Antoine Machado, Priams : « En voulant limiter la construction comme à Annecy, on crée un problème encore plus grave »
Président fondateur de Priams, société de promotion immobilière dans les Alpes, Antoine Machado dresse un état des lieux sans concession de la promotion immobilière dans l'arc alpin et appelle à des mesures urgentes. Il décrypte les enjeux et alerte sur les risques d’un effondrement du marché en plaine, malgré un sursaut en montagne.

Président fondateur de Priams, société de promotion immobilière dans les Alpes, Antoine Machado dresse un état des lieux sans concession de la promotion immobilière dans l'arc alpin et appelle à des mesures urgentes. Il décrypte les enjeux et alerte sur les risques d’un effondrement du marché en plaine, malgré un sursaut en montagne.
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- Comment se porte Priams actuellement et comment gérez-vous cette période difficile pour la promotion immobilière ?
« Priams traverse les mêmes difficultés que l'ensemble des promoteurs en France. Nous faisons face à une baisse très significative des volumes, ce qui nous oblige à ajuster nos moyens d'exploitation en conséquence. Malheureusement, cela entraîne des pertes d'emplois dans notre profession et, plus largement, dans toute la filière du bâtiment. L'année dernière, on évoquait déjà 300 000 emplois menacés, et je crains que ce chiffre soit dépassé. Nous nous adaptons avec résilience, mais c'est une période compliquée à gérer dont le pays aurait pu faire l'économie. »
- Vous êtes présents à la fois en plaine et en montagne. Comment évoluent ces deux marchés ?
« La montagne représente environ 20 % de notre chiffre d'affaires et se porte nettement mieux que la plaine. Cela nous apporte un certain amortisseur, mais cela ne compense pas la baisse générale du marché.
Une bonne nouvelle, cependant : la clientèle en montagne, qui avait reporté ses projets ces deux dernières années, passe à l'acte depuis Noël. Nous avons enregistré un volume de réservations significatif, notamment sur nos programmes à l'Alpe d'Huez, comme Belle Aurore ou Phoenix 3 qui connaissent un grand succès.

- Peut-on espérer que ce dynamisme en montagne annonce un frémissement du marché global ?
« Non, malheureusement, il faut bien différencier ces deux marchés. La clientèle, les produits, les prix et même les conditions de financement sont totalement différents. Ce qui se passe en montagne, c'est un rattrapage des achats reportés et cela ne présage en rien d'une reprise en plaine. »
- Justement, revenons à la plaine. Les mises en vente et les ventes continuent de chuter dans les Alpes, les PLU ne facilitent pas les choses. Comment sortir de cette impasse ?
« Nous traversons une crise profonde, comparable à la crise de 1992 qui a duré cinq ans, et nous semblons suivre le même schéma.
Il y a bien sûr une crise de la demande, due à l'augmentation des taux d'intérêt et des coûts de construction. Mais on parle trop peu de la crise de l'offre. Aujourd'hui, nous n'obtenons pas assez de permis de construire pour alimenter le marché.
Dans le Grand Annecy, nous avons seulement 250 mises en commercialisation, un chiffre historiquement bas. En 2024, nous avons enregistré 300 réservations ; cette année, ce sera moitié moins. C'est mécanique : sans offre, il ne peut pas y avoir de ventes. » Lire aussi - Immobilier neuf Haute-Savoie : un marché toujours tendu entre Grand Annecy et Genevois français
- Que demandez-vous aux pouvoirs publics ?
« Nous avons besoin d'un profond changement de regard en faveur d'une politique du logement pragmatique adaptée aux besoins de la population. Le "logement bashing" actuel a des conséquences dramatiques. D'abord, les prix ne baissent pas. La pénurie d'offres maintient le foncier à un niveau élevé, ce qui empêche toute baisse des prix de vente. Ensuite, les réglementations s'accumulent et deviennent contre-productives : on nous impose sans aucun discernement des règles de mixité et des standards toujours plus exigeants, mais sans jamais prendre en compte la faisabilité économique.
Le nouveau PLUi du Grand Annecy, arrêté en décembre dernier, est un exemple criant de ce blocage. Il prévoit une dédensification à contre-courant de l'exigence environnementale et un cadre réglementaire si contraignant qu'il rend la plupart des projets infaisables économiquement. Nous travaillons avec la FPI Alpes pour démontrer l'impact catastrophique de ce document. Si ce PLUi est adopté en l'état, la production de logements va s'effondrer encore plus, et les promoteurs iront développer ailleurs. »
- Quelles seront les conséquences d'une telle politique ?
« Elles sont évidentes : explosion des prix, aggravation de la crise du logement et désastre écologique. Moins de logements disponibles dans les villes-centres signifie que les ménages devront s'éloigner toujours plus pour se loger de façon plus abordable, augmentant les trajets domicile-travail. La Haute-Savoie a enregistré 26 % de ventes en diffus en dehors du Grand Annecy ou du bassin genevois l'an dernier. On voit déjà les effets de cette situation, avec une saturation croissante et insoutenable des axes routiers. Paradoxalement, en voulant limiter la construction sous couvert d'environnement, on crée un problème bien plus grave tant socialement qu'au plan écologique. »
- Avez-vous bon espoir que la situation évolue ?
« Il faut rester positif, mais la réalité est inquiétante. Nous, promoteurs, faisons tout pour alerter, mais nous ne sommes pas entendus. Le logement est un enjeu sociétal majeur, et pourtant, il est traité avec désinvolture. Les quelques mesures annoncées telles que l'élargissement du PTZ ou les donations défiscalisées sont cosmétiques et insuffisantes. D'autant qu'il faut rappeler que ce sont les promoteurs, au titre de la loi SRU, qui produisent la majorité du logement social en France.
La question fondamentale est la suivante : veut-on continuer à construire des logements dans ce pays ou non ? Si la réponse est oui, alors il faut prendre des décisions fortes : simplifier les réglementations, accélérer l'octroi des permis et adapter les politiques foncières aux besoins fondamentaux de tous les citoyens.
Aujourd'hui, nous assistons à la destruction de notre outil de production. Si rien ne change, la reprise sera encore plus difficile et douloureuse dans les années à venir. »