. »

- Le marché change. Quel regard portez-vous sur cette nouvelle période ?
« La défiscalisation a longtemps masqué beaucoup de défauts et de dérives. Aujourd’hui, nous entrons dans un monde sans carotte fiscale : c’est plus sain, mais beaucoup plus exigeant.

« La fin de la défiscalisation nous oblige à revenir à l’essentiel »


Nous faisons face à une crise double : conjoncturelle : financement, contexte international, climat anxiogène et structurelle : accumulation de normes, contraintes, exigences. À force de charger la mule, elle finit par ne plus avancer. Même quand la conjoncture s’améliore, la machine reste grippée.
La maison individuelle repart vite, dès que la confiance revient. Le collectif, lui, se joue sur des cycles de trois à quatre ans : un, deux ou trois ans pour obtenir un permis, puis encore autant avant la livraison. Nous livrons cette année une opération à Chamonix dont nous avons affiché le terrain… en 2014 ! Cela dit tout. »