Sécheresses à répétition, nappes phréatiques sous tension, épisodes pluvieux de plus en plus violents : l'eau serait-elle devenue l'un des challenges majeurs de l'aménagement urbain ? Face à cette urgence, promoteurs et collectivités multiplient les initiatives pour concilier croissance urbaine, adaptation climatique et préservation de la ressource. Tour d'horizon de solutions qui dessinent une nouvelle manière de fabriquer la ville, tout en préservant l'eau.

 

Bouygues Immobilier : une stratégie « Eau » structurée et partenariale

 

Conscient de la vulnérabilité des villes face aux inondations et au stress hydrique, Bouygues Immobilier a récemment présenté sa nouvelle stratégie « Eau », une démarche globale pour renforcer à la fois la sobriété des usages et l'intégration de la nature dans les projets.
Depuis plus de trente ans, le promoteur expérimente la Gestion Durable et Intégrée des Eaux Pluviales, GDIEP.

Loin du modèle du « tout-tuyau », cette approche vise à retenir et infiltrer l'eau directement à la parcelle, grâce à des solutions paysagères telles que noues végétalisées, enrobés poreux ou jardins de pluie. Objectif : tendre vers le zéro rejet aux réseaux urbains, même lors de pluies centennales.
Cette expertise s'incarne dans des opérations phares, comme « Kipolis » à Tours, qui transforme une friche industrielle en quartier mixte avec toitures végétalisées, massifs drainants et une végétalisation accrue, de 33 à 44 % de la surface. « Kipolis » est un exemple poussé de la volonté de faire de l'eau un élément fonctionnel, mais aussi un vecteur de bien-être, en lien avec la démarche « Jardin Signature » du promoteur.
Pour accélérer sur ce dossier de la préservation de l'eau, Bouygues Immobilier a signé deux partenariats stratégiques : avec INFRA Service, pour diffuser les meilleures pratiques en interne, et avec CERQUAL, afin d'intégrer le futur profil GIEP au sein de la certification NF Habitat dès 2026.

 

Repenser l'usage domestique : le recyclage des eaux grises

 

Au-delà des eaux pluviales, Bouygues Immobilier s'attaque désormais à la réduction des consommations domestiques. Avec SAUR et sa filiale Odalie, le promoteur expérimente la solution Aquapod, qui filtre et réutilise les eaux grises issues des douches ou lavabos pour l'arrosage, les toilettes ou le nettoyage. Une innovation testée dans le programme neuf « Les Maritimes » à Vannes. Objectif : jusqu'à 45 % d'économie d'eau potable pour les habitants, tout en réduisant les coûts d'exploitation de la copropriété.
« Il est crucial de repenser nos infrastructures urbaines en intégrant davantage de solutions fondées sur la nature. L'eau est un défi urbain, mais aussi une formidable opportunité pour réinventer la ville et l'adapter durablement aux effets du dérèglement climatique ! », souligne Olivia Conil Lacoste, Directrice RSE de Bouygues Immobilier. Découvrir également - Bouygues Immobilier métamorphose le quartier Square du Morbihan à Vannes

Dans la même logique, d'autres promoteurs expérimentent des dispositifs innovants pour réduire la pression sur la ressource. A Marseille, l'îlot démonstrateur Smartseille Odyssée d'Eiffage Immobilier accueillera 280 logements dotés d'un système de récupération et de traitement des eaux grises. Grâce à un double réseau d'adduction, l'eau traitée alimentera à la fois les réservoirs des WC et l'arrosage de 2 000 m² d'espaces verts. Ambition : une économie annuelle estimée à 4 200 m³ d'eau tout en réduisant l'empreinte carbone liée à la distribution. 

La problématique de la gestion des eaux grises n'est pas l'apanage que des majors de la promotion immobilière. A Montpellier, le promoteur Roxim mise sur l'économie circulaire dans ses tours végétalisées Évanesens, au coeur du quartier Port Marianne. Les 2 km de jardinières seront irrigués grâce aux eaux grises issues des lavabos et douches, traitées puis réutilisées. Chaque bac sera équipé d'une sonde capable de détecter d'éventuels signes de faiblesse des plantations, garantissant un arrosage optimisé et durable.

 

Nexity et Urban Water : rendre la ville « spongieuse »

 

De son côté, Nexity a travaillé avec l'agence Urban Water et des étudiants de Sciences Po sur le projet « Au fil de l'eau », qui repense la gestion urbaine autour du principe de ville « spongieuse ».
« Grâce au recours aux architectes, aux paysagistes, aux agronomes ou aux écologues, la gestion des eaux de pluie quitte de plus en plus le domaine de l'assainissement et de l'évacuation par tuyaux pour se tourner vers des solutions fondées sur la nature, favorisant l'infiltration dans les sols », précise Christian Piel, fondateur d'Urban Water.
Toitures végétalisées, sols poreux ou circulations d'eau à ciel ouvert deviennent ainsi des infrastructures stratégiques pour limiter les inondations, recharger les nappes phréatiques et lutter contre les sécheresses estivales.
Nexity ambitionne aussi d'accompagner les petites et moyennes communes, souvent démunies face aux contraintes techniques et réglementaires, pour intégrer ces nouvelles pratiques dans leurs projets urbains. Exemple à Seyssinet-Pariset, près de Grenoble, où la mairie a sanctuarisé des zones en bordure de rivière, multiplié les jardins de pluie et installé des réservoirs d'eau recyclée dans les bâtiments publics.
A Chamalières dans le Puy-de-Dôme, l'opération citoyenne « Cham'eau » subventionne les récupérateurs d'eau de pluie pour les particuliers, réduisant la pression sur le réseau tout en impliquant directement les habitants.
D'autres grandes villes comme Toulouse expérimentent des tarifications progressives ou saisonnières de l'eau, pour inciter à la sobriété, tandis que des capteurs intelligents traquent les fuites sur les réseaux vieillissants.

 

L'eau, véritable or blanc, un bien commun à réinventer

 

En dix ans, la France a perdu 14 % de sa disponibilité en eau douce et les projections évoquent une baisse de 40 % d'ici 2050. Dans ce contexte, l'intégration de l'eau comme ressource structurante de l'urbanisme n'est plus une option, mais une nécessité.
D'où ce travail partenarial entre promoteurs, collectivités et même habitants qui expérimentent des solutions complémentaires, entre récupération, infiltration, réutilisation et tarification plus juste. Le tout avec un nouvel impératif : faire de l'eau non plus une contrainte, mais un moteur de résilience et de qualité de vie.