Immobilier neuf : quelles conséquences de la démission du gouvernement Bayrou sur le crédit et le marché ?
La chute du gouvernement Bayrou ouvre une nouvelle zone de turbulence politique. Entre taux d’OAT volatils, vigilance des banques et zonage remanié, le marché immobilier cherche ses repères dans un climat incertain. Crédit et investissement locatif resteront-ils accessibles aux ménages et investisseurs dans les prochains mois ?
La démission de François Bayrou, premier chef de gouvernement de la Ve République à chuter après un vote de confiance, va-t-elle rebattre les cartes sur le marché immobilier ? Lundi 8 septembre, le Premier ministre n’a recueilli que 194 voix pour et 384 contre lors de son passage devant l’Assemblée nationale. Sa démission remise ce mardi midi à Emmanuel Macron à l’Élysée, ouvre une nouvelle période d’incertitude politique et économique. Mais qu’en est-il du marché immobilier et, surtout, des conditions de financement pour les ménages ?
Une secousse politique sans effet immédiat sur les taux d’intérêt
Si le départ de François Bayrou a fait la une de l’actualité, il n’a pas, à ce stade, bouleversé les conditions de crédit. Les marchés avaient déjà anticipé la tension : le pic des obligations assimilables du Trésor (OAT) à 10 ans à 3,50 % début septembre correspondait à une réaction préventive avant le vote de censure. Depuis, les taux directeurs sont revenus autour de 3,40 %, avec un écart limité à 71 points de base vis-à-vis du Bund allemand, valeur refuge de la zone euro.
« Aujourd’hui, les véritables catalyseurs pour les taux de crédit ne sont pas politiques, mais financiers », rappelle Caroline Arnould, directrice générale de CAFPI. « La décision de Fitch, attendue vendredi, sera déterminante : un abaissement de la note de la France pourrait relancer la tension sur les taux. La réunion de la BCE jeudi est également clé : si les taux directeurs restent inchangés, cela conforterait la détente observée ces derniers jours. Enfin, la nomination d’un nouveau gouvernement – ou une dissolution – constituerait le principal déclencheur d’un éventuel mouvement de marché. »
Banques et conditions d’accès au crédit : prudence et sélectivité
Face à ce climat tendu, les banques adoptent des stratégies différenciées. Selon les courtiers, la moitié des établissements a relevé ses barèmes en septembre, quand l’autre moitié les a maintenus. Quelques initiatives favorables aux emprunteurs persistent néanmoins. Une banque régionale propose ainsi un taux unique de 2,99 % aux moins de 36 ans, quelle que soit la durée du prêt. Les taux bonifiés (0 à 1,99 %) restent accessibles à certains profils, notamment les primo-accédants ou les acquéreurs de logements performants sur le plan énergétique.
Dans les faits, le taux moyen des crédits immobiliers s’est établi à 3,08 % en août, quasiment stable depuis mars dernier. Un signe que la hausse redoutée n’a pas encore eu lieu, même si les experts s’accordent à dire qu’un retour des taux à 1 ou 2 % n’est plus envisageable. Lire aussi - Rentrée 2025 : quelles perspectives pour les taux d'intérêt ?
Un marché immobilier résilient mais fébrile
Malgré les turbulences politiques, le marché immobilier a montré une certaine solidité au premier semestre 2025 : 65 milliards d’euros de crédits ont été distribués, soit une projection de 130 milliards pour l’année et un peu plus de 900 000 transactions sur un an. La stabilité des prix dans les grandes villes a également contribué à soutenir la demande.
Cependant, les primo-accédants, qui représentent plus de la moitié des acheteurs, pourraient différer leurs projets si les taux venaient à repartir à la hausse. La perspective d’un retour vers 4 %, comme en 2023, reste jugée peu probable par les professionnels, mais la vigilance demeure de mise.
Réformes suspendues et incertitudes pour 2026
La chute du gouvernement laisse en suspens plusieurs réformes clés du logement. Le statut fiscal du bailleur privé, censé relancer l’investissement locatif après la fin du Pinel, reste incertain, même si Pascal Boulanger, président de la FPI, insiste sur son caractère « apolitique » et donc transposable dans tout projet de loi de finances. Lire aussi - Pascal Boulanger, FPI : « Sans statut du bailleur privé, on voit que la machine du logement neuf reste totalement à l'arrêt »
Côté rénovation énergétique, les derniers décrets du gouvernement Bayrou ont déjà semé la discorde : restriction des aides MaPrimeRénov’, recentrage sur certains équipements, TVA réduite pour les panneaux solaires sous conditions strictes… Autant de mesures prises dans la précipitation qui alimentent le flou pour les ménages et les professionnels du bâtiment.
À noter également un nouveau zonage publié quelques jours avant la démission du gouvernement : 468 communes ont été reclassées, dont 450 surclassées. Ce changement, qui vise à mieux refléter les tensions locales sur le logement, permet aux habitants de ces zones de bénéficier de dispositifs d’aide plus avantageux (prêt à taux zéro, plafonds de loyers ou de ressources plus élevés, développement du LLI, logement locatif intermédiaire). A voir si les collectivités à quelques mois des élections municipales vont s'emparer de ce nouveau zonage pour lancer des projets. Découvrir également - Révision de zonage : 450 villes surclassées
L’immobilier français se trouve ainsi à la croisée des chemins : entre une résilience confirmée sur le terrain et un climat d’incertitude politique et financière qui pourrait, dans les prochaines semaines, peser lourdement sur la confiance des ménages et des investisseurs.
Ce qu’il faut retenir
• Pas d’impact immédiat de la démission Bayrou sur les taux immobiliers.• Les marchés attendent surtout Fitch et la BCE.
• Banques prudentes mais sélectives : meilleures conditions réservées aux profils solides.
• Marché immobilier résilient, mais fragilité des primo-accédants.
• Réformes logement et nouveau zonage (468 communes reclassées) en suspens du PLF et des municipales.