Rupture : Valérie Létard renonce au ministère du Logement
En renonçant à intégrer le gouvernement Lecornu, Valérie Létard laisse derrière elle une année d’une politique du logement saluée par la filière, mais désormais suspendue à de nouveaux arbitrages.
La ministre du Logement, Valérie Létard, a tiré cette nuit sa révérence, laissant le secteur du logement dans l’incertitude. C’est une rupture nette, presque inattendue, dans un secteur déjà fragilisé.
Valérie Létard, ministre du Logement, a annoncé dimanche soir qu’elle ne rejoindrait finalement pas le gouvernement de Sébastien Lecornu. Un coup de tonnerre politique pour le monde du logement neuf et de la construction, qui espérait sa reconduction.
Dans un message publié sur les réseaux sociaux, l’ancienne sénatrice du Nord a déclaré : « Ni dans les priorités affichées, ni dans la composition du gouvernement, je ne retrouve les signaux nécessaires pour relancer une véritable politique du logement à un moment où ce secteur traverse une crise profonde qui touche à la fois notre économie et la vie quotidienne des Français. »
Et de poursuivre : « Pour ces raisons, je ne souhaite pas réintégrer le gouvernement, considérant que, dans le contexte actuel, je n’aurai pas disposé de la latitude nécessaire pour agir utilement. Je reprends donc ma liberté pour défendre, comme je l’ai toujours fait, les valeurs républicaines, sociales et écologiques qui m’animent, à la fois comme parlementaire et comme élue locale. Je veux saluer l’ensemble des acteurs du logement avec lesquels nous avons tant travaillé, souvent dans la difficulté, pour soutenir un secteur essentiel, mais trop longtemps délaissé. »
Selon son entourage, la décision aurait été prise tard dimanche soir, alors même que la ministre avait été informée qu’elle serait appelée dans la semaine pour compléter la première vague du gouvernement Lecornu.
Une décision qui sonne comme un désaveu politique
La position de Valérie Létard, membre de l’UDI, s’inscrit dans un climat de tension entre le centre et le gouvernement. Quelques heures avant sa décision, le président du parti, Hervé Marseille, confirmait déjà que l’UDI « reprenait ses libertés » vis-à-vis de l’accord de majorité.
Cette double rupture politique fragilise davantage la cohérence du nouvel exécutif. C’est Éric Woerth, nouvel entrant, qui est désormais en charge du Logement en tant que ministre de l’Aménagement du territoire, de la Décentralisation et du Logement. Il succède à François Rebsamen qui, lui aussi, avait annoncé il y a quelques jours renoncer à poursuivre son action ministérielle.
Une nomination qui ne rassure pas les professionnels du secteur. Tous espéraient la continuité d’une politique amorcée depuis plus d’un an désormais, structurée autour d’une série de réformes saluées pour leur pragmatisme et leur cohérence.
Une année pour relancer un secteur en crise
Nommée en septembre 2024, d’abord dans le gouvernement Barnier puis reconduite sous François Bayrou, Valérie Létard s’était rapidement imposée comme une ministre de terrain. « Le logement, c’est un des grands combats de ma vie ! » confiait-elle encore récemment au Journal de l’Agence. En un an, elle aura multiplié les chantiers structurants, malgré un budget contraint et un contexte de crise profonde.
Son action s’articulait autour de quatre priorités : relancer l’investissement locatif, faciliter l’accès à la propriété, lutter contre la fraude et l’habitat dégradé, adapter le logement au changement climatique. Lire aussi - Valérie Létard sur tous les fronts
Le projet emblématique : le statut fiscal du bailleur privé toujours en stand by
C’était sans doute son dossier le plus attendu. Depuis près de dix ans, les acteurs du logement réclament la création d’un véritable statut fiscal du bailleur privé pour succéder au dispositif Pinel. Valérie Létard avait réussi à le faire inscrire dans le projet de loi de finances pour 2026. Ce nouveau statut devait permettre, pour tout investissement locatif réalisé à partir du 1er décembre 2025, de déduire chaque année des revenus locatifs 5 % de la valeur du bien pour un logement neuf et 4 % pour un logement ancien rénové.
L’objectif : restaurer la confiance des investisseurs privés, aujourd’hui découragés par la complexité des dispositifs successifs (Pinel, Denormandie, Loc’Avantages, etc.).
La ministre y voyait un levier essentiel pour relancer la production de logements neufs, tout en soutenant la rénovation du parc existant. Son départ rend désormais ce projet « plus incertain que jamais », selon plusieurs observateurs.
Des mesures concrètes pour l’accession et la rénovation
Valérie Létard aura également laissé son empreinte sur plusieurs mesures clés :
• Élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) à l’ensemble du territoire depuis le 1er avril 2025, y compris pour l’achat de maisons neuves, jusque-là exclues du dispositif.
• Exonération de droits de donation jusqu’à 100 000 euros par donateur, pour financer l’achat d’un logement neuf ou des travaux de rénovation énergétique, afin de soutenir la primo-accession des jeunes ménages.
• Plan de fiabilisation du DPE, avec un encadrement strict des diagnostiqueurs et l’introduction d’un QR code obligatoire pour authentifier les documents.
• Lutte renforcée contre la fraude à MaPrimeRénov’, via la création d’une commission des sanctions à l’Anah et la publication en ligne des entreprises sanctionnées.
• Diagnostic structurel obligatoire dans les zones à risque pour prévenir les effondrements d’immeubles.
• Adaptation du logement au changement climatique, avec des mesures concrètes pour améliorer le confort d’été et développer les solutions de rafraîchissement passif.
Un vide politique au moment le plus critique. Et maintenant ?
Pour le secteur, cette non-reconduction sonne comme une rupture brutale dans une dynamique de reconstruction. Les promoteurs, bailleurs et collectivités saluaient une ministre à l’écoute, capable de travailler « sans dogmatisme » avec l’ensemble des parties prenantes.
Sa capacité à concilier écologie, justice sociale et attractivité économique était perçue comme un atout rare. Son départ intervient alors que la crise du logement atteint un niveau inédit, avec des permis de construire en chute libre et un marché locatif sous tension.
La balle est désormais dans le camp du gouvernement Lecornu et d’Éric Woerth ; mais surtout du Parlement dans l’attente du discours de politique générale du Premier ministre et d’une éventuelle censure. Malheureusement, la politique du logement en France se serait bien passée de cette nouvelle incertitude.