Autorisation ne vaut pas construction : les chiffres cachés d'un secteur en souffrance
Malgré quelques indicateurs en amélioration, le secteur de la construction neuve dans l'hexagone reste englué dans une crise structurelle profonde. Retour sur les chiffres clés du premier trimestre 2025 et les perspectives à court et moyen termes.

Malgré quelques indicateurs en amélioration, le secteur de la construction neuve dans l'hexagone reste englué dans une crise structurelle profonde. Retour sur les chiffres clés du premier trimestre 2025 et les perspectives à court et moyen termes.
Trouvez un logement neuf en 3 clics !
Où cherchez-vous ?
- Pour habiter
- Pour investir
- Terrains
Le rebond des permis de construire au premier trimestre 2025 masque une réalité alarmante : la construction neuve reste en crise, plombée par des fondamentaux fragiles. Entre frémissements statistiques et tensions durables, la filière du logement neuf affronte un début d'année 2025 sous haute pression. Le secteur attend toujours un vrai choc de relance.
Gratuit, téléchargez notre guide
“ Acheter un logement neuf : mode d'emploi ”
- Les avantages du neuf
- Comment financer un logement neuf
- Achat en VEFA, mode d'emploi
Une embellie statistique des permis de construire... mais encore bien en dessous des niveaux d'avant-crise
À première vue, les chiffres publiés fin avril par le ministère du Logement pourraient suggérer un léger redressement du secteur : les autorisations de construire ont progressé de 6,9 % en mars 2025 par rapport à février, pour atteindre 30 700 unités. Et sur l'ensemble du premier trimestre, elles affichent une hausse de 4,9 % par rapport au trimestre précédent.
Des mises en chantier de logements neufs toujours à la traîne
Le constat est similaire du côté des mises en chantier : en mars 2025, seulement 22 600 logements auraient été commencés, soit un recul de 6,2 % par rapport à février. Sur l'ensemble du premier trimestre, la baisse atteint même 7,6 %, après un rebond trompeur : + 11,3 % fin 2024.
Dans le détail, les logements collectifs reculent nettement : - 11,6 %, tandis que les maisons individuelles stagnent : - 0,2 %. À l'échelle annuelle, les mises en chantier s'élèvent à 291 600 logements, un chiffre en très légère hausse par rapport aux 12 mois précédents : + 1 %, mais toujours en retrait de 25 % comparé à la période précédant la crise sanitaire.
Les appartements neufs, talon d'Achille de la reprise
Le logement collectif concentre aujourd'hui toutes les inquiétudes. Marc Gedoux, président du Pôle Habitat FFB Grand Paris, ne mâche pas ses mots : « Malgré les efforts très notables de notre Ministre, Valérie Létard - que nous saluons - il est évident que les effets de ces décisions ne se feront sentir que dans plusieurs mois. D'ici là, 2025, et très probablement au moins tout le premier semestre 2026, vont être terribles, particulièrement dans le secteur du logement collectif ». Attention de ne pas confondre les résultats de grands groupes immobiliers cotés en bourse et la réalité du terrain, alerte Marc Gedoux.
Selon le Pôle Habitat Grand Paris, les mises en chantier de logements neufs sont en chute libre avec un recul anticipé de 19 % par rapport à la moyenne longue période (1986-2024). Le diagnostic est sans appel : les promoteurs sont asphyxiés, des projets s'arrêtent et les grands acheteurs institutionnels comme Action Logement ou CDC Habitat ne seront pas au rendez-vous cette année, rappelle la fédération.
Autre facteur aggravant : la chute continue des permis de construire en Ile-de-France, estimée à - 22 % au regard de la moyenne de longue période, dans un contexte de frilosité municipale à l'approche des élections locales. Résultat, les opérations prêtes à démarrer restent bloquées, accentuant une pénurie de logements qui pourrait culminer à l'horizon 2027-2028, prévient le Pôle Habitat Grand Paris.
Un rebond du côté des maisons individuelles, mais sur fond de crise
Le secteur des constructeurs de maisons individuelles a connu un léger sursaut depuis la réintroduction du Prêt à Taux Zéro, PTZ, sur ce créneau et sur l'ensemble du territoire depuis le 1er avril. Cette mesure très attendue par les professionnels commence à produire des effets visibles sur les ventes.
