Actualités Edition du

Le logement neuf toujours dans le plus grand désarroi 

Le logement neuf s'approche du point de non retour selon le Pôle Habitat de la FFB, d'après son dernier point de conjoncture.

Tags : Immobilier neuf, logement neuf, FFB, Pôle Habitat


Désarroi dans le logement neuf. Le Pôle Habitat de la FFB révèle une situation critique. Les ventes de maisons individuelles et la promotion immobilière s'effondrent toujours plus, exigeant des actions immédiates pour éviter un désastre économique et répondre aux besoins urgents de logements des Français.



« Crise profonde », « descente aux enfers » pour la construction de maisons individuelles, « grand désarroi sur le terrain »… les mots prononcés par le président Grégory Monod à l’occasion du point de conjoncture du Pôle Habitat FFB en termes de logement neuf, montrent toute l’étendue des difficultés du secteur.
Dans une conjoncture aussi alarmante que préoccupante, le Pôle Habitat de la Fédération Française du Bâtiment a tiré, une nouvelle fois, comme depuis deux ans, la sonnette d'alarme concernant le logement neuf en France. Les chiffres annoncés lors de ce point de conjoncture sont sans appel, plongeant le secteur à un niveau comparable à celui des années 1950 en matière de logements en travaux. Avec seulement 8 mises en chantier pour 1 000 ménages prévues pour l'année 2024, le logement neuf semble être au bord du gouffre.
Le déclin devrait encore se poursuivre, selon les projections, avec une diminution de plus de 12 % des autorisations en 2024 par rapport à l'année précédente. Cette baisse est exacerbée par l'effondrement des ventes en 2023, enregistrant une chute vertigineuse de 30 % sur tous les segments du marché. Les ventes de logements neufs aux particuliers, pilier essentiel du secteur, dégringolent de 38 %, atteignant seulement 123 000 unités en 2023. Ce chiffre représente moins de la moitié des logements neufs commercialisés en 2021 et presque la moitié de la moyenne de long terme entre 2007 et 2023, qui s'établissait à 222 425 unités. Un recul qui touche tant la construction de maisons que la promotion immobilière.

 

Hécatombe pour la maison individuelle

 

La construction de maisons individuelles traverse en effet une période sombre, plongeant dans une « descente aux enfers » sans précédent, selon le Pôle Habitat de la FFB. Après avoir subi une chute abrupte de 30,9 % en 2022, les ventes de maisons individuelles neuves en secteur diffus connaissent une nouvelle dégringolade en 2023, atteignant un effrayant - 39,1 %. Les chiffres dévoilés mettent en lumière une réalité inquiétante, avec seulement 58 500 maisons individuelles vendues en 2023, représentant moins de la moitié de la moyenne annuelle observée depuis 2007, qui était de 118 440 maisons.

En ce début 2024, les ventes de maisons individuelles continuent de plonger. Seul un soutien à la demande pourrait les relancer, selon Pôle Habitat. © Shutterstock
L'effondrement s'accélère de manière alarmante sur l'ensemble du territoire, touchant toutes les régions. Huit d'entre elles enregistrent un écroulement des ventes dépassant les 40 %, avec des situations particulièrement critiques dans les Hauts-de-France : - 56,8 %, le Centre-Val de Loire : - 45,8 %, et l'Auvergne-Rhône-Alpes : - 45,1 %. Même les régions réputées plus résilientes ne sont pas épargnées, telles que la Bretagne qui, bien que connaissant une chute des ventes : - 27 %, demeure la seule à rester en deçà des 30 %. Face à cette crise sans précédent, l'ensemble du secteur de la construction de maisons individuelles se retrouve confronté à un défi colossal pour renverser cette tendance menaçante. Tendance qui se poursuit d’ailleurs début 2024 d’après les premières données collectées par le Pôle Habitat.

 

Chute vertigineuse des ventes dans la promotion immobilière

 

Le secteur de la promotion immobilière se débat aussi dans une crise sans précédent, accentuée par une chute spectaculaire des ventes. Après avoir subi une baisse de 13,3 % en 2022, les ventes brutes dans le logement neuf collectif s'effondrent davantage avec une plongée alarmante de 23,5 %. Une lueur d'espoir émane des ventes aux investisseurs institutionnels, qui affichent une croissance de 8,3 %, résultant des plans de soutien initiés à la fin du premier semestre 2023 par CDC Habitat et Action Logement. En revanche, cela ne compense pas le décrochage des ventes aux particuliers, qui chutent de manière significative de - 37,5 %, dont - 37,3 % pour le collectif et - 39,9 % pour l'individuel groupé, suivant un rythme similaire à la construction de maisons.

