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Promotion immobilière : une crise profonde et inédite qui se confirme selon Adéquation

Crise inédite depuis 30 ans dans le secteur de la promotion immobilière, selon Adéquation, qui mise tout de même sur une reprise en 2025. © Shutterstock

Tags : Immobilier neuf, promotion immobilière, Adéquation


Face à une crise historique, la promotion immobilière tricolore continue de s’effondrer en 2024, freinée par la chute des ventes et des mises en chantier. La dynamique du neuf est compromise et les perspectives sombres plongent le secteur dans l’incertitude, selon Adéquation.



La promotion immobilière dans l’hexagone traverse une crise sans précédent, marquée par un effondrement des mises en vente, une diminution historique des réservations et un essoufflement des projets. La dernière étude sur l’immobilier neuf résidentiel d’Adéquation, leader dans son secteur de l’analyse des marchés immobiliers, dévoile des chiffres alarmants pour la période de septembre 2023 à août 2024. Les perspectives pour 2024 et au-delà apparaissent plus sombres que jamais. Les promoteurs peinent de plus en plus à répondre aux besoins croissants de logements abordables, coincés entre une demande en berne et des contraintes économiques et financières lourdes.

 

Effondrement des mises en vente : plus de 35 000 logements en projet perdus en un an

 

L’étude d’Adéquation révèle une chute drastique de 39 % des logements mis en vente sur les douze derniers mois. Cela représente une baisse historique pour les grands marchés métropolitains : - 28 % pour Bordeaux Métropole, - 42 % pour Lyon, - 47 % pour Lille et jusqu’à -66 % pour Montpellier. Globalement, seuls 53 380 logements neufs ont été mis en vente par les promoteurs entre septembre 2023 et août 2024, contre 88 650 pour la même période l’année précédente. Ce recul des mises en vente constitue une véritable entrave au renouvellement de l’offre.
En plus de cette diminution, le taux de retrait des logements mis en vente atteint 22 %, avec environ 15 000 logements retirés du marché en raison d’abandons de programmes ou de projets mis en veille. Pour les promoteurs, cette situation représente une problématique stratégique : comment continuer à commercialiser des logements alors même que les conditions de vente se dégradent à un rythme soutenu ?

 

Réservations : des chiffres historiquement bas et un désintérêt des investisseurs

 

La chute des mises en vente s’accompagne d’une diminution massive des réservations. En baisse de 26 % sur 12 mois, le nombre de réservations atteint un plancher de 50 300 unités, soit deux fois moins que pendant les années 2019-2022. Les investisseurs particuliers, loin de se précipiter pour profiter des derniers avantages du dispositif Pinel, ont représenté seulement un tiers des réservations, et leur part dans les ventes a reculé de six points.
Cette régression des réservations montre l’ampleur de la crise de confiance des ménages envers le marché du neuf. Les raisons sont multiples : augmentation des taux d’intérêt, prix des logements toujours élevés et affaiblissement du pouvoir d’achat. Les dispositifs d’accession sociale, tels que le PSLA ou la TVA réduite à 5,5 %, marquent également un recul, avec une baisse de 22 % des ventes sur 12 mois. Seul le bail réel solidaire semble résister avec une hausse de 45 %, bien que cela représente encore un volume marginal de 2 900 ventes sur l’année.
« Cette situation, inédite depuis 30 ans, est la conjonction d’une multitude de causes, exacerbée par des prix qui structurellement ne peuvent s’ajuster pleinement à la solvabilité des ménages, dégradée par la remontée des taux d'intérêt revenus à la normale », détaille Simon Chapuy, directeur de Marché Promoteurs Immobiliers, Adéquation.

 

Une offre commerciale fragilisée et un stock « dur » en hausse

 

Le stock de logements disponibles s’affiche sous la barre des 100 000 unités, avec seulement 95 000 logements neufs disponibles sur le marché national. Ce niveau historiquement bas est loin d’être un facteur dynamisant. En effet, pour relancer la demande, il faudra disposer d’une offre commerciale renouvelée et variée, ce qui n’est pas le cas actuellement. De plus, la part de « stock dur », c’est-à-dire les logements disponibles et déjà construits, a doublé, passant de 3 % à 7 % en un an, tandis que les logements en chantier encore disponibles représentent 47 % du stock.
Cela crée un gros paradoxe : le stock de logements disponibles s’accroît, mais il s’agit essentiellement de projets déjà en cours, ce qui limite la flexibilité des promoteurs pour s’ajuster à la demande actuelle et aux évolutions du marché.

 

Prix des appartements neufs en baisse et recul des marges pour les promoteurs

 

Face à la baisse de la demande, les prix des logements neufs commencent à fléchir dans plusieurs métropoles : - 3 % en Ile-de-France et à Bordeaux, - 4 % à Nantes et Montpellier, et jusqu’à - 7 % à Lyon. À l’échelle nationale, cette baisse atteint 3 % au deuxième trimestre 2024 par rapport au premier. Ce recul des prix s’explique par la nécessité pour les promoteurs de s’ajuster, malgré l’impact négatif que cela pourrait avoir sur leurs marges, déjà fragilisées.

« Les promoteurs se trouvent dans une impasse, incapables de répondre aux besoins croissants de logements abordables. La commercialisation des programmes neufs est difficile, au détriment des marges qui peuvent se réduire de façon alarmante. Le secteur de la promotion immobilière connait un blocage profond, qui se traduira fatalement par des tensions vives sur les marchés immobiliers. », ajoute Simon Chapuy.

 
Les ventes en bloc portées par les bailleurs institutionnels

 

Dans ce contexte de ralentissement généralisé, le segment des ventes en bloc apparaît comme un pilier pour les promoteurs. Plus de 22 000 logements ont été vendus en bloc au premier semestre 2024, contre 15 600 pour la même période en 2023, soit une augmentation significative. On s’attend à ce que les ventes en bloc représentent environ 55 % des transactions dans le neuf d’ici la fin de l’année. Les bailleurs institutionnels ont pleinement joué leur rôle de stabilisation en achetant des logements pour répondre aux besoins locatifs intermédiaires et sociaux, malgré un certain essoufflement lié à la clôture des plans de relance.

 

Perspectives : après une sombre année 2024, des espoirs à moyen terme

 

Les projections pour 2024 sont peu encourageantes. Adéquation anticipe moins de 50 000 ventes au détail, un niveau encore plus bas que lors des crises de 2008 ou 2012. Les investisseurs particuliers devraient représenter entre 15 000 et 16 000 ventes, loin des 60 000 observées lors des années fastes du dispositif Pinel, tandis que les propriétaires occupants devraient enregistrer entre 30 000 et 35 000 ventes.
Au-delà de 2024, les perspectives restent également moroses. Avec seulement 343 100 logements autorisés à la construction, soit une baisse de 9,5 % par rapport à l’année précédente, l’offre commerciale ne devrait pas se reconstituer rapidement. Le manque de nouvelles mises en vente ralentira encore la reprise d’un marché en proie à une grave pénurie de logements abordables.
Cependant, un facteur pourrait jouer en faveur du redressement de la demande : la Banque de France prévoit une baisse de l’inflation à 2 % d’ici 2026, ce qui pourrait entraîner une décrue progressive des taux d’intérêt, actuellement à 3,8 %. Si les taux d’intérêt baissent effectivement, cela pourrait donner un coup de pouce bienvenu à la solvabilité des ménages. Entre des prix élevés et une demande fragilisée, le secteur peine à trouver un équilibre. Le redémarrage du marché dépendra de la capacité des promoteurs à adapter leur offre à la nouvelle réalité économique et des conditions de financement plus favorables.