Amortissements réduits et loyers plafonnés : le statut du bailleur privé amendé est-il pire que rien ?
Le statut du bailleur privé, censé relancer l’investissement locatif, a été vidé de sa substance par des sous-amendements gouvernementaux dimanche soir au Sénat. Pour la FPI, ce dispositif devenu inopérant, au-delà de signer l’arrêt de mort de la filière, risque surtout de laisser les Français sans nouveaux logements.
Le vote du Sénat sur le statut du bailleur privé, dans la nuit de dimanche à lundi, a laissé les professionnels de l’immobilier neuf sous le choc. Pour la Fédération des Promoteurs Immobiliers, FPI, cette réforme, destinée à relancer l’investissement locatif et la production de logements, a été dénaturée par le gouvernement, transformant un dispositif prometteur en « coquille vide ». S’agit-il d’une « erreur manifeste d’appréciation ou une volonté délibérée d’anéantir définitivement la production de logements », s’interroge Pascal Boulanger, président de la FPI, lors d’une conférence de presse organisée en urgence.
Des sous-amendements gouvernementaux sabotant le dispositif
Selon la FPI, le gouvernement a introduit trois sous-amendements quelques minutes avant leur examen, privant les sénateurs d’un examen approfondi. Ces mesures ont selon Pascal Boulanger, président de la FPI, rendu le statut « totalement, mais alors totalement, totalement inopérant ». Parmi ces ajustements :
- Baisse du taux d’amortissement de 5 % à 3,5 % ;
- Disparition de la possibilité de louer à tous les concitoyens ;
- Plafonnement de l’amortissement à 8 000 € ;
- Plafonds de déficit foncier inchangés (10 700 €) ;
- Suppression de l’imputation du déficit foncier sur le revenu global.
« Tout ça fait que le dispositif est pire que rien », résume Pascal Boulanger, expliquant que pour un logement neuf de 240 000 €, l’effort d’épargne mensuel passe de 400 € à 700 €, rendant l’investissement inaccessible à la majorité des particuliers. Selon les premiers calculs de la fédération, la rentabilité locative serait plus élevée sans le statut qu'avec !
Acheter pour louer : une usine à gaz pour les investisseurs immobiliers
Les mesures introduites créent une complexité supplémentaire pour ceux qui veulent acheter pour louer. Les loyers, basés sur ceux du Loc’Avantage, seraient désormais définis par commune, nécessitant un arrêté de 430 pages pour déterminer le montant applicable. L’amortissement, plafonné à 8 000 €, ne pourrait plus être imputé sur le revenu global, détricotant totalement le mécanisme initial. « Vous pensez déduire 8 000 € de vos revenus, en réalité vous ne pouvez en déduire que 2 000 € », détaille Pascal Boulanger. L’attitude de Bercy et l’utilisation de chiffres « très critiquables » par Amélie de Montchalin lors des débats pour justifier le coût du dispositif ne peut que renforcer l’incompréhension des professionnels.
Un statut du bailleur privé qui ne produira pas un logement de plus
Avec ces modifications, le dispositif ne relancera ni l’investissement locatif ni la production de logements, y compris sociaux ou destinés à l’accession, prévient l’instance représentative. La FPI rappelle que depuis la fin du dispositif Pinel le 31 décembre 2024, le nombre de logements vendus à des investisseurs particuliers a été divisé par 6,5. Pascal Boulanger souligne : « le vrai sujet, c’est que les habitants ne pourront pas ouvrir la porte de leur futur logement… puisqu’il ne sera pas construit ».
Appel à la responsabilité du Parlement et du Premier ministre
La FPI appelle le gouvernement et les parlementaires à rétablir le statut tel qu’il avait été conçu initialement par le rapport Daubresse-Cosson, lors de la commission mixte paritaire prévue mi-décembre. « Si c’est pour voter des choses délétères pour la profession et plus largement pour les Français, autant qu’ils restent chez eux », avertit Pascal Boulanger, qui rencontrera ce jeudi le ministre du Logement, Vincent Jeanbrun, visiblement laissé sur la touche dans ce dossier.
Le risque est clair, selon Pascal Boulanger : sans correction, la crise du logement va s’aggraver, impactant l’emploi, le PIB, les recettes fiscales, et la vie quotidienne de milliers de Français, étudiants et salariés compris. Une décision de raboter le dispositif initial ainsi incompréhensible à bien des égards.