Jean-Marc Vilon, Crédit Logement : « Prix et taux se stabilisent ce qui devraient encourager les porteurs de projet à se lancer sans attendre »
Directeur général du Crédit Logement, organisme qui garantit les prêts immobiliers auprès des banques, Jean-Marc Vilon présente le marché du crédit immobilier en dressant un bilan de 2024 mais surtout en évoquant les signaux positifs pour 2025.
Directeur général du Crédit Logement, organisme qui garantit les prêts immobiliers auprès des banques, Jean-Marc Vilon présente le marché du crédit immobilier en dressant un bilan de 2024 mais surtout en évoquant les signaux positifs pour 2025.
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- Quel premier bilan tirez-vous de 2024 ? Sur quoi repose la reprise observée l'année dernière ?
« 2024 a marqué une transition importante après des années de turbulence. Pour comprendre cette reprise, il faut remonter à la période d'euphorie entre 2015 et 2019. Les taux d'intérêt extrêmement bas - souvent autour de 1 % - avaient dopé le marché, aussi bien dans le neuf que dans l'ancien. Les banques ont financé massivement en ajustant leurs conditions : durées allongées, apports personnels réduits. Mais cela a suscité des craintes chez les autorités financières.
Ces inquiétudes ont conduit aux recommandations du Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), qui, de simples directives, sont devenues des normes contraignantes. Malheureusement, ces règles, conçues pour éviter des risques systémiques, ont amplifié la baisse lorsque le marché s'est retourné, notamment après les chocs successifs de la pandémie de Covid, de la guerre en Ukraine et de l'inflation.
Aujourd'hui, nous observons une reprise modérée grâce à plusieurs facteurs. Les taux d'intérêt, bien qu'encore loin des niveaux de 2019, ont baissé à environ 3,24 % début 2025. Cela redonne de la capacité d'achat aux emprunteurs. Les prix de l'immobilier ont également corrigé dans plusieurs régions, notamment en Ile-de-France et dans des grandes métropoles comme Lyon ou Bordeaux, où les hausses avaient pu être excessives. Enfin, les banques, après une période d'adaptation, maîtrisent désormais mieux les marges de manoeuvre prévues par le HCSF, ce qui leur permet de refinancer un plus large éventail de profils. »
- Les primo-accédants, en particulier les jeunes ménages, ont semblé particulièrement affectés au départ. Paradoxalement, ils signent un très bon retour en 2024, notamment dans l'immobilier neuf. Comment leur situation a-t-elle évolué ?
« Effectivement, au début de la mise en place des normes HCSF, les primo-accédants ont été les plus impactés. Les banques, confrontées à ces nouvelles contraintes, ont d'abord recentré leur activité sur les clients à plus haut potentiel, délaissant les ménages à revenus modestes. Cela a freiné leur accès à la propriété, mais cette dynamique est en train de changer.
- Le prêt à taux zéro, PTZ, a récemment été réduit. Quel est son impact actuel, en attendant la confirmation d'un nouvel élargissement prévu dans le budget 2025 ?
« Le PTZ reste un outil important, mais son recentrage en avril 2024 a eu des effets négatifs, notamment sur la primo-accession. Son exclusion des maisons individuelles et de certaines zones a limité son utilité. Pourtant, avec des taux d'intérêt autour de 3 %, son impact financier pourrait être plus significatif qu'à l'époque des taux bas. Un élargissement du PTZ serait un signal très positif. Au-delà de l'aide directe qu'il offre aux emprunteurs, il contribuerait à restaurer la confiance, un élément capital pour dynamiser le marché. »
- Les intentions d'achat immobilier semblent avoir résisté malgré un contexte économique et politique agité. Comment l'expliquez-vous ?
« C'est effectivement surprenant, mais les statistiques montrent que les intentions d'achat restent solides, malgré des événements politiques récents comme la dissolution ou la censure du budget. Cela s'explique par la nature fondamentale de l'immobilier : avoir un toit est un besoin essentiel et un enjeu patrimonial majeur pour les ménages. Même si certains ont différé leurs projets en attendant une stabilisation des prix ou des taux, beaucoup réalisent aujourd'hui que les conditions se sont ajustées. Les taux, bien qu'élevés par rapport à il y a cinq ans, restent raisonnables dans une perspective historique, et les prix, dans de nombreuses régions, se stabilisent. Ces éléments rassurent les acheteurs et devraient les encourager à concrétiser leurs projets avant que les opportunités ne se réduisent de nouveau. »
- En ce début 2025, quelles sont vos prévisions pour le marché immobilier et les taux d'intérêt ?
« Les taux devraient continuer à baisser légèrement, jusqu'à 2,85 ou 2,90 %, mais nous approchons d'un point de stabilisation. Cette perspective devrait inciter les acheteurs hésitants à franchir le pas, car les prix, après des ajustements notables, ne devraient plus beaucoup évoluer à la baisse.
Il est tout de même peu probable que nous retrouvions les niveaux records de 2018-2019. Cette époque était exceptionnelle, avec des volumes de production de crédit parfois gonflés par des rachats de prêts à taux bas. Aujourd'hui, le marché s'oriente vers une reprise lente et progressive, mais structurée. »
- L'investissement locatif semble davantage en difficulté. Comment relancer ce secteur ?
« L'investissement locatif est freiné par plusieurs facteurs, notamment l'encadrement des loyers, la lutte contre les passoires thermiques et une perception négative des bailleurs qu'on qualifie presque d'usurier. Ces contraintes créent une incertitude psychologique pour les investisseurs, même ceux dont les biens ne sont pas concernés directement.
Le statut du bailleur privé, évoqué depuis plusieurs années, pourrait être un levier puissant. Ce cadre valoriserait les investisseurs tout en sécurisant leurs engagements. Ce serait un signal fort, tant sur le fond que sur la forme, pour encourager les particuliers à investir dans le parc locatif. »
- Quels leviers pourrait-on actionner pour accélérer la reprise immobilière ?
« Plusieurs mesures pourraient renforcer cette reprise. Un élargissement du PTZ, une meilleure reconnaissance du rôle des investisseurs locatifs et un soutien affirmé des pouvoirs publics, notamment au plus haut sommet de l'Etat, à l'immobilier seraient essentiels. Il ne s'agit pas seulement d'améliorer les conditions économiques, mais aussi d'envoyer un message de confiance aux acteurs du marché.
2025 sera une année de consolidation. Nous n'allons pas vers des jours heureux mais plutôt vers des jours meilleurs. Nous devons accompagner cette reprise lente, mais réelle, en favorisant un environnement propice à l'achat, à l'investissement et à la construction. L'immobilier reste un pilier du patrimoine des ménages et un moteur pour notre économie. Il va falloir redonner envie. »
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