Béatrice Lièvre-Théry, Sogeprom : « Le marché du logement neuf est très peu lisible »
Volatilité record, accédants actifs, mais investisseurs totalement absents : Béatrice Lièvre-Théry, Directrice Générale de Sogeprom, revient sur une année pleine de contrastes pour le logement neuf et détaille la stratégie de son groupe face à un marché devenu de plus en plus imprévisible.

Volatilité record, accédants actifs, mais investisseurs totalement absents : Béatrice Lièvre-Théry, Directrice Générale de Sogeprom, revient sur une année pleine de contrastes pour le logement neuf et détaille la stratégie de son groupe face à un marché devenu de plus en plus imprévisible.
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- Comment s'est passée l'activité commerciale du printemps pour Sogeprom ?
« Nous étions très satisfaits du début d'année, avec une hausse de 30 % des ventes par rapport à l'année précédente. Le premier trimestre 2024 avait été extrêmement bas, mais le démarrage de l'année nous a donné de l'élan. Malheureusement, le mois de mai a été particulièrement mou, un constat partagé par nombre d'acteurs du secteur, et la reprise en juin tarde à se concrétiser.
Le marché est aujourd'hui très peu lisible. Certains lancements se passent très bien, d'autres peinent à enregistrer une seule réservation... avant de s'accélérer sans explication quelques semaines plus tard. Nous avons même vendu soudainement un programme bloqué depuis plus d'un an, sans aucun changement de notre part. Il est difficile d'y trouver une logique rationnelle. »
- Comment réagissez-vous face à cette volatilité ?
« Nous avons multiplié les lancements commerciaux pour reconstituer notre offre, qui avait fortement diminué. L'année dernière, nous avions lancé moins d'une dizaine de programmes. Cette année, nous en sommes déjà à une quinzaine, et nous visons une trentaine au total. Mais même avec cette dynamique, il reste très compliqué d'identifier les « recettes » d'un lancement réussi, mis à part de dire : c'est un bon produit, au bon prix, qui trouve son public. Or, ce constat a ses limites. »
- Comment voyez-vous les prochains mois ?
« Je reste optimiste pour le segment des primo-accédants, qui fonctionne bien. Sauf en cas de remontée brutale des taux longs - qui sont le véritable driver des prix immobiliers - il n'y a pas de raison que cela s'arrête. Le PTZ est efficace et, chez Sogeprom, nous avons mis en place des dispositifs qui facilitent l'accession : peu ou pas d'apport, des mensualités proches d'un loyer. Aujourd'hui, 80 % de nos clients sont des accédants, même s'ils ne sont pas tous primo-accédants.
Le marché de l'ancien semble repartir, ce qui peut favoriser les secundo-accédants. En revanche, le segment des investisseurs est à l'arrêt. »
- Pourquoi le marché des investisseurs est-il aussi difficile ?
« C'est un sujet complexe. Le dispositif LLI ou locatif intermédiaire vient tout juste d'être lancé mais reste encore marginal, notamment à cause de son caractère technique. Le Pinel avait l'avantage d'être simple à comprendre. Aujourd'hui, l'investissement locatif classique devient moins rentable, car nos coûts techniques sont toujours élevés et les loyers, eux, sont très encadrés. Résultat : la rentabilité est moins compétitive que d'autres placements, et cela freine la demande qui a également besoin de confiance.
Pourtant, l'immobilier locatif reste un des rares actifs permettant de s'endetter pour se constituer un patrimoine. Il garde donc du sens, mais l'équilibre économique est plus difficile à atteindre. »
- Comment Sogeprom s'adapte-t-il à ce contexte ?
« Nous avons profondément repensé notre organisation commerciale. Jusque fin 2022, les choses étaient relativement simples : ce qu'on mettait en vente trouvait preneur. Ce n'est plus le cas. Nous avons donc monté une équipe capable de challenger chaque projet dès l'amont, pour mieux répondre aux attentes et aux moyens des clients.
