Le BTP tricolore entre résilience et crise dans le logement neuf
La crise frappe le BTP, avec le logement neuf en première ligne. Malgré des signaux de résilience, la chute des ventes et les défaillances record d'entreprises révèlent que le bâtiment est un secteur en pleine mutation. Analyse par Crédit Agricole Eco.
La crise frappe le BTP, avec le logement neuf en première ligne. Malgré des signaux de résilience, la chute des ventes et les défaillances record d'entreprises révèlent que le bâtiment est un secteur en pleine mutation. Analyse par Crédit Agricole Eco.
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L'année 2023 a marqué un tournant pour le secteur du bâtiment et des travaux publics en France, selon la dernière analyse portée par la branche économique de Crédit Agricole. Après un rebond post-Covid relativement solide, la conjoncture économique a rapidement montré des signes de faiblesse, pesant lourdement sur la demande dans le secteur du BTP. Bien que le secteur ait entamé un retournement de cycle, il continue de faire preuve d'une certaine résilience, malgré des perspectives contrastées pour 2024.
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Une conjoncture économique défavorable au BTP
Selon l'analyse de Crédit Agricole, la croissance économique en France a connu une décélération significative après le rebond post-pandémique. Le produit intérieur brut, PIB, qui avait augmenté de 7 % en 2021, a ralenti à 2,5 % en 2022, puis à 1,1 % en 2023. Cette stagnation économique a été exacerbée par une inflation persistante, bien que celle-ci ait commencé à ralentir en 2024. L'inflation, qui avait atteint des sommets en raison de la hausse des prix de l'énergie et des tensions géopolitiques, devrait se stabiliser autour de 2,3 % en 2024, avant de redescendre à 1,5 % en 2025. Malgré ce ralentissement, les coûts de construction restent élevés, notamment en raison de l'impact des nouvelles normes environnementales : RE 2020 et de la hausse des taux d'intérêt.
En parallèle, les taux d'intérêt ont considérablement augmenté en réponse aux mesures de la Banque centrale européenne, BCE pour contenir l'inflation. Le taux des obligations assimilables du Trésor, OAT, à dix ans, qui sert de référence pour les crédits immobiliers, est passé de - 0,06 % en 2021 à près de 3,30 % en 2024. Cette hausse a désolvabilisé une partie des ménages, ce qui a réduit leur capacité à investir dans l'immobilier neuf.
La chute de la demande pour le logement neuf
La conséquence la plus marquante de cette conjoncture défavorable est la chute des ventes de logements neufs, un segment déjà fragilisé avant la crise. Les ventes de maisons individuelles, qui représentaient environ 125 000 unités par an entre 2009 et 2022, ont chuté de manière spectaculaire à environ 48 000 unités en 2024, soit une baisse de 62 % par rapport à 2019. Plusieurs facteurs expliquent cette dégringolade : l'augmentation des coûts de construction, les taux d'intérêt élevés et l'exclusion des maisons individuelles du dispositif du Prêt à Taux Zéro, PTZ. Lire également - Maisons individuelles : mises en chantier divisées par 3 en 20 ans
La situation n'est guère plus favorable pour les appartements neufs, rapporte Crédit Agricole. Les ventes ont diminué de 37 % en 2023 par rapport à 2019, en dépit de la reconcentration du PTZ sur le logement collectif et des efforts pour encourager les ventes en bloc aux investisseurs institutionnels. Le non-renouvellement du dispositif Pinel, prévu pour fin 2024, qui était une aide majeure à l'investissement locatif aux particuliers, risque d'aggraver encore la situation pour les promoteurs immobiliers. Découvrir aussi - Puis louer avec un PTZ ?
Rénovation, construction... une situation contrastée selon les segments
Toutefois, la situation n'est pas uniforme dans l'ensemble du secteur. Alors que le segment du logement neuf subit de plein fouet les conséquences de la crise, d'autres montrent une relative résilience. Les travaux d'entretien-rénovation de bâtiments et les travaux publics, par exemple, devraient connaître une légère hausse d'activité de 1 % en 2024. La simplification d'accès à MaPrimeRenov' depuis le début de l'année devrait même permettre une accélération de cette activité. Ce dynamisme s'explique en partie par la capacité des entreprises de second oeuvre à se repositionner sur ces segments moins affectés par la conjoncture économique.
En revanche, les entreprises de gros oeuvre, particulièrement exposées à la chute de la construction de bâtiments neufs, souffrent davantage. La construction de bâtiments non-résidentiels devrait reculer de 7,3 % en 2024, tandis que le logement neuf pourrait, lui, connaître une baisse d'activité de 15 %. Cette divergence souligne les dynamiques contrastées au sein du secteur du BTP.
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Des entreprises en difficulté, mais un secteur qui se réinvente
La conjoncture économique difficile a également eu des répercussions sur la santé des entreprises du secteur. Comme l'explique Quang-Khoi Nguyen, Ingénieur-Conseil à l'origine de cette enquête : « Les carnets de commandes des entreprises de BTP diminuent, mais restent encore à un bon niveau, ce qui leur permet de préserver globalement leur rentabilité jusqu'à présent. Toutefois, avec la dégradation de la conjoncture économique, les défaillances d'entreprises de BTP ont augmenté de 40,2 % en 2023 et 33 % au premier semestre 2024 et dépassent de 30,1 % le niveau de 2019 d'avant-crise. Cependant, dans le même temps, le nombre d'entreprises créées dépasse celui des défaillances et le nombre total d'entreprises de BTP augmente ».
Le secteur affiche également une baisse de l'emploi salarié. Entre le quatrième trimestre 2022 et le premier trimestre 2024, 21 800 postes ont été supprimés, soit une diminution de 1,4 %. Cependant, avec 1,575 million de salariés au premier trimestre 2024, l'effectif reste 6,4 % au-dessus de son niveau d'avant-Covid à la fin de 2019. Cette résilience relative est soutenue par des carnets de commandes qui, bien que diminuant, restent à un niveau encore satisfaisant. Cela permet aux entreprises de préserver leur rentabilité dans l'immédiat, même si l'incertitude plane sur l'avenir.
Perspectives pour 2024 : une crise modérée mais persistante
La baisse d'activité en volume, initiée en 2023 avec une contraction de 2,7 %, devrait se poursuivre en 2024 avec une nouvelle baisse de 2,8 %. Ce retournement de cycle, bien que globalement modéré pour le BTP dans son ensemble, est particulièrement marqué dans le segment du logement neuf. Les prévisions indiquent que cette situation difficile pourrait perdurer, avec une reprise des investissements retardée jusqu'à 2025, à la faveur d'une baisse plus prononcée des taux d'intérêt.
En conclusion, le secteur du BTP en France se trouve à la croisée des chemins. Entre résilience et crise, il doit faire face à des défis majeurs, particulièrement dans le segment du logement neuf. Les entreprises doivent s'adapter à une conjoncture économique incertaine, avec des perspectives de reprise qui restent fragiles. Le maintien d'une certaine dynamique dans les segments de la rénovation et des travaux publics pourrait permettre de limiter les dégâts, mais le secteur reste sous tension, en attente de signaux plus positifs sur le front économique et politique.