William Truchy, Kaufman & Broad : « Il suffit de nous laisser construire là où il y a des besoins »
Alors que le marché du neuf reste en berne, Kaufman & Broad affiche une croissance à contre-courant. Son directeur général, William Truchy, détaille comment le groupe a su adapter ses produits et maintenir la confiance des accédants comme des investisseurs. En revanche, il a d’ores et déjà fait une croix sur un potentiel statut du bailleur privé l’an prochain.
- Vos chiffres publiés récemment montrent une progression de 6,3 % des réservations en valeur et de 9,5 % en volume depuis le début de l’année, à rebours du marché en recul. Comment expliquez-vous ce succès ?
« Cette dynamique repose avant tout sur notre capacité à nous adapter rapidement aux évolutions du marché. Depuis trois ans, nous travaillons sur la compacité de nos logements, la définition précise des typologies et l’adaptation des programmes au type de clientèle. Cette approche nous permet de maintenir une dynamique positive, même alors que le marché global traverse une période difficile.
Les lancements réalisés en 2025 ont aussi contribué à cette performance, en particulier sur la résidence principale. Le prêt à taux zéro joue un rôle important, en facilitant l’accès à la propriété pour les primo-accédants. Nous observons également une progression des achats de résidences secondaires dans certaines zones, comme la Côte-Atlantique, la Normandie ou la Côte d’Azur, et une stabilité sur les ventes aux investisseurs particuliers. »
- On observe en effet paradoxalement encore 12 % d’investisseurs particuliers malgré la fin du Pinel. Qui sont-ils et pourquoi viennent-ils chez Kaufman & Broad ?
- Quelle est la répartition entre ventes en bloc et ventes aux particuliers ?
« La progression du chiffre d’affaires depuis le début de l’année provient majoritairement des ventes aux particuliers, ce qui est très satisfaisant. La vente en bloc aux institutionnels reste limitée, volontaire et stratégique : elle permet de préserver nos marges et d’assurer un équilibre avec les ventes aux particuliers, sans dépendre excessivement des institutionnels. »
- Vous annoncez 3 760 logements réservés depuis le début de l’année. Ce chiffre reste inférieur aux années records, comme 2019 (5 500 logements) ou 2020 (4 700 logements). Peut-on espérer retrouver ces volumes un jour ?
« Il n’existe aucune raison structurelle, matérielle ou financière qui nous empêcherait d’atteindre des volumes comparables à ceux d’avant-Covid. Notre organisation s’est développée sur de nombreux territoires, offrant une profondeur de marché suffisante pour viser de tels résultats. Cela dépendra toutefois de la dynamique du marché, des taux d’intérêt et de la situation économique globale. »
- Comment se comporte l’offre commerciale ? Avez-vous des programmes en attente, notamment en raison des élections municipales ?
« Nous conservons une stratégie de lancement rapide : nous ouvrons la commercialisation d’un programme dans les deux à trois mois suivant le dépôt du permis de construire. Pour la fin d’année 2025, notre objectif est de 40 lancements. Certaines villes retardent toutefois l’ouverture commerciale avant les élections municipales, ce qui limite momentanément le rythme de nos lancements. Malgré cela, notre réserve foncière nous permet de préparer 2026 avec une bonne dynamique. »
- Quelles régions ou villes tirent actuellement la croissance de Kaufman & Broad ?
« L’Île-de-France reste un marché très dynamique, en particulier en première et deuxième couronne, où la demande pour des logements bien situés et proches des transports est très forte. A Courbevoie avec le programme neuf Koya, par exemple, nous avons ouvert une opération de 120 logements répartis sur deux bâtiments. Le premier bâtiment, lancé avant l’été, a été très bien accueilli : sur 60 logements, près de 40 ont été réservés en quelques semaines. La deuxième tranche, ouverte récemment, connaît un succès similaire avec une vingtaine de réservations sur soixante logements. La clientèle est très diversifiée, avec environ 70 % de résidences principales et 30 % d’investisseurs particuliers. Beaucoup de primo-accédants ont pu bénéficier du prêt à taux zéro, ce qui a facilité l’acquisition de logements compacts, avec des trois-pièces d’environ 62 m², pour un prix moyen de 8 800 €/m².
La Côte d’Azur continue de montrer une forte dynamique, notamment à Antibes et Saint-Laurent du Var, avec des programmes atypiques qui attirent un mix de clients : résidences principales, secondaires et investisseurs patrimoniaux en vue d’une future retraite ou d’une location. Même sur des marchés exigeants, le produit et l’emplacement font la différence.
Dans l’est de la France, Strasbourg et même Nancy fonctionnent bien. A Huningue avec l’opération Art de Rives, près de trois frontières, nous commercialisons plus de 120 logements, le long du Rhin, et nous avons déjà vendu plus de 45 logements. Ces ventes incluent à la fois des résidences principales et des investissements locatifs, ce qui démontre l’intérêt du marché pour des produits bien conçus et situés dans des zones transfrontalières stratégiques.
Enfin, dans des régions comme la Normandie et la Bretagne, les opérations sont plus modestes en terme de volume, de l’ordre de 20 à 30 logements, mais elles rencontrent un réel succès. Ces petites opérations prouvent qu’il existe une demande solide partout où le produit est adapté à la clientèle locale et que le prix correspond au marché. L’ensemble de ces exemples illustre que la croissance de Kaufman & Broad ne repose pas uniquement sur Paris, mais sur une présence équilibrée et stratégique dans différents territoires, avec des programmes ciblés et adaptés à chaque marché. »
- Quelles sont vos perspectives pour la fin 2025 et pour 2026, dans un contexte économique et surtout politique incertain ?
« Nous restons prudents. L’évolution des taux d’intérêt, la confiance dans l’économie et la position des banques sont des facteurs clés. Le prêt à taux zéro continue d’être un moteur, en particulier pour les primo-accédants, mais il s’arrête fin 2027, ce qui pose une question pour les années suivantes. Notre stratégie consiste à proposer le bon produit, au bon endroit, au bon prix, et à accompagner les clients dans leur acquisition, sans attendre de mesures fiscales supplémentaires. »
- Peut-on se passer d’un nouveau statut de bailleur privé pour maintenir la dynamique des ventes ?
« Oui, et nous travaillons déjà dans ce cadre. Je ne crois d’ailleurs plus en un statut du bailleur privé pour 2026, même si j’espère me tromper. (Propos recueillis avant l'annonce de l'amendement gouvernemental) Même après la fin du Pinel, nous avons montré qu’il était possible de maintenir une activité en proposant des produits attractifs et bien situés. L’essentiel est de répondre aux besoins réels de logement, avec sécurité et performance aux clients, sans dépendre d’avantages fiscaux. Depuis 2007, il y a 4 millions d'habitants supplémentaires en France, mais - 30 % de logements neufs démarrés en construction.
La demande reste donc forte, en particulier pour les résidences principales et secondaires dans des zones bien desservies et attractives. Les investisseurs patrimoniaux continuent de s’intéresser aux produits de qualité, même sans dispositifs fiscaux. Tant que les taux restent compétitifs et que l’offre est bien ciblée, nous pensons pouvoir maintenir une dynamique positive. Il suffit de nous laisser construire là où il y a des besoins. »