La construction de maisons individuelles en crise : le logement idéal des Français s'éloigne
Alors que la maison individuelle pourrait réintégrer le Prêt à Taux Zéro, le cabinet Adéquation a passé au crible l’évolution de ce marché qui subit une crise profonde et qui éloigne de plus en plus les ménages de leur logement idéal.
Depuis des décennies, la maison individuelle représente un idéal profondément ancré dans l'imaginaire des Français. Pourtant, selon les dernières analyses du cabinet Adéquation, leader en observation des marchés immobiliers résidentiels, ce « rêve français » semble s’éloigner. En effet, le marché de la construction de maisons individuelles est plongé dans une crise sans précédent, et rien ne laisse présager un rebond à court terme. Les faillites chez les constructeurs de maisons le prouvent.
Un secteur de la maison neuve en crise profonde
Le secteur de la maison individuelle fait face à des difficultés croissantes depuis une vingtaine d’années, marquées par une baisse quasi continue de la production. Les faillites récentes de grandes entreprises du secteur en témoignent : AST Groupe, le troisième constructeur français, a été placé en redressement judiciaire en 2024, quelques mois après la liquidation de Geoxia et ses célèbres Maisons Phénix en 2022. Ces événements ne sont que les derniers épisodes d’une série noire qui touche aussi de nombreuses entreprises régionales, telles que Maisons Kervran en Bretagne ou Batidur en Nouvelle-Aquitaine.
Les chiffres sont éloquents : les ventes de maisons individuelles se sont effondrées à 49 300 unités à fin juillet 2024, soit une baisse de plus d’un tiers sur un an et une chute vertigineuse de 60 % par rapport à la moyenne de long terme qui se situe autour de 126 000 unités, selon le Pôle Habitat de la Fédération Française du Bâtiment, FFB. Olivier Conus, directeur des partenariats chez Adéquation, souligne ainsi que « les volumes de maisons construites ont été divisés par 2,6 depuis 2006, avec un effondrement particulièrement marqué ces deux dernières années ».
Deux décennies de contraction et un creux historique depuis 2023
Historiquement, la première moitié des années 2000 a été marquée par une forte production de maisons individuelles, atteignant parfois 250 000 unités par an. Le pic a été enregistré en 2006, avec près de 260 000 logements construits. Mais la crise financière de 2007-2008 a mis un coup d’arrêt brutal à cette dynamique.
Ce déclin touche particulièrement le segment de l’« individuel pur », où chaque maison est construite sur la base d’un permis de construire déposé par un particulier. Depuis le début des années 2000, ce segment a reculé de 58 %, contre seulement 6 % pour l’« individuel groupé », où des promoteurs ou bailleurs sociaux déposent un permis unique pour plusieurs maisons. Cette forme de construction, de maisons en lotissement, apparaît comme une alternative plus résiliente dans un contexte économique tendu.
Une transformation profonde du marché immobilier
La part de la maison individuelle dans la construction neuve a également chuté de manière significative, passant de 62 % au début des années 2000 à moins de 40 % aujourd’hui. Cette évolution s’accompagne d’une montée en puissance de la construction de logements collectifs, qui est devenue majoritaire depuis 2012. Ce phénomène s’explique en partie par la hausse du coût du foncier, la rareté des terrains à bâtir disponibles et les exigences de sobriété foncière imposées par les politiques publiques, à l’image des objectifs fixés par le ZAN, Zéro Artificialisation Nette.
Les mêmes facteurs de déstabilisation qui affectent actuellement la promotion immobilière pèsent aussi sur la maison individuelle : la hausse des taux d’emprunt, la fluctuation des dispositifs fiscaux comme le PTZ ou le dispositif Pinel, les coûts de construction, ainsi que les normes environnementales strictes telles que la RE2020. « La communauté de contraintes est évidente », note Olivier Conus. « Ces éléments influencent les deux segments du marché, bien que les constructeurs de maisons individuelles soient plus nombreux que les promoteurs immobiliers réguliers ».
Maison neuve : le logement idéal des Français en pleine mutation
Malgré cette situation, l’attrait pour la maison individuelle reste extrêmement fort. Selon un baromètre de la Fédération Française de la Construction (IFOP) publié en mars 2024, 80 % des ménages souhaitent vivre dans une maison individuelle. Un chiffre qui, étonnamment, n’a que très peu évolué depuis les années 1950. Cependant, cet idéal semble de plus en plus inaccessible pour de nombreux Français, au vu des tendances actuelles. En conséquence, il est probable que la maison individuelle devienne minoritaire dans le parc immobilier national, où elle représente actuellement 55 % des logements.
Reste que le parc existant de maisons individuelles, estimé à plus de 20,8 millions de logements au 1er janvier 2023, pourrait devenir une alternative, notamment via des opérations de rénovation ou de densification. Le défi majeur reste la rénovation des passoires énergétiques, qui sont plus nombreuses dans ce type de logement (19,6 %) que dans le collectif(14,5 %). Ce potentiel de transformation pourrait redonner un nouveau souffle à ce segment du marché.
En définitive, la maison individuelle va devoir s’adapter à un contexte de plus en plus contraignant, que ce soit par la densification des parcelles, la compacité des projets, ou encore la personnalisation accrue des programmes collectifs. Pour Olivier Conus, « il ne s’agit plus seulement de construire des maisons, mais d’imaginer des modèles hybrides, où les avantages de l’habitat individuel et collectif coexistent. Cette transformation pourrait redessiner en profondeur le paysage de l’immobilier en France ».