- Sogeprom étant adossé à la Société Générale, la campagne de communication avec un taux d'intérêt à 2,99 % a-t-elle eu un effet d'entraînement pour votre propre activité ?
« Peut-être. Cela a certainement créé un effet de notoriété autour de la Société Générale. Mais dans les faits, tous nos clients ne se financent pas auprès d'elle. »
- Votre présence territoriale est importante. Y a-t-il des zones qui s'en sortent mieux que d'autres ?
« Oui, et pas toujours celles que l'on imagine. Nous enregistrons de très bons taux d'écoulement en Île-de-France. A Champigny-sur-Marne, sur l'opération Résidence 1906, nous avons récemment fait 10 réservations sur un seul week-end, ce qui ne nous était pas arrivé depuis longtemps.
Dans le Nord, à Lille, malgré un marché très compliqué, nous tirons notre épingle du jeu. En Normandie aussi, où nous sommes historiquement implantés.
A contrario, dans d'autres villes du sud, la situation est parfois difficile. Le retrait du Pinel y a un impact fort, car les accédants y recherchent souvent des maisons plus que des appartements. »
- Vous poursuivez donc votre développement territorial ? De possibles croissances externes ?
« Oui, nous allons bientôt nous implanter à Nantes dans le cadre d'un grand projet adossé à notre maison-mère bancaire. Nous avons également consolidé notre maillage existant. Toutes nos filiales sont désormais à 100 % Sogeprom, y compris Pragma et Projectim. Nous avons conservé quelques noms historiques pour leur ancrage local, mais l'identité Sogeprom est désormais unifiée.
Nous ne cherchons pas à faire de croissance externe en rachetant d'autres promoteurs, mais nous avons par exemple noué un partenariat avec Capelli, où nous apportons les fonds propres et notre force de frappe tout en restant minoritaires. »
- PTZ universel, LLI... Est-ce que ces récentes mesures sont suffisantes pour soutenir le logement neuf, selon vous ?
« Pas vraiment. Le problème est structurel : les investisseurs institutionnels ne reviennent pas sur le marché français car il est moins rentable que d'autres marchés européens. Le cadre juridique français penche fortement en faveur du locataire, les indexations sont limitées... et les bailleurs sociaux, qui pouvaient pallier ce manque, font face à leurs propres contraintes de financement.
Il faut rouvrir le débat sur le statut du bailleur privé. Ce ne serait pas forcément coûteux pour l'État si l'on intègre toutes les recettes issues de la TVA ou des mutations. Aujourd'hui, le déséquilibre fiscal est trop fort entre location nue, meublé et saisonnière. Il faut une réforme globale, pas une approche en silos. »
- Quels grands projets sortent actuellement chez Sogeprom ?
« Nous allons lancer la seconde tranche du Village des Médias à Dugny, en Île-de-France. La première a été un véritable succès, et la seconde, dans un style différent, s'annonce tout aussi prometteuse.
Nous avons également lancé un projet Le Clos Méridien à Brive-la-Gaillarde, dans le cadre du dispositif Denormandie, en restructurant d'anciens locaux d'Orange. À Toulouse, nous avons multiplié les petits projets, à taille humaine, très qualitatifs, orientés vers la résidence principale. » Lire aussi - Sogeprom mise sur l'immobilier neuf à Toulouse
- Et quid des perspectives à moyen terme pour conclure ?
« Le principal facteur d'instabilité reste le niveau des taux longs, notamment dans le contexte géopolitique et budgétaire actuel. C'est l'OAT 10 ans qui guide notre marché. La demande est là, mais il faut absolument réussir à baisser nos prix de sortie, malgré des coûts techniques toujours élevés.
Nous continuons de produire des logements qualitatifs, bien conçus, optimisés, avec des espaces extérieurs et une attention environnementale forte. Le neuf reste pertinent en termes d'usage et il est, malgré tout, injustement critiqué. Il a pourtant un rôle essentiel à jouer dans l'adaptation du parc au changement climatique. »