Grégory Monod, Pôle Habitat FFB : « L'accès au financement reste la clé pour débloquer le marché »
Alors que l'activité des constructeurs et promoteurs ne redémarre pas, Grégory Monod, président du Pôle Habitat FFB, alerte sur une situation critique, en marge de la tenue de la Convention Nationale de cette instance représentative du logement neuf au sein de la Fédération Française du Bâtiment. Un regain de confiance semble émerger, mais l’avenir du secteur reste suspendu aux décisions politiques. Entretien.
- Comment se portent les constructeurs de maisons et les promoteurs adhérents au Pôle Habitat de la Fédération Française du Bâtiment ?
« Ils ne vont pas très bien, ils ne vont pas très fort. C'est une rentrée difficile. Malgré les beaux JO, où nous avons pris un peu d'énergie, tout est resté en suspens durant tout l'été et la situation reste compliquée. En marge de cette Convention Nationale du Pôle Habitat, nous avons réuni nos adhérents et nous avons constaté un optimisme relatif, grâce à quelques signaux faibles, mais positifs. Ce sont toutefois des signaux qui sont très, très faibles.
Nous avons été un peu refroidis par leurs retours, car tout le monde nous dit que l'activité ne redémarre pas. Nos équipes en interne sont souvent redirigées vers d'autres projets en attendant une réelle reprise et éviter de licencier. Nous avons beaucoup évoqué les plans de sauvegarde de l'emploi, PSE, qui ont déjà eu lieu dans les entreprises de notre secteur ; mais il faut rappeler que ce n'est pas dans l'ADN d'un entrepreneur de licencier. Aujourd'hui, on maintient les effectifs, mais pour combien de temps ? Nous avons déjà eu une réduction moyenne de 30 % des effectifs en 18 mois. C'est la dernière limite avant la chute.
Il faut impérativement que le marché reparte avant davantage de défaillances d'entreprises chez les constructeurs. On aurait pu s'attendre à une vague plus importante. En moyenne, on enregistre environ 800 défaillances par an. Cette année, nous sommes montés à 1 000, soit 200 de plus, ce qui représente une augmentation de 20 %. Cela reste contenu par rapport à ce que l'on craignait. La situation est plus difficile chez les promoteurs, où certains acteurs majeurs sont en difficulté. Chez les promoteurs, les problèmes semblent proportionnels à la taille de l'entreprise, ce qui est moins le cas chez les constructeurs. Les grands constructeurs regroupent une multitude d'agences, leur donnant une certaine agilité. Les plus gros promoteurs, en revanche, sont confrontés à des problèmes d'endettement et de refinancement, des difficultés que les petits opérateurs rencontrent moins. »
- Qu'est-ce qui vous rassure ? Que les parlementaires semblent enfin vous soutenir et que la prise de conscience soit enfin là ?
« Malheureusement, il n'y a pas grand-chose qui me rassure. On se raccroche au soutien des parlementaires, ce qui est une preuve de prise de conscience. Mais il faudrait que cette prise de conscience soit portée au plus haut niveau de l'État et que nous ayons une vraie politique du logement.
Nous gardons un peu d'espoir avec la loi de finances à venir, qui pourrait marquer une réelle prise de conscience de la nécessité de relancer l'activité. Une baisse des recettes de TVA, liée en grande partie à la construction de logements, pourrait déclencher cette prise de conscience. Ce n’est pas tant une question de réassurance, mais cela laisse entrevoir un potentiel de changement rapide.
Un autre point rassurant est la courbe des taux d’intérêt, qui semble descendre, ce qui redonnerait un peu d’oxygène aux acheteurs. C’est aussi une question de confiance. »
- Est-ce que cette confiance revient actuellement du côté des acquéreurs ?
« Oui, nous sentons un léger retour de la confiance depuis quelques mois. Nos agences reçoivent davantage de contacts, ce qui est un bon signe. Mais cette confiance est fragile et pourrait être rapidement anéantie par un problème de financement. Le vrai défi est là : si demain, nous parvenons à financer cette demande, la confiance pourra s'entretenir. Mais si le financement n’est pas présent, cela brisera les espoirs de nombreux Français et il faudra beaucoup de temps pour que la confiance revienne. »
- Justement, on ne vous entend pas appeler les banques à l’aide, malgré ces difficultés de financement. Est-ce que vous avez l’impression que les établissements bancaires jouent le jeu ?
« Nous avons l’impression que les banques sont coincées entre les contraintes du Haut Conseil de stabilité financière, HCSF, qui se focalisent sur l’endettement, et leur propre réticence à s’engager sur un marché immobilier en tendance baissière. Il faut aussi rappeler que la majorité des prêts immobiliers en France concernent l'ancien, et que le neuf ne représente qu'une petite part. Avec une baisse des ventes sous les 800 000, les banques sont plus prudentes: elles n’ont pas de produits différenciés entre le neuf et l'existant.
Le problème, c'est qu’il faudrait plus d’agilité. Avant, il y avait des spécialistes du financement immobilier comme le Crédit Foncier ou le Crédit Immobilier de France, qui ont malheureusement disparu. Aujourd’hui, nous avons des banques généralistes qui proposent une multitude de produits, sans avoir une approche fine du neuf. Il faudrait qu’elles reviennent sur ce segment avec des produits innovants. Cela pourrait inclure des tiers financeurs dans des projets de copropriété ou de démembrement de propriété, comme certaines initiatives locales, par exemple en Occitanie avec le Crédit Agricole. Il faut plus d’agilité pour financer le logement neuf, qui est différent de l’existant. Les banques ne manquent pas forcément de bonne volonté, mais elles manquent de souplesse et sont limitées par des contraintes réglementaires. Forcément, cela complique les choses. »
- En somme, le financement reste la clé ?
« Absolument, le financement est le cœur du problème pour les mois à venir. Il s'agit de redonner du pouvoir d'achat immobilier aux Français. Cela passe notamment par un retour du Prêt à Taux Zéro, PTZ universel. Les banques le connaissent bien, et pour elles, c’est un apport personnel qui entre dans leurs critères de sélection. Il est urgent de rétablir un PTZ universel c’est-à-dire en collectif comme en maison individuelle et disponible partout sur le territoire. Ensuite, il faudra peut-être imaginer de nouveaux dispositifs, mais dans l’immédiat, il est d’abord capital de réactiver le PTZ pour relancer la machine. »