Moins de 60 000 logements neufs vendus par les promoteurs, prédit Crédit Agricole
Selon la dernière analyse économique du Crédit Agricole sur le marché résidentiel tricolore, le marché du logement neuf en France continue de subir une correction majeure. Entre hausse des taux d'intérêt et contraintes structurelles, les ventes ne devraient pas dépasser les 60 000 réservations chez les promoteurs cette année.
Le marché de l’immobilier résidentiel français continue de traverser une période de correction marquée, notamment sur le segment du logement neuf, rapporte la récente étude économique du Crédit Agricole. Depuis 2022, la hausse rapide des taux d’intérêt et le renchérissement du crédit ont durement impacté les ménages et les promoteurs, rappelle l’auteur. Malgré cette baisse de la demande, plusieurs obstacles structurels continuent de freiner le marché du neuf. Cela empêche une véritable correction des prix et menace l’équilibre entre l’offre et la demande.
Impact de la hausse des taux d’intérêt sur le logement neuf
L'un des facteurs principaux du ralentissement observé sur le marché du logement neuf est la montée des taux d’intérêt, entamée fin 2021 et amplifiée par les décisions de la Banque centrale européenne, BCE, à partir de mi-2022. La remontée rapide des taux de l’OAT, Obligations Assimilables du Trésor à 10 ans a eu des répercussions directes sur les taux des crédits immobiliers, rendant plus coûteux l’accès à la propriété pour les ménages.
Face à ce renchérissement du coût du crédit, la demande de logements neufs s’est effondrée, notamment au sein de la promotion immobilière. En 2023, le volume des ventes de logements neufs a chuté de près de 37 %, atteignant un plus bas historique avec seulement 65 200 unités vendues. En 2024, les prévisions du Crédit Agricole estiment que les ventes de logements neufs oscilleraient entre 50 000 et 60 000 unités, un niveau historiquement bas qui témoigne d’un marché fortement dégradé.
Une baisse des prix modérée malgré la chute de la demande
Contrairement au marché de l’ancien, où les prix ont baissé plus rapidement : - 5,2 % au premier trimestre 2024, la correction des prix dans le neuf a tardé à se matérialiser. Au premier trimestre 2024, les prix des logements neufs n’ont baissé que de 1,2 % sur un an, une correction modeste qui s’explique par plusieurs facteurs.
Tout d’abord, détaille Crédit Agricole, la hausse des coûts de construction, liée aux nouvelles réglementations environnementales et aux tensions sur l’approvisionnement de certains matériaux, a contraint les promoteurs à absorber une partie de l’augmentation des prix. La réglementation RE 2020, en vigueur depuis début 2022, impose des normes plus strictes en matière de performance énergétique et de construction, ce qui a généré des surcoûts pour les acteurs du secteur. La combinaison de ces coûts et de la baisse de la demande a freiné la capacité des promoteurs à ajuster leurs prix de manière significative.
Un déficit structurel d’offre qui pèse sur le marché
Le marché du logement neuf en France souffre également d’un déficit structurel d’offre, particulièrement dans les zones tendues. Avant même la crise sanitaire, l’offre de logements était déjà insuffisante pour répondre à la demande. La raréfaction des terrains constructibles, exacerbée par la mise en place du « zéro artificialisation nette », ZAN, ainsi que la complexité croissante des procédures de permis de construire, ont contribué à ralentir la construction.
En juin 2024, le nombre de permis de construire octroyés a chuté de 15,3 % par rapport à l’année précédente, tandis que les mises en chantier ont reculé de 21,8 % sur la même période. Ces niveaux historiquement bas de nouvelles constructions sont un frein supplémentaire à l’équilibre du marché du neuf, ce qui limite l’offre disponible et maintient une certaine pression sur les prix.
Des mesures de soutien attendues mais encore insuffisantes
Conscient de la gravité de la situation, le gouvernement a annoncé en février 2024 plusieurs mesures de soutien pour relancer la construction, dont la simplification des normes de construction et de rénovation, la facilitation de la densification urbaine et la transformation de bureaux en logements. Toutefois, ces mesures sont jugées insuffisantes par de nombreux acteurs du secteur, qui appellent à des réformes plus profondes.
La prolongation du prêt à taux zéro jusqu’en 2027, recentré sur les appartements neufs en zone tendue, ne suffira pas à compenser la suppression du dispositif Pinel après 2024, anticipe l’étude. « Cette mesure devrait pénaliser les investisseurs particuliers et freiner encore davantage le marché des maisons individuelles, déjà en forte baisse : - 39,1 % en 2023 », analyse Crédit Agricole.
Perspectives pour 2024 et au-delà pour le logement neuf
Les prévisions du groupe bancaire pour 2024 suggèrent une stabilisation progressive du marché du neuf, à condition que le pouvoir d’achat des ménages s’améliore. Le groupe Crédit Agricole prévoit un redressement modéré des ventes, notamment grâce à l’assouplissement de certaines contraintes. Cependant, les obstacles structurels persistent et la reprise pourrait être freinée par des facteurs externes, tels que l’évolution des coûts de construction et des incertitudes réglementaires. Juba Ihaddaden, économiste spécialiste de l'immobilier, résume donc que « d'ici à fin 2024, les ventes se stabiliseraient grâce à l'amélioration de la capacité d'achat des ménages. Dans le neuf, les ventes devraient se situer entre 50 000 et 60 000 unités. »
En clair, pour le groupe Crédit Agricole, le marché du logement neuf en France reste sous pression, à la croisée d’un ralentissement conjoncturel lié à la hausse des taux d’intérêt et de défis structurels qui freinent la construction. Si des mesures ont été prises pour relancer le secteur, elles devront être amplifiées pour répondre aux besoins croissants en logements, en particulier dans les zones où la demande reste forte, conclut le groupe bancaire.