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Norbert Fanchon, Groupe Gambetta : « Il manque une impulsion politique pour relancer le logement »

Norbert Fanchon, PDG du Groupe Gambetta, partage sa vision sur la relance immobilière , appelant à une impulsion politique et des mesures concrètes.

Tags : Immobilier neuf, logement neuf, Groupe Gambetta


Dans cette interview exclusive, réalisée à l’occasion du séminaire technique du Pôle Habitat de la FFB, Norbert Fanchon, dirigeant du Groupe Gambetta, partage son analyse sur l'impact de 2023 sur l'immobilier neuf. Entre crise et adaptation, découvrez sa vision unique du secteur.



- Comment le Groupe Gambetta a traversé cette année 2023 si complexe pour l’immobilier neuf ?

 

« 2023, c'était un peu comme des vagues qui déferlent. Imaginez-vous sur la plage, avec les vagues qui vous frôlent les pieds. Au départ, en mars, tout allait à peu près bien. On percevait quelques nuages, mais on espérait une amélioration d'ici la fin de l'année. Puis, en juin, nous nous sommes préparés à des moments difficiles, anticipant une baisse des taux seulement vers la mi-24. En septembre, la réalité nous a frappé : cela allait être vraiment dur, certains opérateurs ne seraient plus là à la fin de l'année, en attendant une nouvelle baisse des taux prévue finalement en 2025 ; notre secteur étant étroitement lié à l'évolution des taux. Actuellement, l'accent est désormais mis sur la stabilisation et la baisse du coût du crédit ; mais nous savons que nous atteindrons seulement 250 000 unités sur un marché qui comptait 420 000 logements neufs vendus il y a deux ans. Comment s'adapter collectivement à une chute de 40 % en deux ans ? C'est la grande question qui se pose maintenant. »

 

- Comment vous adaptez-vous et préparez-vous l'avenir alors que le bout du tunnel n’est toujours pas visible ?

 

« Chaque patron d'entreprise a sa propre vision de l'avenir. Moi, personnellement, je me projette jusqu'en 2028. L'idée est que les taux seront stabilisés, probablement en baisse à partir du premier semestre 2025. Avec les échéances électorales, je prévois un nouveau cycle en 2028. Donc, pour s'adapter, nous nous tournons vers le logement intermédiaire, comme tout le monde. On l’a fait sur le stock en cours, mais nous continuons sur de nouvelles opérations. On opte pour des opérations mixtes : un tiers de logement intermédiaire, un tiers d'accession abordable, en profitant de la réforme du PTZ et de ses plafonds de ressources. Et puis, un tiers de logement social. »

 

- Comment parvenez-vous à mener à bien ces opérations dans un contexte peu favorable de recentrage du PTZ, de coût du foncier qui ne baisse pas ?

 

Pour passer le cap de la crise, le Groupe Gambetta mise sur des opérations de logement abordable via le BRS, le PSLA, la TVA réduite... © Signature / Meyzieu / Groupe Gambetta
« A propos du recentrage du Prêt à Taux Zéro en 2024, je vais inverser la vision : nous avons la chance dans le Groupe Gambetta de proposer du PSLA, du BRS, qui continueront de bénéficier de la TVA réduite et du PTZ. C'est une opportunité pour nos clients et donc pour notre activité. Certes, pour la maison individuelle ou le logement collectif en zone B2 et C, c'est un véritable désastre avec le recentrage. A propos du foncier, le prix des terrains pose, certes toujours, problème. Nous essayons de négocier une baisse de 20 à 50 % depuis 3 à 6 mois. C'est un défi, certains projets prendront du temps ou seront abandonnés momentanément. Quand le propriétaire n'accepte pas la baisse du prix terrain, il doit faire son deuil, accepter la réalité. Cela prend du temps. Alors nous commençons par abandonner, espérant que dans 3 à 6 mois, on pourra reprendre et que le propriétaire reviendra à la réalité. Celle qu'il n'aimera pas, mais qui signifie que l'actif a baissé de 25 % en général. »

 

- Comment soutenez-vous les accédants, votre cœur de métier, sur un marché où ils ont perdu de la capacité financière ?

 

« Certes, il y a une perte de capacité financière, mais en face, il y a une augmentation de salaire, de l'épargne. Je ne suis pas convaincu que la perte de capacité financière soit le seul problème. C’est davantage un problème de confiance, selon moi. Les gens n'osent plus aller voir leur banquier, pensant que ce n'est pas le bon moment d'acheter. Il faut un discours politique pour encourager l'achat de logements et dire que c’est bien d’être propriétaire de sa résidence principale pour préparer sa retraite ou d'un investissement locatif, participant au parcours locatif de nombreux Français qui ne peuvent pas être propriétaires aujourd'hui. Un discours du Président de la République serait nécessaire pour dire qu'il aime l'immobilier, comme il a dit qu’il aimait la bagnole. »

 

- Est-ce que vous comprenez justement cette position de l’exécutif qui n’est pas en faveur du soutien au logement ? 

