Arnaud Bastide, FPI Provence : « On ne peut pas revivre 2020-2026. Il faut régénérer du foncier, délivrer des permis, relancer la machine »
En marge du 53e Congrès de la FPI, Fédération des Promoteurs Immobiliers, qui s'est tenu cette année à Marseille, Arnaud Bastide, président de la FPI Provence, revient sur la situation alarmante de la promotion immobilière dans la région mais plus largement dans tout l'hexagone. Il réclame une mobilisation à tous les niveaux pour éviter l’effondrement du secteur.

En marge du 53e Congrès de la FPI, Fédération des Promoteurs Immobiliers, qui s'est tenu cette année à Marseille, Arnaud Bastide, président de la FPI Provence, revient sur la situation alarmante de la promotion immobilière dans la région mais plus largement dans tout l'hexagone. Il réclame une mobilisation à tous les niveaux pour éviter l’effondrement du secteur.
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- Comment se porte aujourd'hui le logement neuf à Marseille, dans la région, et plus largement en France ?
« La situation est très préoccupante. On a bien noté les quelques annonces de l'État - comme l'élargissement du PTZ ou la défiscalisation des dons ascendant-descendant - mais il faut être clair : ce n'est pas à la hauteur des enjeux. Ce n'est pas rien, mais c'est largement insuffisant face à une fiscalité du logement devenue totalement confiscatoire. Le logement est aujourd'hui l'investissement le plus fiscalisé de tous, et ça le rend moins rentable. »
- Vous estimez donc que la dynamique n'est pas relancée ?
« Non, pas du tout. Rien ne repart pour deux raisons : un, ce n'est pas rentable, et deux, le climat général est anxiogène. Les ménages n'ont pas le moral, et dans ce contexte, ils n'achètent pas. Il faudrait une double vision, nationale et locale, pour relancer vraiment la machine. »
- Justement, que faudrait-il faire concrètement ?
« Au niveau local, il faut régénérer du foncier et délivrer des permis. C'est la base. Les chiffres sont clairs : entre 2014 et 2020, on délivrait 19 000 permis de construire par mois en France ; depuis 2020, on est tombés à peine à 15 000. À Marseille et dans la métropole, les objectifs affichés dans le PLH (Programme Local de l'Habitat) ne sont pas atteints. Il faut une vraie volonté politique. Et du côté de l'État, il faut une réforme profonde de la fiscalité. Aujourd'hui, le président de la République a tué le logement. On ne peut pas imposer autant sans rien rendre. L'investisseur locatif n'est pas un mécène, il attend une rentabilité. Et s'il ne l'obtient pas, il va ailleurs, vers Airbnb par exemple. Début 2025 avec l'arrêt du dispositif Pinel, on nous a retiré 50 000 clients du jour au lendemain. Quelle activité pourrait absorber un tel choc ? »
- Du côté des élus locaux, vous sentez un soutien ?
« Dans les discours, oui. Il y a une volonté affichée, notamment à Marseille et à la métropole, avec des objectifs posés. Mais les actes ne suivent pas. On est dans une année préélectorale et, vu la gravité de la situation, on ne peut pas se permettre une année blanche. Il faut que des projets sortent, que les permis soient délivrés. »
- Certains élus rétorquent qu'il n'y a pas assez de promoteurs qui déposent des projets...
« Alors déjà, signons les permis qu'on dépose ! Ensuite, oui, on dépose peu car on n'a plus de clients. Nos amis bailleurs, qui nous ont bien aidés pendant deux ans, commencent à se retirer faute de fonds propres. Donc les promoteurs ne déposent pas des permis "pour se faire plaisir". Il faut que les deux roues de l'engrenage - État et collectivités - tournent ensemble. »
- Y a-t-il tout de même des projets majeurs qui avancent à Marseille ?
- L'acceptation locale, justement, est-elle un frein majeur ?
« C'est même un sujet de fond. Il y a une forme de dichotomie : des gens qui veulent loger leurs enfants, mais refusent toute construction à proximité. Il faut rappeler que le logement, c'est avant tout une réponse à un besoin humain. Quand 19 % des étudiants ne peuvent pas faire leurs études faute de logement, ou que 20 % des jeunes couples ne peuvent pas se mettre en ménage ou renoncent à fonder une famille, ce n'est plus un sujet économique, c'est un sujet de société. »
- Qu'en est-il des recours juridiques contre les permis de construire dont Marseille était devenue malheureusement la vitrine ?
« La situation reste compliquée. On a écarté un professionnel du recours très actif, mais toutes les opérations ou presque sont attaquées. Et la lenteur de la justice est un vrai problème : même quand on a gain de cause, on a perdu la promesse de vente, car les délais de validité sont dépassés. Or, une fois la promesse caduque, tout est à recommencer. Le système encourage, par sa lenteur, les recours abusifs. »
- Et les prix ? À Marseille, ils ont encore augmenté de 12 % en un an. Pourquoi ?
« C'est un effet mécanique. Le logement neuf est soumis à trois composantes : le coût du foncier, le coût technique et le marché. Le foncier est cher, on travaille en diffus et les coûts techniques ont explosé avec l'inflation. Le marché ne suit plus : les prix sont trop élevés par rapport à la solvabilité des acheteurs. Résultat : on vend mal ou pas du tout.
Il y a bien une tendance haussière, mais il faut relativiser. Quand on produit peu, une seule opération haut de gamme peut fausser les statistiques. Cela dit, oui, le neuf est cher et il ne peut pas baisser tant que les coûts ne baissent pas. La seule manière de baisser les prix, c'est la massification de la production - pour amortir les coûts - et la création de ZAC - pour baisser le prix du foncier car nous ne pouvons pas rogner sur nos marges à l'infini. »
- Aujourd'hui, quelles zones pourraient permettre cette production à Marseille ?
« En dehors d'Euromed, nous espérons que la ZAC de Vallon Régny va redémarrer. Mais au-delà, il faut d'autres projets. Marseille ne peut pas fonctionner avec une seule ZAC. Il faut accompagner, encourager, planifier. Et ce n'est pas qu'à Marseille. Aix-en-Provence, par exemple, doit aussi montrer l'exemple. Pour l'instant, ce n'est pas le cas. »
- Qu'attendre de l'avenir pour conclure ?
« Le discours des élus est désormais plus ouvert, ce qui est encourageant. Mais les actes ne suivent pas encore. L'année électorale qui vient ne peut pas être une année blanche. Espérons qu'une fois les élections passées, on entre enfin dans une vraie dynamique de relance. Mais ce qu'on vient de traverser, entre 2020 et 2026, on ne peut pas le revivre. Cette période nous a mis à genoux : on a dû licencier, on a vu nos marges se dégrader de façon extrêmement significative. Et aujourd'hui, on se retrouve avec moins de collaborateurs, sans générer de bénéfices. C'est un non-sens économique. Nous avons tenu bon, nous avons fait le dos rond, mais maintenant, il faut tourner la page. Il est impératif que la période 2026-2032 s'inscrive dans une autre logique : celle de la reconstruction, de la croissance et d'un modèle soutenable à long terme. »