Tandis que la crise du logement en France prend des allures de fracture sociale, l'Institut Montaigne alerte : les classes moyennes s'éloignent inexorablement de la propriété. Entre une production de logements neufs en chute libre, des prix d'achat devenus inaccessibles et une augmentation du mal-logement, les classes moyennes se sentent piégées dans une spirale d'impuissance. L'Institut Montaigne, dans son dernier rapport intitulé «
Classes moyennes : les nouvelles clés d'accès à la propriété », sonne l'alarme et appelle à un changement profond des politiques publiques.
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L'accession à la propriété, un horizon qui s'éloigne
L'attachement des Français à la pierre reste intact. Selon l'étude, 73 % estiment qu'il est impératif d'être propriétaire avant la retraite et 70 % voient dans cet achat immobilier une étape essentielle de leur parcours de vie. Pourtant, la réalité du marché contredit ces aspirations.
En vingt ans, les prix de l'immobilier ont bondi de 88 % (hors inflation). Il faut désormais quinze années de revenus pour acheter 100 m², contre dix ans en 2000. Le taux d'effort des classes moyennes dépasse les 26 %, bien au-dessus de la moyenne européenne. Résultat : l'âge du premier achat est passé à 33 ans, les emprunts s'allongent jusqu'à 25 voire 29 ans, et l'accession devient de plus en plus conditionnée à un patrimoine préalable.
Cette difficulté d'accès à la propriété revêt une dimension symbolique : elle nourrit le sentiment de déclassement des classes moyennes et leur conviction d'être exclues des priorités politiques. « Parce que les trois quarts des Français pensent désormais que l'accès à la propriété est réservé à une élite, l'Institut Montaigne a voulu identifier les leviers d'action mobilisables dans le contexte budgétaire que nous connaissons », souligne Marie-Pierre de Bailliencourt, directrice générale de l'Institut Montaigne.
Des politiques publiques coûteuses mais inefficaces
La France dépense chaque année près de 40 milliards d'euros pour sa politique du logement, soit deux fois plus que la moyenne européenne. Mais ces moyens colossaux peinent à produire des résultats. Les aides spécifiques à l'accession représentent à peine 1,1 milliard d'euros et n'ont pas permis de relancer un véritable mouvement vers la propriété. La part des propriétaires continue de décroitre sous les 58 %.
Cette inefficacité découle d'un manque de priorisation des objectifs. Entre lutte contre le mal-logement, soutien au locatif social et encouragement à l'accession, la politique publique se disperse. « Ces dernières décennies, la confusion entre des objectifs de politique du logement mal priorisés et le manque de concertation stratégique entre les acteurs du secteur ont mis un terme à une dynamique bicentenaire d'accès à la propriété pour les classes moyennes », résume l'Institut.
Dix propositions choc pour réinventer l'accession
Le rapport avance dix recommandations structurées autour de deux axes : renforcer l'offre de logements et promouvoir des formes alternatives de propriété.
Axe 1 : une stratégie foncière publique plus volontariste
Il s'agit de mobiliser davantage les établissements publics fonciers, de renforcer l'attractivité des baux emphytéotiques, de pérenniser le Fonds friches ou encore d'inciter les propriétaires à remettre leurs biens vacants sur le marché. La
transformation des bureaux et locaux vacants en logements est également mise en avant.
Axe 2 : changer le regard sur la propriété
Le rapport invite à développer des dispositifs hybrides :
démembrement de propriété,
bail réel solidaire, viager ou encore prêts viagers hypothécaires intergénérationnels. L'objectif : proposer aux classes moyennes des solutions moins coûteuses, plus flexibles et adaptées à des parcours résidentiels variés.
Nicolas Namias, président du directoire de BPCE, insiste sur l'enjeu financier : «
Cette publication promet des solutions concrètes au coeur du quotidien de banquier, comme les prêts à taux zéro, les prêts évolutifs ou les prêts hybrides [...] ou encore le crédit immobilier à impact, qui permet à chacun de financer l'adaptation de son logement aux grandes transitions. »
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Un appel collectif des acteurs du secteur pour une politique du logement efficade
Le rapport, coprésidé par Emmanuel Desmaizières (
Bouygues Immobilier), Pierre-Jean Meyssan (Conseil supérieur du notariat) et Nicolas Namias (BPCE), s'appuie sur une mobilisation d'acteurs clés du secteur. Pour Emmanuel Desmaizières, «
remettre des logements à l'offre dans les zones tendues, capitaliser sur la régénération urbaine et inciter les institutionnels à investir dans la durée sont autant de réponses pour répondre pleinement aux besoins des classes moyennes ».
Du côté des notaires, Bertrand Savouré, président du Conseil supérieur du notariat, rappelle l'importance de leur expertise de terrain : « Accéder à la propriété est une demande, une sécurité, parfois un rêve qu'il faut rendre accessible. Ce rapport établit des constats et propose des solutions. Nous devons réfléchir et innover. »
Une urgence sociale et politique si la crise du logement persiste
Le constat dressé par l'Institut Montaigne est sévère : la France risque de basculer vers « une société à deux vitesses » en matière de logement. L'accès à la propriété, qui fut historiquement un moteur d'intégration sociale et de stabilité économique, tend à devenir l'apanage d'une minorité aisée et âgée.
Face à cette menace, le rapport propose une réorientation des priorités : améliorer le fonctionnement du marché plutôt que multiplier les aides, et surtout inventer de nouvelles formes de propriété adaptées aux contraintes actuelles.
En toile de fond, l'enjeu est éminemment politique. L'incapacité des classes moyennes à devenir propriétaires symbolise, au-delà du logement, une perte de confiance dans l'avenir et dans le pacte social républicain. À l'heure où les fractures s'accentuent, redonner « les clés » de la propriété pourrait bien être une condition de stabilité. Malheureusement, pas sûr que l'instabilité politique et budgétaire de cette rentrée serve la cause du logement.