Bilan 2024 de la construction : un rebond en trompe l'œil qui ne cache pas une crise persistante
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Malgré un sursaut en fin d’année, la construction neuve en France a connu une nouvelle chute historique en 2024, avec des permis de construire et des mises en chantier en forte baisse. Entre coûts en hausse et accès au crédit restreint, le secteur peine à se relever d’une crise qui dure depuis plus de deux ans.
La construction enregistre encore une mauvaise année en France. Le secteur a traversé 2024 dans une crise profonde, en dépit d'un léger sursaut en fin d’année. Les chiffres publiés le 29 janvier 2025 par le ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation dressent un nouveau constat alarmant : une nouvelle baisse significative des permis de construire et des mises en chantier, dans un contexte de coûts en hausse et de conditions de financement difficiles.
Une chute continue des permis de construire
Après - 23 % en 2023, un nouveau recul est observé. En 2024, seulement 330 400 logements ont été autorisés à la construction, soit une baisse de 12,3 % par rapport à 2023, représentant 46 300 autorisations de moins. Ce niveau est également inférieur de 28 % à celui observé avant la crise sanitaire de 2019-2020.
Si le quatrième trimestre a connu un léger rebond de 5 % par rapport au trimestre précédent, ce sursaut ne compense pas la tendance baissière de fond. En décembre 2024, 28 400 logements ont été autorisés, enregistrant une hausse de 4,5 % par rapport à novembre. Un volume qui reste 26 % en dessous de la moyenne des douze mois ayant précédé le premier confinement.
Les logements individuels sont les plus touchés, avec une baisse de 14,9 % en un an, soit 118 400 unités autorisées. Les logements collectifs et en résidence subissent également une contraction, mais dans une moindre mesure : - 10,7 %, avec 212 000 logements autorisés.
Des mises en chantier de logements neufs en net recul
La baisse, entamée en août 2022, des permis de construire s'est logiquement répercutée sur les ouvertures de chantiers. En 2024, 263 100 logements ont été mis en chantier, soit 11,1 % de moins qu’en 2023 et 33 % de moins qu’avant la crise sanitaire.
Le mois de décembre a toutefois enregistré une embellie avec 25 000 mises en chantier, en progression de 16,6 % par rapport à novembre. Sur le dernier trimestre de l’année, la hausse atteint 5,2 % par rapport aux trois mois précédents.
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Les logements individuels sont particulièrement affectés, avec seulement 95 500 mises en chantier en 2024, soit une baisse drastique de 24,1 %. Les logements individuels purs ont chuté de 32,8 %, alors que les logements individuels groupés ont légèrement progressé : + 1,4 %.
Du côté des logements collectifs et en résidence, 167 600 unités ont été mises en chantier, soit un recul de 1,5 % par rapport à 2023. La baisse est plus marquée pour les logements collectifs ordinaires : - 2 %, tandis que les logements en résidence sont restés quasiment stables : + 0,7 %.
Les causes d’une crise prolongée de l’immobilier neuf
Depuis plus de deux ans, la construction neuve subit une crise sans précédent, résultant de plusieurs facteurs conjugués. D’abord, l’augmentation des coûts de construction. La guerre en Ukraine a provoqué une flambée des prix des matériaux, rendant les opérations de construction plus coûteuses. Dans le même temps, l’application de nouvelles normes environnementales a alourdi les charges pesant sur les promoteurs et les constructeurs.
Autre raison : un accès au crédit plus difficile. La remontée brutale des taux d’intérêt a pesé lourdement sur la capacité d’emprunt des ménages. Les banques, plus prudentes, ont restreint leurs critères d’octroi de crédit, ce qui a ainsi réduit le nombre de transactions immobilières.
Enfin, le secteur a été confronté à une fin progressive des dispositifs de soutien. Plusieurs mesures de soutien à l’investissement locatif, à l’image du Pinel et à l’accession à la propriété ont été progressivement réduites ou supprimées. De quoi limiter l’attrait du marché du neuf pour les acquéreurs et les investisseurs.
Un rebond trompeur en fin d’année ou une réelle reprise ?
Si les derniers mois de 2024 ont montré des signes d’amélioration, avec une augmentation des permis de construire et des mises en chantier en fin d’année, ce rebond reste fragile. Il intervient après une chute prolongée et ne permet pas de compenser le retard accumulé depuis 2022.
Le marché du logement neuf reste largement en deçà de ses niveaux d’avant-crise. La relance du secteur dépendra en grande partie des décisions politiques et économiques à venir, notamment en matière de financement et de régulation du marché immobilier.
Dans le cadre du budget 2025 toujours pas voté, les professionnels du secteur espèrent toujours des mesures de soutien, notamment un assouplissement et une simplification des normes mais aussi un retour du PTZ sur tout le territoire et à tous les types de biens pour encourager la construction. Mais est-ce que cela sera suffisant alors que plus les semaines et les mois passent, plus cela met en péril l’ensemble de la filière tout en rendant plus difficile l’accès au logement pour de nombreux ménages.