Norbert Fanchon, Gambetta : « Attention à ne pas basculer d'une crise de l'immobilier à une crise de confiance généralisée »
En cette fin d’année 2025, alors que l’immobilier neuf traverse l’une des périodes les plus complexes de ces dernières décennies, la parole de Norbert Fanchon reste l’une des plus écoutées du secteur. A la tête du Groupe Gambetta, acteur de l’accession sociale à la propriété et membre du réseau Procivis, il revient sur la situation du marché, l’attitude des collectivités, l’absence de prise de conscience politique et les ressorts possibles d’une relance.
En cette fin d’année 2025, alors que l’immobilier neuf traverse l’une des périodes les plus complexes de ces dernières décennies, la parole de Norbert Fanchon reste l’une des plus écoutées du secteur. A la tête du Groupe Gambetta, acteur de l’accession sociale à la propriété et membre du réseau Procivis, il revient sur la situation du marché, l’attitude des collectivités, l’absence de prise de conscience politique et les ressorts possibles d’une relance.
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Norbert Fanchon : « En 2025, nous allons réaliser autant de réservations qu'en 2024, peut-être même un peu plus. Mais la réalité, c'est que cette stabilité n'est due qu'à la vente en bloc, qui représente désormais la moitié, voire davantage, de notre activité. Nous avons calibré l'année sur 600 réservations ; il est possible que nous atteignions 800. Le surplus proviendrait entièrement du bloc, avec environ 300 ventes au détail et 300 en bloc, le reste constituant une marge de manoeuvre liée au bloc.
« Le groupe Gambetta fera en 2025 autant de réservations qu'en 2024, mais grâce à la vente en bloc »
Ce qui m'inquiète, en revanche, c'est le ralentissement des ventes au détail. Depuis septembre-octobre, les ménages reportent leur décision. Les investisseurs sont quasi absents, et les acquéreurs occupants hésitent. Pourtant, avec un Taux Effectif Global, TEG autour de 2 % lorsqu'on optimise PTZ et Action Logement, acheter reste avantageux. Mais l'inquiétude domine : emploi, contexte international, incertitudes politiques... Le risque est réel de basculer dans une crise de confiance.
2026 s'annonce dans la continuité. Je ne crois pas à un retournement majeur. On devrait retrouver un volume similaire de ventes en bloc, notamment vers les bailleurs sociaux. La baisse de la RLS serait une bonne nouvelle, mais reste à savoir dans quelle proportion. Pour les ventes aux particuliers, si nous évitons la crise de confiance, nous resterons autour de 40 000 unités au niveau national. Quant au statut du bailleur privé, il faut s'attendre à tout et son contraire, donc je dimensionne l'entreprise et prépare les équipes comme s'il n'existait pas. L'environnement politique et économique est trop instable. Aujourd'hui, nous sommes au fond de la piscine. J'espérais que 2024 marquerait le point bas. Finalement, 2025 est encore plus difficile. »
- On a l'impression que la crise de l'immobilier neuf n'entraîne pas, chez les responsables publics, une véritable prise de conscience. Partagez-vous ce constat ?
« Oui, complètement. Et pas seulement de la part de l'État. Ce qui m'inquiète davantage, ce sont les élus locaux. A quatre mois des municipales, le logement n'apparaît toujours pas dans les programmes. On peut imaginer que cela arrivera en janvier, mais je doute que la construction neuve y figure réellement.
« Les élus locaux ne prennent pas la mesure de la crise : ils parlent logement, mais ne signent pas les permis »
On observe un double discours : certains élus affirment vouloir du logement, mais ne signent pas les permis. D'autres ne veulent ni logement ni construction, et là au moins, c'est clair. La vraie question sera : les élus ayant drastiquement réduit les permis ces dernières années seront-ils sanctionnés dans les urnes ? S'ils gagnent avec une majorité réduite, peut-être cela ouvrira-t-il la voie à une nouvelle approche du logement pour la prochaine mandature.
