Vincent Davy, FPI Alpes : « Il faut que les élus prennent conscience des enjeux économiques et sociaux de la construction »
Face à une crise inédite du logement neuf dans les Alpes, Vincent Davy, président de la FPI Alpes, tire la sonnette d’alarme. Entre raréfaction de l’offre, hausse des coûts et blocages politiques, il appelle à une prise de conscience urgente de Grenoble à Annecy.

Face à une crise inédite du logement neuf dans les Alpes, Vincent Davy, président de la FPI Alpes, tire la sonnette d’alarme. Entre raréfaction de l’offre, hausse des coûts et blocages politiques, il appelle à une prise de conscience urgente de Grenoble à Annecy.
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- Le marché de l'immobilier neuf est en pleine tourmente. En 2024, les chiffres sont alarmants, tant au niveau national qu'ici dans les Alpes. Comment analysez-vous cette situation ?
« Nous assistons à un effondrement total du nombre de logements réservés, un phénomène que nous déplorons depuis deux ans avec des ventes divisées par deux sur la Haute-Savoie par exemple. Cela fait déjà trois ans que nous alertons les élus, qu'ils soient locaux ou nationaux, sur la nécessité d'agir. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une véritable crise du logement. Ce n'est pas simplement une crise pour les promoteurs, mais une crise sociétale qui touche toutes les catégories de la population : personnes âgées, jeunes actifs, familles nouvellement installées... Beaucoup ne trouvent pas de logement et doivent même quitter la région. Plusieurs facteurs expliquent cette crise. D'une part, la fin de dispositifs incitatifs comme la loi Pinel, qui permettait de proposer des logements à loyer modéré, a freiné l'investissement. D'autre part, la réglementation et les normes toujours plus contraignantes rendent la construction plus coûteuse. Enfin, la frilosité des élus face à l'expansion urbaine empêche la densification des villes. »
- La Haute-Savoie et la Savoie sont-elles particulièrement touchées ?
« Oui, et cela s'explique par la forte attractivité économique de ces régions. Le dynamisme de la Savoie et de la Haute-Savoie, renforcé par la proximité avec la Suisse, crée une forte demande en logements. Malheureusement, l'offre ne suit pas. Par peur de voir leur ville grandir, certains élus freinent la construction, ce qui accentue les tensions sur le marché immobilier. Preuve de ce blocage, le Grand Annecy où le manque de logements entraine un véritable exode périphérique. Les travailleurs, faute de pouvoir se loger sur place, s'installent en dehors de la ville, générant une explosion du trafic pendulaire et des embouteillages quotidiens.

- Quelles solutions préconisez-vous pour sortir de cette crise ?
« Deux leviers pourraient inverser la tendance. D'abord, l'instauration d'un statut de bailleur privé permettrait d'inciter à la mise en location de logements à loyers raisonnables. Ensuite et surtout, les élus doivent comprendre que la construction est une nécessité et non une menace. Il faut réduire les normes, cesser d'imposer des programmations rigides aux promoteurs et encourager la densification urbaine. »
- Le Bail Réel Solidaire, BRS, pourrait-il être une solution, notamment dans le Grand Annecy ?
« Le BRS est un outil intéressant, mais il doit être anticipé et bien calibré. Sur Annecy, la mise en place a été tardive et sans véritable planification politique, ce qui explique en partie son manque de succès. Il faut espérer que cela évoluera dans les années à venir. »
- Le marché est-il différent à Chambéry et Aix-les-Bains ? Grenoble ?
« Aix-les-Bains suit la même tendance qu'Annecy avec une progression constante des prix et une forte demande d'une clientèle similaire à celle d'Annecy. Chambéry, en revanche, a longtemps été un marché plus abordable, mais on observe aujourd'hui un rattrapage des prix. Les élus n'ont politiquement pas les mêmes convictions mais le résultat reste le même : le nombre de réservations diminue.
Pour ce qui est de Grenoble, l'immobilier suit une dynamique propre, marquée par un décalage entre l'offre et les acheteurs potentiels moins solvables. Tandis que la population s'appauvrit et se tourne vers le logement social, des biens toujours plus chers, conformes aux normes environnementales, peinent à trouver preneur. Cette fracture souligne un problème plus large : nous sommes confrontés à des élus qui conçoivent dans leur document d'urbanisme : PLU, charte... une ville idéale sans toujours intégrer les réalités économiques. Faute de concertation avec les acteurs du marché, l'offre de logements reste inadaptée à la demande locale et cela ne se vend plus. »
- Les prix de l'immobilier neuf baisseront-ils en 2025 ?
« Non, il n'y aura pas de baisse significative en 2025. La production actuelle repose sur des projets engagés il y a plusieurs années et depuis, les normes et les coûts de construction ne cessent de s'alourdir. Pour réduire les prix, il faudrait agir sur la réglementation et le coût du foncier. Nous sommes bien sûr fiers de produire parmi les logements les plus performants d'Europe en matière énergétique. Cependant, l'exigence actuelle pèse lourdement sur les coûts et freine l'innovation. Beaucoup de promoteurs ont dû réduire, voire fermer, leurs services de R&D. »
- Quelles sont vos préoccupations pour l'avenir du secteur ?
« Nous sommes inquiets pour l'avenir si les élus ne prennent pas conscience des enjeux de la construction. Il y a une déconnexion entre les ambitions politiques et la réalité économique. Il est indispensable de concilier urbanisme et viabilité économique si nous voulons préserver l'attractivité de nos territoires.
Le secteur est sous tension. Plusieurs promoteurs nationaux se sont retirés des Alpes, et certains groupes sont en redressement. Aucun promoteur n'est aujourd'hui à effectif constant depuis deux ans. C'est le signe d'une situation critique. Il est urgent que l'on trouve des solutions pour relancer la construction et répondre aux besoins de logement des Français. »