Pascal Boulanger, FPI : « Ce qui m'inquiète, ce sont les chiffres des prochains mois »

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Président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers, Pascal Boulanger est de plus en plus inquiet pour son secteur, les mauvais chiffres au terme du troisième trimestre 2022 n’étant que les prémices aux difficiles mois à venir, selon lui. Explications.

pascal boulanger président FPI France
Le président de la FPI, Pascal Boulanger, craint des heures noires pour l'immobilier neuf dans les mois à venir. © Studioanna

Président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers, Pascal Boulanger est de plus en plus inquiet pour son secteur, les mauvais chiffres au terme du troisième trimestre 2022 n’étant que les prémices aux difficiles mois à venir, selon lui. Explications.

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- Les chiffres de la promotion immobilière présentés au terme du troisième trimestre 2022 sont très inquiétants, avec par exemple un recul des ventes de presque 30 % sur un an, mais qu'est-ce qui vous inquiète le plus dans ces chiffres ?

 

« Ce qui m'inquiète le plus dans ces chiffres, ce ne sont pas ces chiffres-là, ce sont les chiffres qui vont arriver au terme du trimestre prochain, car nous sommes partis pour une tendance baissière dans la durée. Ces chiffres ont été arrêtés au 30 septembre ; mais la moitié du quatrième trimestre est déjà passée et les premières informations me font dire que ça va être encore pire.

 

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Nous avons depuis très longtemps tiré la sonnette d'alarme en disant qu'il n'y avait pas assez d'offre, pas assez de permis de construire qui sont signés. Beaucoup moins d'offre, c'est aussi beaucoup moins de réservations. C'est normal, les ménages ne peuvent pas acheter ce qui n'est pas à vendre mais s'ajoute désormais une chute de l'intérêt même de la part de la demande. Nous sommes vraiment dans une grande période de turbulences. Tous les feux sont au rouge ou presque. Premier feu : a-t-on assez d'autorisations de construire ? Le feu est rouge. Est-ce que nous avons des entreprises qui peuvent répondre à des prix cohérents à nos appels d'offres pour construire nos immeubles ? Le feu est au rouge. Est-ce que nous avons des clients ? Oui, mais le feu est en train de passer à l'orange. Est-ce que nous avons des clients financés ? Le feu est orange également. 
Sur les quatre piliers de notre métier : avoir du foncier et des permis de construire, des entreprises pour construire, des clients et des clients financés, tous les feux sont au rouge ou à l'orange et c'est un phénomène nouveau. Jusqu'ici, nous avions peu d'offre, d'où la baisse des réservations, mais maintenant, en raison de la conjoncture difficile et anxiogène, il y a aussi un désintérêt des clients pour le logement neuf et l'investissement de long terme. Le désintérêt habituel durant l'été n'a pas été suivi par la reprise attendue à la rentrée de septembre. Nous sommes deux mois et demi plus tard et nous voyons que cela continue à ralentir. L'offre crée la demande et là, nous n'avons pas assez d'offre et une demande qui s'inquiète et qui fait face aux difficultés pour se financer, en raison notamment du taux d'usure. »

 

- Est ce qu'il y a quand même des choses qui vous rassurent dans ces chiffres ? La FPI Méditerranée a salué la bonne volonté du maire de Montpellier par exemple. Sentez-vous une légère amélioration sur certains secteurs avec des maires qui rouvrent un peu les vannes des permis de construire ?

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Pascal Boulanger regrette que certains maires se félicitent publiquement de ne pas signer de permis de construire pour du logement neuf collectif. © Shutterstock
« Nous avons la chance d'avoir un ministre, Olivier Klein, qui comprend notre problème, mais, factuellement, ce n'est pas le ministre qui signe le permis de construire et je ne sais pas si aujourd'hui il y a cette prise de conscience. J'ai l'exemple d'un maire qui a fait installer des panneaux 4x3 pour se féliciter qu'il avait accepté seulement deux projets d'immeubles collectifs depuis le début de son mandat. Oui, il existe une prise de conscience de certains élus ; mais les chiffres ne sont pas porteurs d'espoir. Moi, j'attends un sursaut, une prise de conscience politique, un coup de pied au fond de la piscine pour remonter. Sans oublier que quand le logement neuf se casse la figure, comme nous produisons 54 % du logement social, c'est aussi le logement social qui plonge. La dernière digue qu'était celle des propriétaires-occupants a aussi cédé avec un recul des ventes de presque 20 %. Je ne vois pas d'autre lueur d'espoir que cette nécessaire prise de conscience des pouvoirs publics. »

 

- Quels aspects mettre en avant auprès de ces pouvoirs publics pour qu'ils soutiennent le logement neuf ? 