Le paradoxe est là : pour améliorer leur pouvoir d'achat, beaucoup ont éloigné leur logement de leur lieu de travail, avant de subir l'augmentation du coût du carburant. Et l'État leur avait promis un gazole toujours moins cher que l'essence. Une promesse non tenue, ce qui crée un sentiment de trahison. »
- Cette crise sociale autour du logement pourrait-elle finir par devenir un véritable sujet politique ?
« Je suis inquiet d'un sentiment de déclassement qui s'installe. Pour la première fois depuis très longtemps, le taux de propriétaires baisse en France, même si ce n'est que d'un point. Cela représente tout de même 250 000 ménages redevenus locataires. Et il n'y a pas assez de logements HLM pour les accueillir. Ce retour en arrière est vécu comme un choc.
« 250 000 Français ont perdu leur statut de propriétaire : c'est un déclassement inédit »
Face à cela, nous avons des ménages qui épargnent davantage, se montrent plus prudents, ce qui va renforcer la spirale de la décroissance par la peur. Le taux d'épargne est à 19 %, mais il est très mal réparti, essentiellement chez les plus âgés. Pourtant, réinjecter cette épargne dans l'immobilier neuf serait un formidable moteur économique, d'autant que le logement neuf est un secteur 100 % français : fait par des entreprises françaises, pour des ménages français. »
- Les mesures incitant les familles à mobiliser leur épargne - comme la donation - n'ont pas semblé produire d'effet. Comment l'expliquer ?
« C'est une vraie interrogation. Sur le papier, l'idée était bonne : faciliter une donation en amont pour constituer un apport. Mais cela n'a pas pris. Et l'exemple du logement intermédiaire via des SCI le montre : si c'est compliqué, les gens ne le font pas.
« La donation pour aider l'apport ? Une bonne idée, mais trop complexe pour fonctionner »
Quand le Pinel ou le Scellier existaient, c'était simple : ça marchait. Avec la donation, cela n'a pas imprimé. Peut-être que nous, professionnels, avons mal expliqué. Mais si l'on veut relancer la machine, il faut une mesure simple et lisible.
Le futur statut du bailleur privé risque d'avoir le même problème. Si c'est trop complexe ou si l'avantage fiscal via l'amortissement est insuffisant pour être rentable, cela ne servira à rien. Cela sera inopérant. Bercy pourra dire qu'on l'a fait pour nous « faire plaisir », mais cela ne relancera pas l'investissement. » Lire aussi - Le statut du bailleur privé jugé inefficace
- Quelles opérations du Groupe Gambetta symbolisent aujourd'hui votre savoir-faire et les dynamiques du marché ?
- du logement social,
- du logement intermédiaire (repris par un bailleur),
- du PSLA,
- et du haut de gamme, avec du libre autour de 5 000 € le m² dans une commune la plus recherchée de la métropole tourangelle.
C'est exactement le type de montage nécessaire aujourd'hui : diversifier les produits pour équilibrer une opération. L'accession sociale fonctionne très bien, l'accession libre avance plus lentement, comme partout ; mais nous devrions démarrer les travaux autour des municipales.
« Saint-Cyr-sur-Loire et Albi : deux opérations qui illustrent notre savoir-faire et la réalité du marché »
La deuxième, c'est l'opération qui, selon moi, n'aurait jamais dû fonctionner... et qui marche très bien : 45 logements neufs à Albi, uniquement en accession libre, sans vente en bloc et sans TVA réduite, car la ville n'en voulait pas. Et pourtant, nous avons 70 % de commercialisation, un rythme d'une vente par mois, ce qui est remarquable pour un marché comme Albi.
Pourquoi cela fonctionne ? Parce qu'il y avait une demande latente, beaucoup d'épargne locale, peu d'offre neuve récente. Les habitants ont acheté, parfois pour investir, parfois pour habiter. Est-ce reproductible chaque année ? Je ne sais pas. Mais cela montre qu'avec un bon produit, au bon endroit et au bon prix, le marché répond. »


















