Immobilier en Europe : vers un marché à plusieurs vitesses, la France en convalescence
Flambée des prix à l’Est, relance timide à l’Ouest : l’immobilier européen diverge. La France, elle, amorce une lente convalescence entre incitations fiscales et ajustements tarifaires. Le dernier baromètre ERA Europe révèle des contrastes saisissants sur le neuf comme sur l’ancien.
Alors que l’Europe immobilière évolue à plusieurs vitesses, la France tente de résister à la tempête. En effet, selon le dernier baromètre ERA Europe 2024-2025 dresse un portrait contrasté du marché immobilier résidentiel européen. Derrière une moyenne européenne encore en croissance : + 4,9 % selon Eurostat au quatrième trimestre 2024, se cache une profonde fragmentation des dynamiques nationales. Hausse spectaculaire des prix en Bulgarie, rebond des transactions au Luxembourg, repli mesuré en France, ralentissement autrichien… L’Europe immobilière évolue désormais « à géométrie variable ».
Une hétérogénéité de prix immobiliers sans précédent dans l’UE
Le cas de la Bulgarie illustre la disparité croissante entre les marchés : les prix y ont bondi de + 18,3 % en un an, plus forte hausse de l’Union européenne. La perspective de son entrée dans la zone euro d’ici 2026 et la recherche de placements refuges face à l’inflation expliquent en partie cet emballement.
D’autres pays comme l’Irlande ou le Monténégro enregistrent également des hausses significatives, supérieures respectivement à 8 % et même 20 % selon les données internes d’ERA, portées par une demande étrangère soutenue et une offre toujours contrainte.
À l’opposé, la France affiche un repli contenu : - 2,3 % pour les maisons et - 1,8 % pour les appartements en 2024. Un recul limité qui traduit une forme de résilience, particulièrement à Paris où les volumes amorcent un frémissement après quinze mois de correction. Une tendance qui pourrait annoncer une stabilisation progressive du marché.
Achat : une géographie des transactions en pleine recomposition
La dynamique des ventes témoigne également de l’extrême hétérogénéité du marché européen. Le Luxembourg enregistre une hausse spectaculaire de + 48 % des transactions en 2024, après une année 2023 historiquement faible. La Belgique, portée par l’annonce de la baisse des droits d’enregistrement en Flandre, de 3 % à 2 % en 2025, voit ses ventes bondir de 20 % au premier trimestre 2025.
Le poids grandissant des investisseurs étrangers
Le sud du continent continue d’attirer massivement les investisseurs étrangers. À Chypre, près de 70 % des transactions sur les zones côtières sont le fait de non-résidents. Même si les volumes baissent légèrement : - 3 %, la valeur totale atteint un niveau record de 5,71 milliards d’euros en 2024. Un signal fort sur la résilience du haut de gamme et la vigueur des investissements transfrontaliers.
Performance énergétique, digitalisation des ventes : des tendances communes malgré la fragmentation
Au-delà des divergences nationales, certaines tendances s’imposent à l’échelle européenne. La performance énergétique devient un critère déterminant : en Belgique, une maison classée B se vend en moyenne 22 % plus cher qu’un bien classé F, selon une étude SUERF.
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Autre évolution majeure : la digitalisation des ventes. Visites virtuelles, signature électronique, transactions à distance se généralisent. En Albanie, un quart des acquisitions de biens en bord de mer se concluent désormais en ligne, selon les données croisées d’ERA et PwC.
Perspectives 2025 : vers une reprise prudente mais réelle
Alors que la Banque centrale européenne entame une phase de détente monétaire, les premières baisses de taux conjuguées à des ajustements de prix et des mesures fiscales ciblées (comme en Belgique ou en France avec le PTZ universel) pourraient favoriser un rapprochement entre acheteurs et vendeurs.
« Nos chiffres confirment la fin d’un cycle européen homogène : l’immobilier repart, mais chacun à son rythme. La performance 2025 sera d’abord conditionnée à l’agilité fiscale et à la capacité à verdir le stock existant », analyse François Gagnon, président d’ERA Europe et ERA France. Il ajoute : « Car si la reprise de l’immobilier européen est inégale, elle semble désormais enclenchée. Le retour progressif de la confiance se confirme dans la plupart des marchés, porté par des signaux plus encourageants sur les taux et une meilleure lisibilité économique. »
France : un marché immobilier tricolore qui s’accroche
Dans cette Europe à plusieurs vitesses, la France ne brille pas par ses performances, mais elle ne décroche pas non plus. Le repli des prix reste modéré, les premiers signes de reprise apparaissent dans les grandes métropoles et la perspective de mesures de soutien ciblées (réformes fiscales, aides à l’achat) crée un cadre plus lisible. Si la croissance n’est pas au rendez-vous, la France semble néanmoins sur la voie d’un rétablissement progressif.
En clair, le marché immobilier européen entre dans une nouvelle phase, marquée par des écarts de trajectoires inédits. À l’heure où la confiance renaît, l’enjeu pour chaque pays sera d’allier stabilité économique, incitations ciblées et transition écologique pour garantir un retour durable des transactions immobilières, notamment pour soutenir le besoin des populations à se loger de façon abordable et durable.