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Permis de construire : une hausse mensuelle qui cache une crise historique

Permis de construire : une hausse en octobre 2024, portée par le collectif, mais insuffisante pour redresser un secteur du neuf en crise historique. © Shutterstock

Tags : Construction, permis de construire, mise en chantier, ministère du Logement et de la Rénovation urbaine, Pôle Habitat


Malgré une hausse des permis de construire en octobre 2024, le secteur immobilier neuf reste en crise. L’augmentation des autorisations de logements neufs masque une chute historique de la construction. Décryptage d’une embellie passagère sur fond de ralentissement structurel.



Dynamique contrastée en octobre 2024 pour le logement neuf en France. Alors que les autorisations de construire enregistrent une hausse notable de 12,9 % par rapport à septembre, cette embellie passagère masque une crise historique aux racines profondes. À travers l’analyse des chiffres fournis par le ministère du Logement et de la Rénovation urbaine, plusieurs facteurs expliquent cette situation de plus en plus complexe.

 

Logement neuf : un rebond encourageant mais insuffisant

 

En octobre 2024, 28 900 logements ont ainsi été autorisés, marquant un rebond significatif par rapport au mois précédent. Ce dynamisme est surtout porté par les logements collectifs et en résidence, dont les autorisations augmentent de 20,1 % : 19 200 unités. À l’inverse, les logements individuels peinent toujours à progresser : + 0,9 % avec 9 700 unités, un chiffre encore très en deçà des moyennes historiques.
Replacées dans une perspective de long terme, ces données révèlent un secteur en crise. Les autorisations de construire restent inférieures de 25 % à leur niveau moyen des douze mois précédant la crise sanitaire. Les logements individuels affichent une chute vertigineuse de 38 %, tandis que le collectif limite la casse à -16 %.

 

Des mises en chantier également en hausse… temporaire

 

Les mises en chantier suivent une tendance similaire, avec une augmentation de 11,5 % en octobre, soit 20 400 logements commencés. Ici encore, ce sont les logements collectifs : + 18,5 % qui dynamisent le marché, tandis que les logements individuels stagnent toujours : + 0,8 %. Pourtant, sur une base annuelle, le constat reste alarmant : les mises en chantier accusent un retard de 36 % par rapport aux niveaux pré-crise.

 

Des raisons conjoncturelles au rebond d’octobre

 

Ce regain mensuel peut s’expliquer par plusieurs facteurs conjoncturels.
- Aurait-on enfin atteint le fond de la piscine ? Après des mois de chute libre, marqués par des chiffres comparables à ceux des années 1950, il est possible que le marché ait enfin atteint un plancher en termes de permis de construire. La fin des Jeux olympiques de Paris et une certaine reprise économique à la rentrée pourraient avoir contribué à un frémissement de la demande.

- L’effet RE 2020 ? A l’approche du nouveau seuil réglementaire de janvier 2025, où de nouvelles normes environnementales plus strictes entreront en vigueur, promoteurs et constructeurs ont peut-être anticipé leurs dépôts de permis. Cet "effet d’aubaine" leur permet d’éviter les surcoûts liés aux nouvelles exigences et de contourner l’afflux prévisible des dossiers de permis de construire en fin d’année dans les services d’urbanisme des collectivités locales.
- L’approche des élections municipales ? L’adage « maire bâtisseur, maire battu » pourrait inciter certains acteurs à accélérer les dépôts de projets avant que les échéances électorales de 2026 ne compliquent les autorisations et que certains projets immobiliers ne deviennent des enjeux de politique locale.

 

Une crise structurelle malgré des signaux encourageants

 

Sur les douze derniers mois, la crise reste largement palpable. De novembre 2023 à octobre 2024, 335 600 logements ont été autorisés : - 10,5 % et 259 000 mis en chantier : - 18,7 %. Ces chiffres traduisent une chute historique : -27 % d’autorisations et - 33 % de mises en chantier par rapport à la période pré-Covid.
Le segment individuel souffre particulièrement. Les autorisations ont reculé de 16,4 % sur un an et les mises en chantier de 26,6 %, atteignant des niveaux historiquement bas. Même le collectif, moins touché, reste en repli significatif avec - 6,8 % d’autorisations et - 13 % de mises en chantier.
Quelques régions apportent néanmoins des lueurs d’espoir. La Normandie : + 0,6 % et la Bretagne : + 1,2 % enregistrent un léger rebond des autorisations sur un an, tandis que le ralentissement en Ile-de-France, première région en termes de volume, s’atténue : - 9,2 % sur un an.

 

Un défi colossal pour l'outil de production dans les années à venir

 

Malgré la hausse d’octobre, les défis restent immenses. L’équilibre entre la demande en logement, la régulation environnementale et les contraintes économiques s’annonce difficile à atteindre. L’incertitude politique au niveau national, l’approche des élections municipales et la mise en place des nouveaux paliers de la RE 2020 pourraient encore perturber un secteur déjà fragilisé.
Un secteur qui a déjà perdu 25 000 emplois depuis un an et demi : 10 000 dans la promotion immobilière et 15 000 chez les constructeurs de maisons, quand dans le BTP au sens large, ce sont désormais 10 000 emplois qui disparaissent chaque mois, selon les chiffres du Pôle Habitat de la FFB. L’outil de production du logement neuf est en train de se dissoudre inéluctablement. 
Cette hausse mensuelle doit donc être interprétée avec prudence. Elle reflète davantage des phénomènes ponctuels qu’un redressement durable, alors que le secteur reste englué dans une crise historique. A voir maintenant dans le budget 2025 ce qui pourrait redonner un souffle pérenne à la construction neuve en France.