Grégory Monod, Pôle Habitat FFB : « Il manque cette fameuse étincelle pour redonner confiance aux ménages »
Président du Pôle Habitat de la FFB, Gregory Monod nous livre son état d’esprit à la fin du traditionnel séminaire technique de son organisation professionnelle, qui s’est tenu durant 4 jours à Riga en Lettonie. Un séminaire où l’on a pu ressentir un secteur près à rebondir si les décisions politiques suivent pour redonner confiance aux ménages.
- Comment s’est déroulé ce séminaire technique 2024 et quel bilan en tirez-vous ?
Grégory Monod : « Ce séminaire a été, comme chaque année, une véritable bouffée d’air pour les professionnels du secteur. L’an dernier à Barcelone, nous étions déjà venus faire une pause dans une période difficile. Aujourd’hui, la situation s’est encore dégradée : tout le monde est dans la tourmente, qu’il s’agisse des promoteurs, des constructeurs ou des aménageurs. C’est comme si nous avions un tuba pour respirer et la ligne de flottaison se situait juste à la limite de ce tuba. Cela montre l’ampleur des difficultés actuelles.
Ce séminaire, bien que positif, a vu une participation un peu en baisse, ce qui est symptomatique de la crise. Certains professionnels ont hésité à lâcher leur entreprise, preuve des tensions dans notre secteur. Mais malgré cela, la qualité des dossiers présentés lors de la 22e édition du Challenge de l’Habitat Innovant a été remarquable. Chaque année, c’est la preuve que l’on se réinvente. Nous avons assisté à des présentations tournées vers le concret : performances, coûts, savoir-faire. Cela reflète l’évolution des attentes pour trouver des solutions face à la crise. »
- Quels ont été les moments marquants de l’événement ?
« Un des moments forts a été l’intervention d’Axel Alletru, ancien pilote moto devenu paraplégique, qui a remporté depuis un Rallye Dakar en buggy. Son témoignage sur la résilience, sans vouloir donner de leçons mais juste en nous racontant son parcours de vie, a profondément résonné avec notre situation actuelle. Tout comme lui, nous devons nous adapter, réinventer notre métier et ajuster nos ambitions face à l’adversité. Ce parallèle avec notre quotidien a réellement marqué les esprits. »
- Ressentez-vous des signaux positifs malgré le contexte ?
« Oui, un léger frémissement se fait sentir. Contrairement à l’année dernière, où le marché semblait totalement morose, il y a aujourd’hui une petite étincelle, relevé d’ailleurs par les chiffres de Caron Marketing qui montrent enfin une stabilisation de la chute des ventes de maisons neuves par exemple. La bonne nouvelle est surtout que nous avons encore les forces vives nécessaires pour relancer la machine, mais tout repose sur une série d’initiatives pour raviver la confiance des ménages et le dynamisme du secteur.
Parmi ces mesures, on peut citer deux leviers majeurs qui seraient des signaux positifs. D’abord l’extension du prêt à taux zéro, PTZ sur tout le territoire et une réintégration de la maison individuelle. Cette mesure reste un pilier pour encourager l’accession à la propriété. Autre piste : l’exonération liée aux donations pour l’acquisition ou la construction d’un logement principal : une donation tant en nature qu’en numéraire, cela pourrait être un vrai moteur. Par exemple, permettre aux grands-parents de donner un terrain constructible à leurs petits-enfants ou de transmettre une somme dédiée à l’achat ou à la rénovation d’un bien pour habiter serait bénéfique. En fléchant ces donations vers la résidence principale, on redonnerait de la confiance aux ménages, tout en favorisant l’intergénérationnel. »
- Selon vous, la confiance manque-t-elle aujourd’hui dans le secteur ?
« Tout à fait. Les ménages hésitent à investir, même ceux qui bénéficient d’un pouvoir d’achat accru. C’est à l’image des 100 000 frontaliers du bassin genevois qui profitent actuellement d’un bond de leur pouvoir d’achat grâce aux effets du change avec le franc suisse et qui, malgré tout, ne reviennent pas sur le marché immobilier. Le manque de signaux rassurants de la part des pouvoirs publics alimente cette défiance. Des mesures comme le PTZ ou les donations peuvent redonner de la visibilité et inciter à investir dans la pierre, ce qui sera capital pour les mois à venir. »
- Vous semblez saluer l’action actuelle du ministère du Logement. Est-ce un changement par rapport au passé ?
« Oui, il y a une vraie évolution du côté du gouvernement. Nous avons une ministre, Valérie Létard, qui connaît parfaitement les enjeux du logement, notamment des sujets techniques comme le Zéro Artificialisation Nette, ZAN. Elle est pragmatique et à l’écoute, contrairement à ce que nous pouvions ressentir auparavant. Le soutien semble également venir d’autres instances, comme le ministère de l’Économie mais aussi de Matignon, où l’on perçoit une volonté de relancer la construction neuve.
Cependant, la situation politique reste une source d’incertitude. Si le projet de loi de finances est bloqué ou si le gouvernement venait à tomber en raison d’une motion de censure, cela ralentirait dangereusement le redémarrage du secteur. Ça serait dramatique pour nos entreprises et à terme, pour les ménages qui doivent se loger. C’est pour cela que le temps presse. Nous avons les ressources humaines et industrielles prêtes à repartir, mais il faut des signaux clairs et des actes forts. Que ce soit par le PTZ, les donations ou d’autres mesures fiscales incitatives, il est essentiel de relancer la machine. Les Français épargnent beaucoup : libérons la transmission de cette épargne pour soutenir l’accession à la propriété et la rénovation. Le potentiel est là. Tout ce qu’il manque, c’est cette fameuse étincelle. »