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Marché du neuf : sans investisseurs, la fusée du logement ne décolle plus

Le logement neuf traverse sa plus grave crise selon la FPI, fragilisant toute la filière de la construction, plus largement la cohésion de la société. © Shutterstock

Tags : Immobilier neuf, logement neuf, FPI, Pascal Boulanger


Entre effondrement des ventes, disparition des investisseurs et marchés locaux paralysés, le logement neuf vit en 2025 sa plus grave crise depuis des décennies. La FPI alerte : sans sursaut politique, la filière risque l’asphyxie durable et la France : la fracture sociétale.



Jamais le logement neuf n’avait connu pareille dépression. A l’occasion du point de conjoncture de la Fédération des Promoteurs Immobiliers, FPI France, après les neuf premiers mois de 2025, son président Pascal Boulanger dresse un constat sans appel : « Le marché du neuf continue de se dégrader : nous vendons encore moins, encore moins aux investisseurs, nous mettons encore moins en vente, même si nous vendons un peu moins cher. »
Malgré une hausse apparente des autorisations de construire, la situation reste alarmante. Le rebond du début d’année ne s’est pas confirmé, tant le climat géopolitique incertain et l’instabilité politique nationale pèsent sur les décisions d’achat et d’investissement des ménages.
 

Des permis de construire en trompe-l’œil

 
A première vue, les chiffres des permis de construire pourraient prêter à l’optimisme : près de 60 000 logements collectifs ont été autorisés au troisième trimestre, soit une hausse de 36,5 % par rapport à 2024. Mais l’embellie est trompeuse. Les promoteurs continuent de déposer des dossiers pour anticiper les élections municipales mais aussi pour préserver leurs équipes et leur savoir-faire, sans pour autant lancer les programmes sur le marché.
Depuis 2020, la moyenne mensuelle des autorisations s’établit à 16 600 logements, contre plus de 19 000 lors des précédentes mandatures. En 2025, la moyenne tombe à 16 200, un signe supplémentaire du ralentissement structurel de la production.
 

Mises en vente de logements neufs : le marché au point mort

 
Le troisième trimestre 2025 marque un nouveau point bas historique : moins de 10 000 logements mis en vente en trois mois, soit une chute de 5,4 % sur un an, deux fois moins qu’en 2020, pourtant marquée par le Covid.
Sur les neuf premiers mois, on compte 44 526 mises en vente, un léger sursaut : + 4,6 % après un bon début d’année, mais toujours 24,7 % de moins qu’en 2023.
Signe inquiétant : une opération sur cinq est désormais retirée du marché, contre 3 à 4 % seulement en 2022. Ce taux de retrait record illustre la frilosité des promoteurs, pris entre coûts élevés, durcissement du crédit et effondrement de la demande. Le contexte préélectoral, souligne la FPI, « ne favorise pas une reprise durable des lancements commerciaux ».
 

Réservations : chute vertigineuse des ventes aux investisseurs

 
La demande suit la même pente descendante. Sur trois mois, seules 17 206 réservations ont été enregistrées, en baisse de 20,4 % par rapport à 2024. Les ventes aux particuliers reculent de 21,4 %, tandis que les ventes en bloc, destinées aux bailleurs sociaux, chutent de 18,9 %. L’effet du plan de rachat 2023-2024 mené par Action Logement et CDC Habitat s’estompe et les bailleurs n’ont plus les moyens de soutenir la filière.
Mais le plus préoccupant reste l’effondrement total de l’investissement locatif : - 55,3 % sur un an, des ventes divisées par 6.5 sur la moyenne de long terme. Depuis la disparition du dispositif Pinel, les investisseurs se sont tout simplement retirés du marché. « Quand certains pensaient que le Pinel n’était qu’un effet d’aubaine, nous avons désormais la preuve que sans défiscalisation, l’investissement locatif ne fonctionne plus », déplore Pascal Boulanger.
Résultat : les ventes aux investisseurs ne représentent plus que 21 % des ventes aux particuliers, soit 2 183 logements en trois mois. En région, les chiffres donnent le vertige : seulement 8 ventes à des investisseurs dans les Hauts-de-France, 13 à Clermont-Ferrand, 63 dans toute la métropole de Lyon.
Sur neuf mois, les ventes globales baissent de 9,8 % : 63 101 réservations, dont - 48,8 % chez les investisseurs. La FPI projette moins de 10 000 ventes à des investisseurs sur l’année, contre 60 000 en période normale.
 

Des prix qui résistent… artificiellement

 
Malgré la dégringolade de la demande, les prix ne s’effondrent pas. Le prix moyen du mètre carré dans le neuf s’établit à 5 068 €, en hausse de 4,1 % sur un an. En Ile-de-France, il atteint 5 814 €/m² : + 3,9 %, contre 4 886 €/m² en régions : + 4,2 %.
Mais cette hausse cache une réalité : les prix sont techniquement verrouillés. Les promoteurs ne peuvent baisser davantage sans perdre les financements bancaires. « Les marges sont déjà minimales, imposées par les banques. Si nous descendons plus bas, les projets ne se font plus », rappelle le président de la FPI.
 

Un marché paralysé et la promotion immobilière menacée

 
Le délai d’écoulement des stocks atteint 19,2 mois, bien au-delà du seuil d’équilibre de 12 mois. Dans certaines villes moyennes, la situation devient absurde : 73 mois de stock à Orléans, 7 ventes seulement à Besançon sur le trimestre.
« La crise nourrit la crise », résume la FPI. Sans investisseurs, les opérations ne démarrent pas ; sans opérations, ni logements sociaux ni accession à la propriété ne peuvent suivre. Le moteur du marché est à l’arrêt complet.
 

Le salut par le tant attendu statut du bailleur privé ?

 
Face à ce blocage, la FPI réitère son appel à la création d’un statut du bailleur privé, « puissant et pérenne », inspiré du rapport Cosson-Daubresse. Ce statut offrirait des avantages fiscaux clairs : amortissement de 5 % sur 80 % de la valeur du bien, exonération d’IFI et de plus-value au bout de 20 ans. Selon les simulations de la fédération, le logement ainsi soutenu rapporterait 1,9 milliard d’euros nets par an à l’État entre 2026 et 2032.
Mais tout dépend désormais du vote de la loi de finances 2026. Sans adoption d’ici la fin de l’année, le dispositif disparaîtrait. « L’heure est grave », alerte Pascal Boulanger. « S’il n’y a pas de loi de finances, il n’y aura pas de statut du bailleur privé. Ce sujet fait consensus : Mesdames et Messieurs les parlementaires, soyez responsables ! »
 

Une prise de conscience politique… encore fragile

 
La FPI salue toutefois une convergence inédite des députés de tous bords, décidés à agir à la fois sur le logement social, via la baisse de la RLS, et sur le logement privé. Un frémissement d’unité politique qui pourrait marquer le début d’une prise de conscience collective.
Mais pour l’heure, 2025 restera une année noire pour la promotion immobilière. Trimestre après trimestre, les chiffres plongent toujours plus bas. Et tant que le moteur de l’investissement locatif ne sera pas relancé, la fusée du logement neuf restera clouée au sol.