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Olivier Colcombet, Capifrance : « Avec les exigences techniques actuelles, construire neuf est intenable »

Olivier Colcombet, président Capifrance, partage sa vision d’un immobilier durable, adapté aux besoins des Français, équilibré entre neuf et ancien.

Tags : Immobilier neuf, mandataire immobilier, Capifrance, Olivier Colcombet


PDG de DigitRE Group et président de Capifrance, 1er réseau de mandataires immobiliers créé en France, Olivier Colcombet expose ses préoccupations pour le neuf, les défis de la construction et la nécessaire adaptation des politiques de logement aux réalités de terrain.



- A travers votre différente casquette, quel est votre perception sur le marché immobilier actuel, tant dans l’ancien que dans le neuf ?

 

« La situation est complexe, surtout pour le neuf. Lors de nos échanges avec Valérie Létard, la ministre du Logement, elle a été claire : il ne faut pas s’attendre à de grandes avancées fiscales dans ce secteur. La fin du dispositif Pinel, par exemple, marque bien la fin de décennies d'aides fiscales pour le logement neuf. Ce manque de soutien exacerbe les difficultés alors que la demande en logements reste forte.
D’autant que le problème majeur, ce sont les coûts qui explosent. Avec la dernière réglementation thermique, la RE 2020, l’inflation du prix des matériaux, construire devient hors de prix, notamment dans les zones où le plafond de prix de vente est bas. Avec les exigences techniques actuelles, c’est intenable. Par ailleurs, nous voyons beaucoup de ventes en bloc, où des promoteurs vendent des immeubles entiers à des investisseurs institutionnels. Cela limite encore l’offre pour les particuliers, bien que ce modèle ait permis de préserver des emplois et des compétences dans la filière. Quid quand le marché repartira ? D’autant que l’on constate une vraie perte de savoir-faire dans le bâtiment. Si on arrête de construire, on perd nos maçons, nos artisans... et on peine à attirer les jeunes dans ces métiers. Sans parler des défis techniques que posera la rénovation énergétique : une grande partie des immeubles et surtout des maisons qui existeront dans 30 ans sont déjà construits. Comme isoler par l'intérieur des immeubles haussmanniens sans leur faire perdre de très chers mètres carrés. C’est un véritable défi qui nécessite de l’innovation et de la recherche. »

 

- Vous pensez aussi que l’habitat individuel reste un enjeu important ?

 

« Absolument. Les Français souhaitent un cadre de vie agréable, un espace vert, un bout de terrain où partager des moments en famille ou entre amis. Avec la crise du Covid, ce besoin est devenu encore plus évident. Cependant, on continue de privilégier des constructions en hauteur, souvent sans terrasse. Cela va à l’encontre des attentes des Français. En prenant en compte le besoin de bien-être et de sécurité de son patrimoine dans le temps, je suis convaincu qu’un logement de qualité influe sur la vie des citoyens, sur leur comportement et leur intégration dans la société. C’est un vrai projet de société que l’on doit envisager sur le long terme. »

 

- C’est une vision loin de celle des pouvoirs publics. Dans le même temps, comment voyez-vous le rôle des plateformes de location de courte durée, comme Airbnb que le gouvernement souhaite encadrer ?

 

« Le sujet est délicat car pour certaines régions rurales, ces locations touristiques sont une bouffée d’oxygène. Elles permettent à des agriculteurs ou des retraités de compléter leurs revenus. Mais il faut laisser une certaine latitude aux autorités locales pour gérer cette question. Là où cela devient problématique, c’est dans les grandes villes comme Barcelone, où les prix des loyers sont exorbitants et où il y a une vraie pénurie de logements pour les locaux. La solution, selon moi, réside dans une gestion équilibrée et adaptée aux spécificités locales. »

 

- Sans ces plateformes et la rentabilité de la location de courte durée, il y aurait un plus grand désintérêt encore des investisseurs pour l’immobilier. Comment, selon vous, peut-on rétablir la confiance des particuliers et des institutionnels ?

 

« La confiance est cruciale, surtout en immobilier, car on s’engage sur le long terme, souvent pour 20 ou 25 ans. Il est donc indispensable de garantir une certaine stabilité. Aujourd’hui, l’Assemblée nationale étant dans une configuration où peu de réformes drastiques pourront être votées, nous devrions bénéficier d’une certaine stabilité, même si les perspectives de croissance restent limitées. Par ailleurs, les investisseurs institutionnels désertent la France pour des marchés plus attractifs comme Madrid ou l’Allemagne, car les rendements sont trop bas et les actifs se dégradent en France. Le cadre législatif actuel, comme le plafonnement des loyers, fige le marché et réduit les rendements. Nous devrions trouver un équilibre qui permette aux investisseurs de générer des rendements réguliers et de réaliser des plus-values à terme.

Pour relancer et fluidifier le marché dans son ensemble, à titre d’exemple, on pourrait réduire les frais de notaire pour les primo-accédants ou faciliter les donations entre générations. De telles mesures seraient bénéfiques pour l’ensemble de la chaîne de valeur, tout en permettant à l’État d’augmenter ses recettes fiscales. »

 

- La ministre semble avoir une oreille attentive aux professionnels. Que vous inspire son approche ?

 

« Valérie Létard est effectivement attentive aux discours des professionnels. Elle est venue par exemple au congrès de l’UNIS, où nous avons pu avoir un long échange direct, ce qui est un signe positif. Si elle parvient à concrétiser les engagements pris, nous pourrions avancer dans le bon sens. Elle marche dans les traces de Julien Denormandie, qui avait, lui aussi, réussi à mobiliser le secteur. Espérons qu’elle pourra aller plus loin encore pour relancer la dynamique de notre secteur, car l’immobilier neuf et ancien est un enjeu clé pour loger les Français. »