Cependant, là encore, la prudence s'impose. Le marché reste loin d'un retour à la normale, rappelle le Pôle Habitat FFB : « C'est un rebond sur un champ de ruines. Rappelons que ces mêmes ventes avaient chuté de 70 % après la suppression du PTZ sur ce secteur ».
Besoin d’un crédit immobilier ?
Comparez gratuitement les offres de plus de 100 banques pour votre projet immobilier
Des signaux positifs selon la ministre Valérie Létard, mais encore timides
Du côté du gouvernement, la ministre du Logement Valérie Létard veut croire à un redémarrage progressif : « Nos outils sont sur la table, les signaux sont encourageants, et notre détermination est totale. Relancer la construction, c'est répondre à une urgence ».
Le plan d'aide aux maires bâtisseurs, lancé en mars, suscite déjà un intérêt palpable, lit-on dans un communiqué de presse du ministère du Logement. Treize dossiers ont été déposés dans douze départements, représentant plus de 2 700 logements à venir. L'élargissement du PTZ aux primo-accédants sur tout le territoire devrait également permettre de soutenir au minimum 15 000 projets supplémentaires par an, annonce le ministère.
Sur le terrain du financement, l'enquête trimestrielle de l'Insee dans la promotion immobilière montre un début de regain de confiance chez les promoteurs immobiliers. Leur opinion sur les capacités financières de leurs clients s'améliore nettement, avec un solde d'opinion repassant au-dessus de sa moyenne de long terme. L'apport personnel des ménages repart aussi à la hausse.
Dans le même temps, les perspectives de mises en chantier progressent également. Le solde d'opinion des promoteurs s'affiche en nette hausse ce trimestre, prolongeant une dynamique amorcée depuis un an. Cette embellie reste toutefois en demi-teinte : les niveaux restent encore largement inférieurs à leur moyenne historique.
Autre signe d'un frémissement : davantage de promoteurs déclarent vouloir relancer des études de nouveaux programmes en collaboration avec des architectes ou bureaux d'études. La tendance reste inférieure aux standards habituels, mais marque une sortie progressive des niveaux historiquement bas atteints entre mi-2023 et fin 2024.
L'offre en chute, la demande en hausse : vers une crise explosive ?
Ce déséquilibre entre une offre en recul constant et une demande croissante dessine les contours d'une crise à venir encore plus aiguë. En Île-de-France, la situation est particulièrement préoccupante : selon la CERC, seulement 9 200 logements ont été mis en vente en 2024, soit - 64 % par rapport à la moyenne décennale. Le nombre de logements commencés atteint 42 800, très loin des 70 000 nécessaires selon le nouveau Schéma directeur régional. Marc Gedoux s'alarme : « On continue à freiner des projets prêts à sortir, à alourdir les exigences techniques, à complexifier les démarches. Et pendant ce temps, la demande de logements explose. Le résultat est connu : la crise du logement va encore s'aggraver ».
Une équation politique et économique complexe, une relance de l'immobilier neuf sous conditions
Face à cette impasse, les professionnels appellent à une mobilisation immédiate et collective. Parmi les leviers identifiés : accélérer l'instruction des permis ; simplifier les normes de construction ; libérer les projets bloqués ; recréer une dynamique de confiance avec les élus locaux. « Ce n'est pas le moment de baisser la garde. Ce n'est pas le moment de se satisfaire d'un frémissement. Ce n'est pas le moment de rassurer les marchés au détriment de la vérité », insiste Marc Gedoux.
Au terme du premier trimestre 2025, le bilan de la construction neuve en France reste donc globalement morose, malgré quelques indicateurs en amélioration. Si les signaux de reprise existent bel et bien, ils ne suffisent pas, pour l'heure, à inverser une tendance structurellement négative.
L'espoir repose sur la pleine montée en puissance des dispositifs gouvernementaux d'ici le second semestre. Mais sans impulsion locale forte ni engagement massif des acteurs privés et publics, la relance pourrait vite s'essouffler, laissant place à une nouvelle aggravation de la crise du logement, alertent, une nouvelle fois, les professionnels.