Cette dégringolade touche toutes les régions du pays, soulignant la dimension nationale de la crise. La Corse (- 45,9 %) enregistre une chute dépassant les 40 %, tandis que trois régions, dont l'Occitanie (-35,6 %), la Bourgogne-Franche-Comté (- 34,2 %) et le Centre-Val de Loire (- 32,8 %), subissent des baisses supérieures à 30 %. Six régions se situent entre - 30 % et - 20 %, telles que Provence-Alpes-Côte d'Azur (- 29,1 %), Bretagne (- 27 %), Grand Est (- 26,6 %), Auvergne-Rhône-Alpes (- 23,9 %), et Hauts-de-France (- 22,2 %). Trois autres régions présentent des baisses entre - 20 % et - 10 %, à savoir Pays-de-la-Loire (- 18,8 %), Île-de-France (- 7,6 %), et Nouvelle-Aquitaine (- 13,2 %). Seule la Normandie (-7,2%) résiste davantage et enregistre une chute des ventes inférieure à 10 %.
Face à ce contexte, les promoteurs limitent le lancement de nouvelles opérations, voire en abandonnent certaines. Les mises en ventes aux particuliers s'effondrent de 30,8 %, totalisant un peu moins de 72 400 logements. Sous l'impact des contraintes observées sur le front du crédit immobilier aux particuliers et de l’arrêt de certains programmes neufs, le taux d'annulation des ventes aux particuliers atteint un niveau alarmant de 27,1 % au quatrième trimestre 2023, presque le double de celui enregistré au cours des sept dernières années. 
Par conséquent, le stock de logements neufs aux particuliers connaît une augmentation de 14,5 % en moyenne annuelle en 2023, et la durée d'écoulement de l'encours bondit à 21,1 mois sur l'année, contre une moyenne annuelle de 10 mois à long terme et 11,7 mois en 2022. La situation dans la promotion immobilière exige, là encore, des mesures urgentes pour inverser la tendance et stabiliser le marché.
La réaction face à ce constat ne s'est pas fait attendre du côté du Pôle Habitat de la FFB. Le président, Grégory Monod, a exprimé son inquiétude quant à la situation actuelle du secteur. Il souligne que les mesures annoncées, bien que salutaires, ne sont pas suffisantes pour répondre à l'urgence et aux besoins criants à travers tout le pays. Le nouveau choc d'offre, qui prévoit notamment la construction de 30 000 logements sur 3 ans dans « les 22 territoires engagés pour le logement », soit seulement 400 logements par an pour chacun de ses territoires est considéré comme « insignifiant » pour faire face à la crise.

 

Des mesures concrètes pour relancer en urgence le logement neuf

 

Grégory Monod appelle à des mesures concrètes pour soutenir et relancer la demande. Parmi les propositions avancées par le Pôle Habitat de la FFB figurent le déverrouillage de l'accès au crédit immobilier : « il faut lever en urgence les contraintes imposées par le HCSF, Haut Conseil de Stabilité Financière, une mesure qui ne coûterait rien au budget de l’Etat », appuie le président. 
Autre piste : l'incitation à la transmission familiale comme source d'apport en créant une exonération à titre gratuit des droits de mutation des donations numéraires, y compris des PEL ou CEL, à hauteur de 100 000 € quand cela sera pour faire construire ou acheter un logement neuf.
Deux mesures réclamées depuis des mois par la profession : la revitalisation du Prêt à Taux Zéro sur tout le territoire avec une quotité de 40 % et du dispositif Pinel pour faire face au recul de 51 % du nombre d’investisseurs particuliers en un an
Face au surcoût de 7 % en moyenne de l’entrée en vigueur de la RE 2020 dans la construction de maisons neuves, le Pôle Habitat de la FFB demande une réévaluation du cadre de la nouvelle réglementation environnementale ; mais aussi l'instauration d'un moratoire sur la Responsabilité Élargie du Producteur, REP, dans le secteur du bâtiment.
Grégory Monod martèle donc pour qu’un véritable changement intervienne au niveau politique, remettant en question les politiques du « toujours plus avec toujours moins » qui ont asséché la demande. Les conséquences de cette crise sont déjà palpables avec une accélération des défaillances d'entreprises et des pertes d'emplois se chiffrant en dizaines de milliers. Les classes moyennes, en particulier, se trouvent entravées dans leurs parcours résidentiels, menaçant de créer un profond désarroi social. « Sur le terrain, il y en a marre des incantations et des ambitions déconnectées de la réalité des besoins », précise le président du Pôle Habitat, « bien sûr que l’on apprécie cette déclaration d’amour du Premier ministre à la maison individuelle. C’est la première fois depuis 2017 qu’on entend un discours aussi offensif sur le logement, mais il faut des actes. La base n'en peut plus d'attendre ». 
Le Pôle Habitat de la FFB exhorte donc les autorités à prendre des mesures immédiates pour éviter une catastrophe économique et sociale imminente. La situation, selon Grégory Monod, nécessite un sursaut avant qu'il ne soit trop tard et que le désarroi actuel ne se transforme en colère généralisée des entreprises du bâtiment mais surtout des Français qui ne peuvent plus se loger.