Un projet de loi sur le logement abordable qui peine à convaincre
Le gouvernement a dévoilé son projet de loi tant attendu pour répondre à une crise du logement qui atteint des proportions historiques. Pourtant, les mesures prévues ont suscité des réactions mitigées, voire hostiles, notamment de la part des défenseurs du logement social.
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Si l'idée de base de ce projet de loi pour « développer l'offre de logements abordables » est de « construire plus, plus vite, tous les types de logements : sociaux, intermédiaires et libres, sans les opposer », il est difficile de croire que la quinzaine d'articles de projet de loi sera la solution qui va créer le « choc de l'offre », énoncé par Emmanuel Macron en 2017, repris dans son discours de politique générale par Gabriel Attal.
En effet, si le ministre délégué en charge du Logement, Guillaume Kasbarian, ne veut pas instaurer de nouvelles contraintes avec ce projet de loi mais donner de « nouveaux outils aux maires », « renforcer la mobilité sociale », « développer les moyens des bailleurs sociaux »..., pas sûr que cela répond complètement aux attentes des acteurs du logement au sens large et donc à la réalité à laquelle les Français sont confrontés pour se loger.
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Un projet de loi pour développer l'offre de logements abordables
Dans le détail, pour stimuler la production de logements abordables, ce texte repose sur une conviction forte : la confiance accordée aux maires, grâce à des outils novateurs, est essentielle pour relancer de manière durable la construction de logements.
Premier objectif : offrir de nouveaux outils aux élus
L'article 1 vise à inclure dans les objectifs de production de la loi SRU la construction de logements intermédiaires afin de favoriser la mixité sociale, tandis que l'article 2 permet aux maires de décider de l'attribution des logements sociaux neufs. De plus, l'article 3 introduit un nouvel outil de préemption pour réguler les prix des terrains, contribuant ainsi à répondre à la demande croissante de logements abordables.
Deuxième objectif : simplifier les procédures administratives
Pour accélérer la construction, le projet de loi propose, dans un second temps, des mesures visant à simplifier les procédures administratives. L'article 4 veut par exemple réduire de 4 mois les délais de recours contre les permis de construire, permettant ainsi de construire plus rapidement et de diminuer le coût des projets. L'article 5 envisage de donner aux élus la maîtrise de la densification pavillonnaire douce, encourageant ainsi la construction. Les règles de majorité dans les lotissements pourraient aussi être assouplies. L'article 6 a, lui, l'ambition de simplifier les démarches d'aménagement global du territoire en permettant de déposer une seule autorisation pour plusieurs projets, grâce au permis d'aménager multi-sites, ce qui permettrait de gagner plusieurs mois en concentrant le nombre de procédures.
Troisième objectif : libérer l'investissement dans le logement abordable
Pour augmenter la production de logements sociaux et intermédiaires, le projet de loi veut renforcer les capacités d'investissement des bailleurs et simplifier les règles applicables à ces derniers. L'article 7 vise ainsi à accroître la production de logements intermédiaires, tandis que l'article 8 veut renforcer le pilotage des loyers des logements sociaux en permettant des déplafonnements. En outre, l'article 9 encourage les bailleurs à trouver des solutions financières avantageuses pour la construction de logements en favorisant des montages publics-privés avec des promoteurs par exemple.
Quatrième objectif : faciliter l'accès au logement pour tous
Le gouvernement cherche aussi à répondre aux réalités économiques et sociales en favorisant l'accès à la propriété tout en encourageant la mobilité dans le logement social. L'article 10 veut accélérer l'accès au logement pour les travailleurs, tandis que l'article 11 vise à renforcer la mobilité résidentielle. Un article 11 qui cristallise les critiques puisqu'il pourrait permettre aux bailleurs d'expulser les ménages dont les revenus ou le patrimoine dépassent les seuils. De plus, l'article 12 prévoit le renforcement des compléments de loyers pour les locataires dont la situation s'améliore, et l'article 13 prévoit d'étendre le bail mobilité au parc social pour les personnes ayant besoin d'un logement pour une courte durée.
Ultime article, l'article 14 concerne la facilitation de la vente des logements sociaux. Actuellement complexe, ce processus nécessite une autorisation préfectorale après avis du maire, ce qui entrave souvent les transactions. L'article propose alors de confier au maire la responsabilité d'autoriser la vente directe aux locataires du logement social, éliminant ainsi les autorisations préfectorales et sécurisant la gestion des copropriétés. Cette mesure pourrait entraîner un doublement du rythme des ventes de logements sociaux, permettant ainsi d'investir davantage dans la production de nouveaux logements abordables.
Des critiques sévères de la part des acteurs du logement social
Dans un contexte où le logement, premier poste budgétaire des ménages, traverse une crise sans précédent, la construction neuve est en berne, avec un nombre de permis de construire accordés au plus bas depuis plus de trois décennies. Cette stagnation affecte l'ensemble du parcours résidentiel, rendant l'accession à la propriété toujours plus difficile et la recherche d'un logement locatif un véritable parcours du combattant. En bas de l'échelle sociale, la demande de logements sociaux atteint des niveaux records, avec 2,6 millions de ménages en attente, tandis que 4,2 millions de personnes vivent dans des conditions de logement précaires.
Cette crise est le résultat d'une conjoncture défavorable, caractérisée par des matériaux de construction plus coûteux et des taux d'intérêt en hausse, ainsi que de décisions politiques impactant les dépenses et renforçant les normes, ce qui a pour effet d'augmenter les coûts de construction. Malgré ce contexte, le projet de loi ne prévoit pas de mesures financières incitatives à la production de logements, le gouvernement se concentrant sur une approche d'austérité budgétaire. Cette orientation a suscité des critiques, notamment de la part des sénatrices : Dominique Estrosi-Sassone, Amel Gacquerre et Viviane Artigalas, qui déplorent le manque de prise en compte de la question fiscale.
Une première version du projet de loi qui a donc rencontré une opposition, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives au logement social. Le Conseil National de l'Habitat, regroupant de nombreux acteurs du secteur, s'est majoritairement prononcé contre le projet, bien que son avis n'ait qu'une valeur consultative. Les associations de locataires HLM ou encore la Fondation Abbé Pierre ont également vivement critiqué le texte dans un communiqué de presse commun, dénonçant une politique qui stigmatise les plus démunis. Elles craignent notamment un accroissement du clientélisme électoral et une préférence nationale dans l'attribution des logements sociaux. D'autant que le durcissement des règles pour les locataires dépassant les plafonds de ressources est vivement contesté, ces derniers risquant de voir leur loyer augmenter et d'être expulsés du parc social.
Face à ces réactions, le gouvernement se défend en soulignant la nécessité d'une approche pragmatique pour résoudre la crise du logement, tout en insistant sur l'importance de la justice sociale. Le texte sera soumis à l'examen du Sénat à partir du 17 juin ; mais il faudra attendre la rentrée parlementaire en septembre pour que le texte amendé soit examiné par l'Assemblée Nationale. Pas sûr que la situation du logement en France puisse attendre encore trois mois supplémentaires sans mesures concrètes.