 

« J'ai l'impression qu'il y a une intention de décroissance de la part du gouvernement et de l'administration en pensant que si nous passons de 420 000 logements à 250 000, ça serait bien pour l'environnement. C’est une bêtise sur l'économie et pour la croissance. Ça l’est aussi pour l'environnement, selon moi, car si les logements ne sont pas au bon endroit, c’est-à-dire là où il y a de l’emploi, il y a davantage de temps de déplacement, du CO2 émis… C'est un débat large qu’on peut tout à fait entendre, sauf que derrière la chute du logement neuf, il y a une réalité. Les cris d’alarme poussés par la FPI depuis un certain temps, les pertes d’emplois annoncées par la FFB, les seulement 70 000 agréments cette année pour du logement social annoncés par l'Union HLM, pire chiffre depuis 30 ans, les files d'attente pour avoir un logement social qui s’agrandissent… Pourquoi toutes ses instances sont inaudibles ? On ne veut pas nous écouter.

Il faut redonner de la confiance aux acquéreurs, selon Norbert Fanchon, qui mise désormais sur des opérations pragmatiques pour soutenir l'activité. © L'Aparté / Villeurbanne / Groupe Gambetta
Si on sort du sujet de l’immobilier neuf, prenons la rénovation énergétique, on sait tous que le calendrier n'est pas tenable, que les conséquences de l'interdiction de louer les passoires énergétiques sont énormes. 6 millions de logements à rénover en moins de dix ans, cela représente 300 milliards d’euros à mobiliser, c’est impossible. Et pourtant, le gouvernement dit vouloir maintenir les échéances. Même à propos d’un calendrier intenable puisqu’il faudrait dépenser 30 milliards d’euros par an pour la rénovation énergétique de millions de logements, il n’y a aucune écoute de la part de ce gouvernement et du précédent. Je ne peux pas le comprendre. »

 

- Dans le groupe Gambetta, quelles sont les opérations symboliques du moment qui peuvent redonner de la confiance à des acheteurs ?

 

« Mon discours a tout de même un ton positif. Il y a de l'épargne, un pouvoir d'achat en hausse, des augmentations de salaire, des taux qui se stabilisent à 4 %. Ce qui manque, c'est simplement l'impulsion politique. Cette impulsion, c'est aussi un signe de confiance que l'on envoie, une mesure concrète. Malheureusement, cette mesure qui pourrait dynamiser les choses tarde à arriver. Quand on doit faire face à deux guerres à quatre heures d'avion et à une inflation sur les produits alimentaires, il faut déclarer notre amour pour le logement et en apporter la preuve à travers des mesures concrètes. 
Cela pourrait prendre la forme d'un réel PTZ élargi, car, en réalité, on sait que le budget du PTZ 2024 va passer d’1.2 milliard à 800 millions d’euros. Pour le logement intermédiaire, l'idée de l'ouvrir aux SCPI est une illusion ; mais je crois davantage en la personne physique qui pourrait être impliquée dans le logement intermédiaire. C'est ce genre d'impulsion qu'il nous faut. Bien sûr, cela ne serait peut-être pas aussi efficace que la loi Pinel, voire qu’une loi Scellier ; mais il faut se souvenir qu’en 2008, le Président Sarkozy a relancé l'économie avec une loi Scellier mise en place en trois mois. Pas besoin de 12 mois, de réflexions, de concertations… pour faire quelque chose. Peut-être que la loi Scellier était trop efficace à l'époque, mais elle a rapidement redynamisé le marché. 
Pour ce qui est des opérations emblématiques. Il n’y a plus de programmes neufs en accession pure. Sauf exception, nous nous tournons davantage vers le logement intermédiaire, avec une TVA réduite, pour redonner rapidement du pouvoir d'achat aux Français. Nous avons ce genre d’opérations abordables en banlieue de Lyon, comme avec le programme neuf Signature à Meyzieu, ou L'Aparté à Villeurbanne. Nous aurons une opération en BRS aux Lilas. Nous avons un peu laissé de côté l'ère des opérations emblématiques, très écologiques, pour entrer dans une ère plus réaliste, plus pragmatique en proposant des opérations en gagnant moins d'argent, mais tout en gagnant un peu. »