« Je le dis depuis l'Appel de Strasbourg lancé lors de notre congrès début juillet, il faut un fléchage de la TVA vers les maires bâtisseurs. Il faut donner aux maires, qui ont, depuis le 2 mars 82, le pouvoir de signer les permis de construire, un intérêt à agir. Le jour où nous recommencerons à avoir de l'offre, nous aurons de la demande. C'est une lapalissade mais pour vendre quelque chose, il faut déjà avoir quelque chose à vendre. En plus, aujourd'hui, il y a beaucoup de projets qui ne sortent pas pour des raisons économiques : le coût de construction dépassant le prix de revient. Comment quantifier si la demande qui est affaiblie est due à une raréfaction de l'offre ou due à l'inquiétude de la période ? Alors, produisons. »

 

- Est-ce que le plafond de verre n'a pas été atteint en termes de prix et que produire de l'offre nouvelle à un prix élevé ne rencontre pas la limite de la demande ?

« Pourquoi les prix montent ? D'abord, il y a cette flambée mondiale des coûts de construction ; mais aussi car la production se concentre dans les communes bâtisseuses, là où le maire est plutôt favorable à signer des permis de construire et donc, les promoteurs se bagarrent tous pour les mêmes fonciers et les prix de vente montent au final. Le problème n'est plus vraiment la rareté du foncier, mais plutôt la rareté du foncier dans des communes où l'on construit, la rareté des autorisations de construire. »

 

- Votre problème majeur est l'offre, mais comment soutenir aussi la demande qui commence à devenir défaillante ?

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Pour le président de la FPI, il faut un statut pérenne de bailleur privé pour soutenir l'investissement locatif dans le neuf. © Shutterstock
« Le problème d'offre date de la période avant les élections municipales de 2020, mais on constate, en effet, qu'il y a également moins d'intérêt de la part de la demande, lié d'abord à des phénomènes psychologiques, c'est-à-dire une certaine inquiétude née de la guerre en Ukraine, de la hausse des coûts de construction... Or, comme c'est un achat de long terme, l'immobilier nécessite de la sérénité. 
Il y a aussi la fin du Pinel à taux plein et l'arrivée du Pinel Plus, l'investissement locatif qui représente la moitié de nos ventes sur une moyenne de longue période. Là aussi, certains promoteurs vont s'adapter ; quand d'autres estiment que cela ne sera pas rentables pour eux. C'est pourquoi nous en appelons à un statut pérenne du bailleur privé. Nous ne comprenons d'ailleurs pas pourquoi l'Etat veut favoriser les investisseurs institutionnels, ce qui est une erreur selon nous. Il faut favoriser les deux car l'investissement des particuliers, c'est aussi des compléments de revenus, des compléments de retraite pour les ménages. L'avantage fiscal reste la clé pour eux. D'où cette nécessité d'un statut pérenne pour l'investisseur. » 

- Un promoteur haut-savoyard a récemment interdit la location type Airbnb dans le règlement de copropriété de certains de ces programmes neufs pour réserver ses opérations aux habitants permanents. Est-ce cela pourrait être une réponse à la problématique évoquée par certains maires qui font la chasse aux locations touristiques ?

« C'est un épiphénomène dans nos réalités de vente. Nous ne vendons quasiment jamais à des investisseurs qui veulent faire de la location touristique de courte durée puisque il s'agit soit de la résidence principale, soit d'un investissement Pinel. Selon moi, certains maires profitent de cette problématique Airbnb pour en faire un argument fallacieux contre nos projets. »

 

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- Vous avez évoqué un projet sur six stoppé pour raisons économiques avant même le début de la commercialisation, les décalages de lancement de chantier sont nombreux également, avez-vous eu le retour d'abandon de chantier de tout un programme immobilier ?

« Non et c'est quasiment impossible avec la Garantie Financière d'Achèvement, donnée par la banque, couvrant un éventuel abandon de chantier. Il peut arriver qu'une entreprise sur un chantier fasse faillite, ce qui crée du retard mais que l'ensemble des travaux n'arrive pas à leur terme, cela n'existe pas à ma connaissance. 
Après, oui, certaines opérations sont abandonnées avant même leur commercialisation car le coût de construction représentant 50 % de notre prix de revient, notre marge étant auparavant de 7,5 % en moyenne, si le coût de construction n'augmente rien que de 15 %, cela mange toute notre marge. Donc quand certains coûts explosent dans nos appels d'offre, il est alors préférable de tout stopper, voire de décaler son lancement. »

- Pour conclure, quid de 2023 ?

« J'attends une prise de conscience politique, ce n'est pas possible autrement. Il faut remonter du fond de la piscine et comptez sur moi et la FPI pour empêcher le logement neuf de se noyer. »

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