Bâtiment : une troisième année de crise, même si la maison neuve retrouve des couleurs
Le bâtiment devrait vivre sa troisième année de récession en 2025. Si le logement neuf, porté par la maison individuelle, esquisse un frémissement, la FFB a alerté le nouveau Premier ministre, dans sa dernière conférence de presse, sur l’urgence d’une relance globale, condition indispensable à la croissance économique française.
La rentrée 2025 du secteur du bâtiment n’aura pas apporté de bonnes surprises. Réunie le 10 septembre à Paris, la Fédération française du bâtiment, FFB, a dressé un nouveau bilan alarmant de la conjoncture. Olivier Salleron, son président, a profité de l’occasion pour adresser un message direct au nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu : la relance du secteur doit être une priorité absolue pour l’exécutif. « Pas de croissance économique sans le bâtiment », a-t-il martelé, rappelant que la France ne pourra pas renouer avec la prospérité sans redresser ce pilier de l’économie nationale.
Une troisième année de récession pour le BTP
Après un recul déjà marqué en 2023 et 2024, l’année 2025 s’annonce comme la troisième consécutive de crise. Selon les estimations de la FFB, l’activité du bâtiment devrait encore plonger de 3,4 % en volume, portant la chute cumulée à près de 10 % depuis fin 2022.
Pourtant, les conditions semblaient réunies pour un rebond : amélioration du crédit immobilier entre mi-2024 et mi-2025, plan de rachat de stocks des promoteurs par Action Logement et CDC Habitat, élargissement du prêt à taux zéro et maintien du budget MaPrimeRénov’ à 2,3 milliards d’euros. Ces soutiens n’auront pas suffi à inverser la tendance.
Logement neuf : un frémissement, mais pas de sortie de crise
Le logement neuf constitue la principale zone d’espoir. Après l’effondrement des nouvelles opérations en 2024, les mises en chantier progressent de 9,3 % et les permis de construire de 16,2 % sur les sept premiers mois de 2025. Ces signaux positifs pourraient porter le nombre total de logements commencés à environ 300 000 en fin d’année, soit 20 000 de plus qu’en 2024. Un chiffre qui reste néanmoins l’un des plus bas depuis les années 1990.
La dynamique est portée par la maison individuelle en diffus, dopée par le PTZ, dont les ventes bondissent de 39,1 %. A l’inverse, le logement collectif reste en grande difficulté. Les ventes des promoteurs reculent de 12,5 % au premier semestre, tandis que l’investissement locatif s’effondre de moitié. La fin du dispositif Pinel, sans réel successeur, pèse lourdement sur le marché.
« Il convient donc de rester prudent sur une véritable sortie de crise du logement neuf, d’autant que le marché du crédit immobilier pourrait à nouveau se durcir et l’environnement institutionnel se tendre », a averti la FFB.
Non résidentiel et rénovation : des signaux inquiétants
Le non résidentiel neuf ne montre aucun signe de reprise. Les surfaces commencées reculent encore de 1,6 % sur les sept premiers mois de l’année. Les bureaux s’effondrent de 6,2 %, tout comme les bâtiments administratifs : - 12,6 %, seule la catégorie des commerces progressant légèrement de 8 %.
La véritable mauvaise nouvelle vient du marché de l’amélioration-entretien, qui représente plus de la moitié de l’activité du bâtiment. Après avoir espéré une croissance modeste, la FFB anticipe désormais un repli de 0,8 % en 2025, tiré vers le bas par la rénovation énergétique du logement : -1,4 %, après le chaos des derniers mois autour de MaPrimeRenov’. « En l’état, les engagements de la France lors des Accords de Paris se trouvent totalement hors d’atteinte », a mis en garde Olivier Salleron. Découvrir également - Immobilier ancien vs. neuf : le match
Emploi et entreprises du bâtiment sous pression
Cette crise continue d’éroder l’emploi : près de 30 000 postes ont disparu au premier semestre 2025, dont 22 000 salariés. Sur la période 2022-2025, la perte globale atteindrait environ 5 %, selon la FFB. Dans le même temps, les défaillances d’entreprises restent à un niveau élevé, malgré un léger repli cette année.
Autre signe préoccupant : les prix du bâtiment commencent à baisser alors que les coûts de production, notamment salariaux, continuent de grimper. Résultat : le taux de marge opérationnelle des entreprises de construction recule encore, accentuant la fragilité des acteurs.
Des besoins massifs de logements neufs et une relance urgente
Pour la FFB, la sortie de crise passera par trois chantiers prioritaires :
• la relance du locatif privé, neuf comme ancien, via la mise en place du statut du bailleur privé ;
• la refonte des aides à la rénovation énergétique, afin de stabiliser et redonner confiance aux ménages ;
• la remise à plat de la filière REP PMCB (responsabilité élargie des producteurs de matériaux de construction), jugée « cassée ».
L’urgence est d’autant plus grande que les besoins en logement restent immenses : 452 000 par an sur la période 2026-2030, selon les propres travaux du ministère de la Transition écologique, évoqués par la Fédération.
« Nous attendons beaucoup du nouveau Premier ministre. Car, faute d’action rapide, le bâtiment devra adapter sa voilure. Et n’oublions pas : il n’y aura pas de redynamisation de la croissance en France sans reprise du bâtiment », a conclu Olivier Salleron.